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The Cute Manifesto

de

Mignon par le format, malin par le contenu, The Cute Manifesto réunit trois textes et cinq bandes dessinées égrainés pour la plus part, tout au long de ces dix dernières années.[1]
S’il s’agit bien d’une compile, elle n’en est pas pour autant fourre-tout, mais affiche bien plutôt une cohérence qui en fait un véritable manifeste où Kochalka aborde la notion de création en général.

Le livre commence par un texte sur la bande dessinée et se termine par un texte sur le présent recueil, postface souple comme le roseau acceptant contradiction et évolution, parfaitement à l’image de son auteur.
Entre ces mots beaucoup d’images justement, distillant une vision de l’acte créateur, de l’échelle de l’artiste à celui d’un couple donnant la vie malgré tout et en particulier malgré les deux boeings sur les deux buildings.
La bande dessinée qui donne son nom au recueil, le donne aussi aux autres formes de créations la précédant ou la suivant. The Cute Manifesto évoque la récente paternité de Kochalka, ancrant plus que jamais son rapport téléologique au monde précédemment initié dans Sunburn.
Ses enfants sont de textes et d’images se mêlant comme sur la couverture à l’image concrète, à la fois stroboscopique et ubiquiste de son fils Eli sortie de l’origine du monde pour en devenir le nombril du sien. Kochalka est artiste et parent et comme beaucoup de parents il est parent-artiste, sculpteur à quatre mains (couple) de petites âmes bien vivantes où les plus attentifs jouent autant du hasard, des nécessités et de leurs espérances parentales que dans un dessin, une chanson ou un comix.

Le message est : jouer de ce que l’on a, ne surtout pas confondre la création et la réalité, l’une exprimant l’autre et si elle la change un temps soit peu, il y aura eu plus de hasard que de volonté planifiée. L’essentiel est de savoir s’exprimer avec se qui reste, faire sentir, rendre curieux. La technique ou la forme en soi sont les ennemies, elles imposent et évitent le monde.

Le but est de comprendre celui-ci et la vie, rien moins. C’est pour cela que Kochalka peut agacer, apparaître comme un gourou qui s’ignore mais qui compense suffisamment pour ne pas l’être en étant chanteur et auteur de comix.
Pourtant le challenge que s’est fixé Kochalka est à la fois autrement simple et compliqué. Son but est de faire des histoires de ce qui précisément est connu pour ne pas en avoir : le bonheur. Ce qui peut paraître une épreuve insurmontable est l’ambition de cet artiste, faire de la bande dessinée dans ce qu’elle a d’intime avec le monde, créer non pour cacher ou compenser, mais montrer comme un chercheur en attendant l’hypothèse, la théorie ou la preuve du contraire.

Ce livre n’est pas une bible mais une philosophie et il est fortement conseillé à tous ceux cherchant à fuir la réalité ou bien à la recréer. A tous ces nouveaux pompiers du neuvième art fuyant vers le virtuel de la fiction ou de la 3D, et que l’on préférait voir boire ou se droguer franchement plutôt que de produire de nouveaux livres, Kochalka oppose un radical et des plus salutaire «comics way of life».

Notes

  1. Trois textes : Craft is the enemy (daté par déduction autour de 1996) ; Craft is not a friend et Spelunking for slippery cave fish (2005).
    Cinq bandes dessinées : Sunburn (septembre 2000) ; Reinventing everything (part 1) ; Reinventing everything (part 2) (par déduction autour de 2002-2003) ; The Cute manifesto (par déduction autour de 2003) et The horrible truth about comics (janvier 1999), chef-d’œuvre chroniqué en son temps ici par l’ami Loleck, où se mêlent habilement théorie et poésie lui donnant une place d’honneur dans la catégorie «ouvrages importants parlant de la bande dessinée».
    Si une ou des âmes «Kochalmaniac(s)» lectrice(s) de ces lignes veut/veulent préciser les dates seulement estimées, qu’elle(s) n’hésite(nt) surtout pas et en soie(nt) mille fois remerciée(s) par avance.
Site officiel de James Kochalka
Chroniqué par en décembre 2005