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Bonne nuit Punpun

de

Il semble sans relief, insignifiant et pourtant c’est le contraire. Quelques traits et un point, et il devient un signe vide comme Tintin qui se remplit d’une histoire, d’une vie propre. Il ne change pas en apparence, mais il grandit dans les faits d’un quotidien sans fin à la banalité s’ignorant aventureuse, en filant ses années de teenager du cours moyen à l’orée du lycée.
A la fois regard nombril et point de fuite, il focalise et — comme en couverture — se dessine par le toucher/touchant dans une monochromie à la couleur vive éclatant d’artifice.

Onodera Punpun a un prénom onomatopéique qui pourrait signifier les battements d’un cœur qui s’emballe. Les causes : le futur incertain qui s’impose en même temps que l’enfance s’éloigne ; et l’amour qu’il découvre, dont sa famille semble cultiver l’échec avec constance. C’est ainsi qu’il grandit face à la nuit qui s’annonce, continuant jusqu’à la fuite d’y espérer inconsciemment la possibilité d’un sommeil plein de rêves.

Bonne nuit Punpun est indéniablement un shônen : groupe d’amis formant une famille non dite, héros se construisant dans l’épreuve, vraie famille insignifiante et adultes contre-modèles dépassés par l’existence, etc. Mais là où ces images dérisoires habituelles permettent de fuir la réalité, Asano Inio inverse la proposition en montrant une réalité faisant fuir de dérisoires images de soi. Punpun est une ébauche littérale de l’enfance face au présent qui s’impose. On comprend que l’auteur ne pense pas qu’il grandira.[1] C’est dans la distance qu’il est le héros. Autre paradoxe, c’est en cela, par là, qu’il n’est plus un enfant, qu’il est bien un regard d’adulte (d’un auteur) sur l’adolescence et son imaginaire. Il est muet dans le sens où il ne s’exprime pas par des bulles, mais dans des narratifs à la troisième personne du singulier, devenant souvent des cases opaques rythmant l’abysse de ce qui fait la texture des nuits personnelles et introspectives.

On sait le manga plus langage visuel expressif que dessin reflétant la réalité, la restituant de manière plus ou moins « réaliste » comme certains disent. Punpun, dont le prénom redouble une syllabe comme le nom du personnage d’Hergé, serait un « grapholexique » majeur concentrant le double regard d’une vision d’avenir en face à face avec celle du présent de l’adultat sur le passé. Cet Onodera se révèle volatile dans tous les sens du terme. Trop schématique dans un décor trop réaliste, il est ce vide commun rattrapé par le temps et les désillusions s’égrenant comme un compte à rebours. Fuira-t-il comme son oncle, sa mère ou son père ?
Plus japonais, peut-être aussi,  il est l’émotion en soi ou dans des pages, dans une société où rien de cette nature n’a à être en façade, n’a à faire couverture. En filigrane, en bas relief, c’est un langage dit dérisoire qui interroge avec subtilité toutes ces étrangetés émotionnelles et fondatrices faisant permanence dans un monde d’impermanence.

Notes

  1. Voir entretien de l’auteur ici.
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Chroniqué par en septembre 2012