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Le Dernier Mousquetaire

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Ce n’est pas vingt ans après, mais bien plus tard, de nos jours, dans ce futur devenu folklorique, où l’habit de mousquetaire est le vestige d’un lendemain de fête.
Nous sommes à Montpellier et le dernier mousquetaire n’est pas celui que l’on croit, le plus célèbre, mais Athos, l’aîné du groupe des quatre, l’incarnation de la noblesse de cœur et de comportement qui l’excluent aujourd’hui par ses manières de gentilhomme et son langage que concrétise son habit.

Il n’est pas seul, Aramis aussi a franchi trois siècles et demi, mais fidèle à lui-même il est du côté du pouvoir et de sa séduction, aussi à l’aise dans un costume trois pièces qu’il avait pu l’être dans celui d’évêque. Il a remisé cape et épée pour d’autres combats, abstraits et courtisants où l’honneur et la justice ont la moindre des places.
Quand Montpellier est pourfendue par des lames lumineuses d’outre-espace, Athos part donc seul à l’assaut de la planète ennemie qui a pour nom celui du dieu qu’il sert de par sa profession, celui de la guerre.
S’ensuit l’inévitable empereur, sa fille et un traître, âme noire remplie d’injustes et mauvais conseils à l’origine de bien des choses, s’enracinant dans un passé où vivait déjà le héros. Athos échappera à tous les pièges pour sauver la France et le monde par conséquent.[1] Tout cela avec panache, bien entendu, jusqu’à la fin d’une vie s’achevant dans l’honneur, en 48 pages couleur.

Ce livre pourrait être mal compris et vu, à la manière de certains guides touristiques, comme une terre de contraste alliant tradition et modernité, où bretteurs du Grand Siècle au beau langage se confrontent à un futur fait de fusées et de vie extraterrestres à l’épiderme tendant vers le vert. Ce qui est plus certain c’est qu’un âge d’or en rencontre un autre pas si vieux mais déjà passé.[2] Ce que note Jason c’est que désormais chacun, avec ses attributs culturo-identitaires, a une place égale dans l’imaginaire mondial, en dehors du temps et de l’espace, et qu’il suffit du talent d’un créateur pour qu’ils se rencontrent et/ou se confrontent.[3]

Certes, la condition paraît simple, mais ils sont peu à pouvoir la réaliser. Ici elle l’est avec cette grâce qui caractérise le travail de Jason, dans une pantomime savamment suspendue et un burlesque minutieusement construit, autant dans les situations que dans le jeu des acteurs/personnages. Ceux-ci ont en partage ses regards aux cercles parfaits, aux pupilles absentes, chargés d’un vide inexpressif expressif qui faisait la force, par exemple et au cinéma, du visage/masque de Buster Keaton. Le regard qu’ils portent sur ce qu’ils vivent ou jouent tient à la fois de la projection et de l’absorption, quelle que soit leur tonalité.[4] L’inclination subtile de la tête et/ou de l’axe du corps en achève et entremêle ce qui doit être fait, dit, montré.

Avec ce mousquetaire, c’est aussi une image de la France qu’exprime l’auteur.[5] Une France récemment visitée[6] mais depuis longtemps et autrement parcourue grâce à d’autres.[7] Tout l’album exprime ce décalage et cette familiarité, qui ultimement, avec nostalgie ou espoir[8] étend aujourd’hui la devise des mousquetaires à l’échelle planétaire, pour une terre qui, vu de Mars, a rétréci au lavage des têtes.

Notes

  1. Aspect méconnu de la mondialisation.
  2. Grand siècle français et grand siècle américain.
  3. Notons qu’un bretteur en science-fiction n’est pas une première, l’écrivain Philip José Farmer avait ressuscité Cyrano de Bergerac dans sa fresque du Monde du Fleuve par exemple.
  4. Blanc pour les terriens, noir pour les martiens. Notons que le traître, dont l’ambiguïté ne tient pas qu’à un cul entre deux chaises, a comme les yeux vairons, l’un noir, l’autre blanc. Quelque peu ému en apprenant l’identité du terrien, il répond quand on l’interroge sur ce qui ne va pas : «non, j’ai juste quelque chose dans l’œil.» Mais lequel ? Celui crevé, caché par un bandeau, lui faisant un œil de martien ? Ou celui terrien, bien vivant et prompt aux excès lacrymaux ?
  5. D’où cette allusion à «Kasserine de nove», actrice qui a longtemps promu la France du luxe et du touristique.
  6. Montpellier.
  7. Le cinéma hollywoodien et son utilisation du roman de Dumas
  8. Est-ce l’Aramis mousquetaire que l’on voit, ou le politicien déguisé ?
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Chroniqué par en septembre 2007