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Carnets de massacre

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Carnets de Massacre («13 contes cruels du Grand Edô») est un livre à ne pas mettre entre toutes les mains, puisqu’il s’agit d’un représentant du genre «ero-guro» — «érotique-grotesque», et plus précisément «érotique-grotesque nonsense». C’est un genre qui paraît dans les années 20 au Japon, et qui mélange donc érotisme et éléments macabres, revendiquant une filiation avec des auteurs comme Georges Bataille ou le Marquis de Sade. On nage ainsi en plein Eros-Thanatos.

On connaissait déjà Maruo Suehiro, dont La Chenille est parue l’année dernière au Lézard Noir, adaptation de la nouvelle du même nom du maître du genre, Edogawa Rampô — un très beau livre qui faisait partie de la Sélection Officielle du dernier Festival d’Angoulême. Maruo a une approche très esthétisante, qu’il s’agisse des références aux posters de propagande des années 30-40 au Japon ou l’utilisation de motif floraux ou animaliers qui évoquent les vanités du XVIIIe siècle.
De son côté, Kago Shintarô s’inscrit beaucoup plus dans le «nonsense», touchant parfois à la parodie, comme c’est d’ailleurs le cas dans ce recueil situé dans le Grand Edô, la période emblématique du Japon médiéval, celui des films de samouraï de Kurosawa.

On y découvre par exemple ce mari qui voudrait hériter de sa femme, mais qui échoue dans sa tentative d’empoisonnement qui laisse cette dernière défigurée par une plaie purulente — ce qui décuple le désir du mari, qui va alors rejoindre une sorte de «club» de maris qui rivalisent entre eux en présenant leurs épouses à la beauté quasi-parfaite, mais défigurée par quelque défaut rédhibitoire : une dentition de cauchemar, des oreilles effroyablement poilues, ou pire encore.
Les premières histoires de ce récit plantent donc les portraits d’une série de personnages tous plus étranges les uns que les autres, et que l’on retrouve plus loin réunis en redresseurs de torts itinérants, dans un final apocalyptique et complètement loufoque face à une invasion de … trous. Je n’en dirai pas plus.

L’occasion de découvrir un auteur très particulier mais véritablement inventif — pour un public averti, bien sûr.

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Chroniqué par en avril 2011