Ruptures

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Difficilement trouvable dans sa version originale, Dumped est aujourd’hui publié en français par les éditions ça et là sous le titre de Ruptures. C’est l’un des récits le plus court de l’œuvre d’Andi Watson, qui par ailleurs semble avoir trouvé son rythme dans des récits de plus grande ampleur, comme on pourra en juger en se replongeant dans Breakfast After Noon, Slow News Day, ou encore le tout récent Little Star — tout publiés sous la forme de mini-séries en six épisodes d’une trentaine de pages chacun.
Ecrit à l’occasion du festival Big Torino 2002, [1] Dumped se démarque non seulement dans sa brièveté, mais également dans sa thématique. Moins occupé à dresser le portrait d’une certaine Angleterre (entre un Breakfast After Noon que n’aurait pas renié Mike Leigh, et un Slow News Day pédagogique à l’usage des Américains), Andi Watson continue ici à explorer l’intimité des relations humaines, avec une économie de moyens dictée par le format court.

Par petites touches ponctuées d’ellipses gracieuses, il construit ainsi le miracle d’une rencontre — la rencontre entre Binny et Debs, due à un heureux hasard lors d’une soirée organisée chez un ami d’amis.[2]
C’est au moment où Debs veut jeter un livre que le déclic se produit — l’acte de «jeter» devenant une pièce centrale de ce récit. En effet, «dumped» désigne en anglais, au-delà des «ruptures» choisies par l’édition française, plus généralement tout ce qui est jeté sans autre forme de cérémonie — boyfriend dont on s’est lassée, vieilleries dont on n’a plus besoin ou livres dont on cherche à se débarasser.

« – Tu sais ce que j’aime dans ces vieux trucs ?
– Ils ont une histoire ?
– Oui, une vie passée, et tu leur donnes une seconde chance…»

On le comprend facilement, dans cette histoire, il n’y aura pas que les habits qui auront droit à une seconde chance — et l’on suivra ainsi les deux personnages principaux (plus semblables qu’ils ne le pensent) alors qu’ils apprennent à se connaître, à se découvrir et à s’accepter, en choisissant de laisser derrière eux des bagages trop encombrants ou trop lourds.
Mais au-delà du traitement juste de cette rencontre, c’est dans les petits détails qu’Andi Watson se montre très habile, et sème dès les premières pages les prémices de développements ultérieurs qu’une seconde lecture permettra de repérer : un regard, une expression suffisent, esquissés de ce trait léger et trompeusement simple en apparence.
Si l’on n’échappera pas à la trame habituelle des comédies romantiques,[3] Dumped s’affirme subtilement British et réussit à toucher juste grâce à une narration délicate et élégante. Elémentaire, mon cher Watson.

Notes

  1. «Biennale Internazionale Arte Giovane 2002», en italien dans le texte.
  2. Soirée où l’on croisera fugitivement Rob et Louise de Breakfast After Noon, également de passage dans les pages de Little Star, ancrant ainsi d’emblée l’ensemble de ces récits dans une sorte d’«Andiverse» tout personnel.
  3. A savoir : rencontre, complicité qui s’installe, puis obstacles qui s’accumulent jusqu’à paraître insurmontables, et enfin résolution avec happy end à la clé.
Site officiel de Andi Watson
Site officiel de Editions çà et là
Chroniqué par en juin 2006