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L’ Homme qui se laissait pousser la barbe

de

L’art comme évasion, l’art de l’évasion et l’art invasif, tout cela dans un album, tout cela de la neuvième chose s’interrogeant par elle-même, s’interrogeant sur elle-même.
Sept histoires dont les points communs ne sont pas le nombre de poil sur des bas visages masculins récurrents, mais sur le fait de s’évader dans l’autre monde, celui essentiel et parfait de l’imagination dont l’image serait la porte entrouverte.
Olivier Schrauwen explore cette limite, ce désir de franchir et cet affranchissement qu’elle promet/permet. Il l’explore par la bande dessinée, son histoire et ses histoires d’une multiplicité d’images séquencées.

Sortir d’une image pour une autre. Apprendre à faire des images pour faire image de soi autre que celle donnée naturellement et perçue par les autres. Tenter d’apprendre à faire mentir les images et découvrir qu’elles nous révèlent. Faire image pour se mentir, s’oublier tel quel. Faire une image protectrice, défensive. Faire de l’image la vie même. Faire des images l’écho sucré d’un monde amer assourdi et lointain.
Autant de socles à des histoires où la bande dessinée comme divertissement, comme évasion, finit toujours par en dire plus sur ce qui provoque cette fuite de ceux qui la lisent ou la créent. Tous des fuyards. Fugitifs d’un corps (social ou le leur) qui les contraindrait et les enfermerait, pour se précipiter vers un merveilleux accaparant, à en provoquer l’aveuglement par son envahissement. Cet art de l’évasion ne serait-il qu’un art de s’oublier ?

La subtilité du livre n’est pas que de rire des pauvres «fuyards», mais de s’interroger sur ce qui fait qu’en creux, ce qui était pour fuir le monde gris, finit avec le temps passé et le contraire de l’oubli, par en révéler les contours ou les structures à tel point que cela fait langage performatif. Bandes dessinées d’époques, de genres, deviennent alors autant d’arguments moins par ce qu’elles disent que par ce qu’elles ont été. Arguties neufs et pénétrants pour dire le monde et l’humain, à ne pas les fuir, Olivier Schrauwen gagne en libertés réjouissantes et dessillantes.

Site officiel de Olivier Schrauwen
Site officiel de Actes Sud - L'An 2
Chroniqué par en décembre 2010