Vivre à FranDisco

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Le lieu n’est plus un ring. Pas de match de catch, pas de rencontre semblant à l’image de ce sport populaire outrant les différences, mais chorégraphiant en coulisse les excès expressifs,  les dialectiques pulsionnelles des gestes et la fin d’un récit par l’épuisement physique (K.O.) d’un de ses acteurs.
Même si toujours issu de la « S » Grand atelier, le lieu cette fois se visite et s’expose, change de lieu autant qu’il change celui qui l’accueille, le montre, le dévoile aux regardeurs.

L’endroit est une ville qui n’est pas Vielsalm mais FranDisco. Elle existe depuis peu, et a surgi des mains de Marcel Schmitz. Un travail sculptural qui évoquera peut-être à certains,  les maquettes d’utopies urbaines de Bodys Isek Kingelez, mais aussi les installations d’un Thomas Hirschhorn, à la fois par leur aspect frustre fait de récupération (« scotch et carton ») et, à un degré moindre, par leur création de situations.

Comme toute ville, elle se visite, avec ou sans guide, se lit comme un livre et dévoile au détour quelques-unes des milliers d’histoires qui la composent. Gratte-ciels, lieux de pouvoir spirituel, axes de transports, FranDisco est une ville du XXIe siècle en écho avec celles qui l’inspirent ou la relient.

Thierry Van Hasselt se fait véritablement voyageur. La première porte de cette cité est l’atelier. De là, le dessinateur entre et découvre des habitants dont certains existent ailleurs réellement à d’autres échelles, voire d’autres rapports (les animateurs de l’atelier par exemple). La description du voyage se fait de manière non verbale, uniquement par le dessin. Celui-ci, par son grouillement, ses repentirs apparents au correcteur blanc (contrastant sur le papier ivoire), témoigne de la vie d’un monde et de sa saisie sur le vif, si vive qu’il a fallu rectifier après une relecture que l’on imagine duale. Se distille aussi l’idée de reportage dont les interventions graphiques de Marcel Schmitz seraient les discours de citadins au langage singulier et intraduisible, qui n’aurait une signification à nos yeux/oreilles d’étrangers que par l’équivalent dessiné du timbre des personnages rencontrés, ou de l’intonation accompagnant leurs gestes et leurs  émotions.

Pour la première fois dans la relation FRMK/La « S », l’espace intérieur de l’un n’a plus à être montré, dévoilé, traduit par (ou avec l’aide de) celui ou celle sachant rendre visible. Cet espace est là, présent au regard de tous, et a l’aspect d’une ville à l’urbanité totale. Ainsi extériorisé, la confrontation est d’une autre nature. Elle n’est plus un problème d’expression, de limites d’un langage, mais d’observation à la manière d’un voyageur confronté à l’altérité,  à la richesse de ses différences. Ce sont moins les limites des acteurs qui se trouvent dévoilées, que les certitudes les mieux établies par chacun qui se trouvent relativisées.
Ainsi, si des commentaires insistent plus ou moins sur le fait que Marcel Schmitz a trouvé de lui-même un moyen d’exister en tant qu’individu handicapé grâce à son art, il apparaît aussi et autrement que tout artiste se trouve dans une situation analogue, dans une différence permettant d’exister en faisant « avec » d’une anormalité pouvant aller d’une obsession forte à celle d’un don exceptionnel.

Au fil des rencontres et des parcours, Vivre à FranDisco ne se révèle pas seulement être le constat de façons d’exister mais bien d’être un lieu d’existence. Application, chorégraphie, expositions, tout ce qu’un espace peut aujourd’hui susciter pour se l’approprier ou s’y retrouver, cette ville de carton le provoque à son tour. Petit à petit, l’extériorité visible de Marcel Schmitz, non contente d’offrir une relation inédite entre bande dessinée et architecture, s’affirme, s’enrichit à la fois comme urbanité galopante et comme lieu de rencontre aux dialectiques contenant/contenu[1], extérieur/intérieur semblant infinies.

Notes

  1. Le livre comme espace, par exemple, ici somptueusement et remarquablement élaboré comme souvent chez le FRMK.
Site officiel de FRMK
Chroniqué par en mai 2016