American Elf

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En Août 1998, James Kochalka se rend à la San Diego ComiCon, et tient, sur la durée de la convention, une sorte de mini-journal sur le mode du strip. Quelques mois plus tard, il décide de renouveller l’expérience, et en Octobre 1998, il commence la production d’un strip quotidien en quatre cases, qu’il continue aujourd’hui à publier sur son site American Elf. L’ensemble, disponible online contre un abonnement minime ($1.95/mois), a également été publié sous la forme de quatre «cartoon diaries» (un par année), avant d’être compilé en un épais volume (avec une cinquième année et du rab de pages en couleurs) par Top Shelf, qui ne tarit pas d’éloge : «Quite simply, this is Kochalka’s masterpiece.»

Il est vrai qu’avec presque cinq cents pages et un titre-fleuve (American Elf : The Collected Sketchbook Diaries of James Kochalka — October 26, 1998 to December 31, 2003), la bête a de quoi impressionner. Projet sans autre ligne directrice que de produire, jour après jour, un strip quotidien, American Elf s’éloigne des projets autobiographiques que l’on a pu lire ailleurs, que ce soit le Journal de Fabrice Neaud ou les Carnets de Lewis Trondheim ou Joann Sfar.
Ici, pas vraiment de fil conducteur, on évolue entre les anecdotes insignifiantes et les moments d’intimité, le tout saupoudré des choses simples de la vie de tout les jours et parsemé de personnages rencontrés dans d’autres pages (Jason X-12, Spandy le chat). On notera aussi quelques préoccupations récurrentes, comme cette attention particulière apportée à l’état de sa chevelure, ou encore une fascination infantile pour les déjections diverses (urine et vomi, pour ne pas les nommer).
De loin en loin, on voit pointer des événements plus marquants, qui disparaissent ensuite, submergés par le flot du quotidien. Ainsi, les attentats du 11 Septembre 2001 ne prendront le devant de la scène que l’espace d’une demi-douzaine de strips. Il faudra attendre l’arrivée d’un enfant pour qu’un semblant de vie quotidienne commence à émerger au fil des pages.

D’une certaine manière, American Elf condense tout ce qui fait que l’on peut aimer Kochalka comme le détester. On y retrouve un univers aux sentiments simples (bonheur, colère, contentement, envie, remors) où plantes et animaux prennent la parole, où l’on s’émerveille des premières fois, où parfois seul le plaisir de dessiner domine. Poésie fragile ou complaisance puérile, au choix.
James Kochalka lui-même n’est pas dupe, et l’indique dans son introduction : «pris individuellement, chacun de mes strips ne signifie presque rien, mais ensemble, ils gagnent en puissance.» Portrait d’un auteur éclaté en presque deux mille fragments, American Elf reste une oeuvre particulière, imparfaite mais attachante.

Site officiel de James Kochalka
Site officiel de Ego Comme X
Chroniqué par en septembre 2005