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La Fille de la plage t.2

La Fille de la plage t.2

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Le premier volume du diptyque La Fille de la plage se refermait sur une scène choc qui laissait présager une rupture dans le rythme de la narration, jusqu’ici assez lent. Surprise ! Il n’en est rien : le second tome s’ouvre sur la fin des cours avant les vacances d’été[1] avec une discussion banale entre Sato Koume et Kobayashi Keiko, sa meilleure amie. Pourtant, cette dernière ne se comporte pas comme d’habitude et s’éloigne du petit groupe de collégiennes en train de rentrer chez elles. Étrange… L’amour n’aurait-il pas trouvé une autre victime ? Rapidement, il se révèle que l’heureux élu n’est ni plus ni moins que Kashima Shota, l’amoureux de longue date de Koume et, d’après lui, rival d’Isobe Keisuke.

Si les relations amoureuses entre adolescents, notamment au collège, sont un thème archi-rebattu dans les shôjo manga[2], il ne faut pas s’attendre au traitement niais que l’on retrouve trop souvent dans les séries relevant du genre[3] dans La Fille de la plage. En effet, nous sommes ici en présence d’un seinen[4] érotique, qui fut prépublié dans le défunt magasine pour adulte Erotics f. Pourtant, l’approche infiniment peu romantique de l’amour par Asano Inio lors de la première partie semble faire petit à petit la place à un traitement du sentiment amoureux bien plus classique. La relation Keiko-Shota est dans la droite ligne des shôjo sentimentaux avec une exacerbation des sentiments ne débouchant sur aucune relation physique. Comme le dit Keiko : « J’ai prévenu Kashima que s’il essayait de m’embrasser ou de me peloter, je lui éclatais la gueule ! ! ! »
Alors, certes, ce volume conclusif passe aussi par des relations sexuelles, ce que le mangaka traite à nouveau de façon très crue et explicite. Deux des dix chapitres (les treize et quatorzième) sont exclusivement consacrés à une longue scène de coucherie (la dernière de l’ouvrage) initiée par Koume à laquelle Isobe accepte de se prêter. Nous pouvons à nouveau nous demander si faire l’amour est pour eux un passe-temps, une façon de tromper l’ennui, ou sert à oublier un mal de vivre. Et s’il s’agissait plutôt d’une recherche de sentiments entre deux êtres ? Le message des débuts serait alors brouillé. L’évolution de l’histoire tendrait alors à délivrer un message somme toute classique, pour ne pas dire caricatural : la fille doit avoir et aura de tendres sentiments pour son partenaire sexuel. Pourtant, lors d’une discussion sur l’oreiller, Isobe prévient Koume qu’il ne faut pas s’attacher à lui. Cette inversion du sentiment amoureux annonce une fin ou un nouveau départ ?

L’histoire tresse dès lors deux fils narratifs. Le premier concerne Koume ; c’est l’heure de l’introspection pour la jeune fille. À l’inverse, le second, qui concerne Isobe, est plus centré sur l’action. Bien entendu, les deux finissent par se rejoindre dans ce qui aurait pu ou dû être la conclusion de La Fille de la plage. Asano Inio a cependant décidé que ce serait au lecteur d’apporter sa réponse : la fin est ouverte par un dernier chapitre créant une boucle dans le récit. Las, il est difficile de ne pas regretter que l’auteur n’ait pas pris plus de temps pour développer son œuvre[5] car sa narration est souvent trop heurtée dans ce deuxième volume. De plus, le changement de paradigme quant au sentiment amoureux est assez déroutant. Du coup, il est difficile de ne pas être un peu déçu en refermant l’ouvrage.

Notes

  1. Au Japon, les vacances d’été ne marquent pas la fin d’une année scolaire comme en Europe. En effet, les élèves nippons commencent en avril pour terminer au mois de mars de l’année suivante. Ces congés estivaux constituent néanmoins d’une véritable coupure d’une durée de quatre semaines.
  2. Bande dessinée japonaise à destination des jeunes filles de 12 à 16 ans.
  3. Cette niaiserie semble faire le succès du shôjo manga, même s’il existe de nombreuses œuvres sachant éviter cette sorte de « passage obligé ».
  4. Le seinen s’adresse à un public de jeunes adultes, principalement des hommes étudiants ou salariés.
  5. Le tome 2 compte d’ailleurs une vingtaine de pages en moins, ce qui représente un chapitre.
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Hervé Brient
Chroniqué par en septembre 2015