Vignettes of Ystov

de

Une ville construite sur un «pourquoi». Une ville croisement, au levant, post quelque chose de pas totalement fini, écrin paraissant fruste et usé d’interrogations sur la vie de gens, sur leur façon de vivre.

Quelle cause ? Elle viendrait d’abord du ciel. Il y a bien des millénaires, une météorite informe cette région par le choc que sa chute provoque, donnant en particulier à un fleuve cette confluence en forme de «Y» parfait. La ville en tire son nom, Ystov, qui signifierait vaguement «Y-ville», et devient «ville du pourquoi» dans la langue de Shakespeare («Y-town»).
Cause ultime d’un pourquoi de pourquoi (etc.), il ne pouvait y avoir meilleure métaphore qu’un aérolithe, graine originelle minérale et spatiale, exprimant la ville dans le paradoxe d’une croissance quasi végétale mais à la texture/structure fondamentalement lithique et géographique.

Quelle raison ? Celle d’une première histoire, d’un couple se disant au revoir pour se donner rendez-vous dans quarante ans. L’auteur voulut raconter d’autres histoires comme celle-ci, en savoir plus, la ville s’imposa alors comme lieu de rencontre issue de cette simple raison, de ce simple pourquoi. Ystov, née ainsi, ville imaginaire remplie d’histoires qui s’entrecroisent comme des rues, assemblage posant question entre Glasgow (ville de l’auteur) et une imagerie soviétique de vieux magazines d’outre rideau de fer découvert en bibliothèque par l’auteur.

Quelle chose ? Pour la complexité, de ces croisements de gens, de ces temps intimes et/ou historiques (où d’à côté) qui s’emboîtent, se confrontent, s’entrechoquent ou se juxtaposent : un homme qui se définit aux yeux d’une observatrice comme celui qui donne tout les jours des coups de pied dans des cailloux, une femme dans un bus s’interrogeant sur ce monsieur avec un bouquet de crocus, un homme tué par une pièce de monnaie tombée d’un gratte-ciel monumental, etc.
William Goldsmith veut révéler l’intime de vies et les traces infimes qu’elles laissent à travers ses temps en tout sens. Interroger ce que certains appellent le fait-divers, le mettre en case comme le fait à sa manière ce gardien d’école, dont après la mort est découvert son musée personnel aux vitrines rectilignes et impeccables, mettant hors du temps de petits trésors ramassés quand il balayait ou nettoyait cour et couloirs, et témoignant d’une vie foisonnante passant aussi vite que l’enfance.

William Goldsmith est un tisserand créant une étoffe d’urbanité aux usages du monde simples, multiples et labyrinthiques, débutants, finissants puis persistants comme un parfum.[1] Un motif voluté, complexe, qui se dessine dans un jeu de monochromies brossées, s’alternant en écho à celle de planches et de grandes illustrations aux détails fourmillants, d’une ville aux multiples aspects et d’acteurs multiples.[2] La langue de l’auteur est riche, qu’une ultime mise en abîme suggérerait[3] être celle de ce poète/journaliste récurent, traversant la ville comme ce livre,[4] dont la nature fondamentale est avant tout de faire question.

Notes

  1. Allusion à un des personnages le plus attachant : un sculpteur de nez.
  2. En début d’ouvrage, les personnages sont présentés et détaillés.
  3. Un pourquoi pas ?
  4. Notons que «Vignette» est un faux ami. En anglais, il suggère autant une petite image qu’un petit texte.
Site officiel de William Goldsmith
Chroniqué par en octobre 2011