La bande dessinée muette

de

Introduction
I) La bande dessinée muette
II) Apparition d’une bande dessinée muette contemporaine
III) Langage et thèmes de la bande dessinée muette contemporaine
IV) Le futur de la bande dessinée muette contemporaine est-il muet ?
Conclusion
Annexes

Conclusion

Dans cette étude, nous avons voulu comprendre l’originalité de la bande dessinée muette des années soixante-dix à nos jours, de manière à la fois directe et indirecte.
Nous avons évoqué ses origines historiques et étymologiques, ensuite nous l’avons définie au travers de la bande dessinée classique et ainsi nous avons pu établir leurs champs d’évolution respectifs.
En analysant plus particulièrement l’impact et l’originalité d’Arzach, nous avons ébauché le portrait de la contemporanéité de la bande dessinée, tout en démontrant les liens directs entre la bande dessinée muette la plus récente et cet album.
Nous avons étudié la bulle pour mieux en percevoir l’enjeu et l’utilisation. Les thématiques et personnages nous ont permis de mieux cerner l’usage de la bande dessinée muette contemporaine et ses implications. L’analyse des cadrages et des couleurs nous a aidés à affiner notre étude de ses mécanismes.
Dans le dernier chapitre, nous avons confronté la bande dessinée muette à ses détracteurs et à d’autres médiums de manière à en faire apparaître les influences et les évolutions. Enfin, nous avons analysé la bande dessinée muette dans certains de ses usages et prétentions spécifiques.

L’étude de la bande dessinée muette contemporaine a permis de comprendre ses origines, son histoire et sa recrudescence actuelle.
Par cette analyse nous avons, aussi, davantage détaillé la définition de la bande dessinée proposée par Benoît Peeters, en précisant notamment la nature iconique des images qu’elle utilise. Nous avons pu décrire le fonctionnement de la bande dessinée à partir de son rapport textes/images et montrer la place qu’occupait la bande dessinée muette au sein de ce rapport. Par l’examen du rapport dialogues/descriptifs, nous avons montré la taille du champ de la bande dessinée muette et pu, ainsi, le comparer à la bande dessinée elle-même et ses dérivés.
Nous avons aussi essayé d’analyser la bande dessinée muette en utilisant certains mythes et images propres à la bande dessinée (Aspison, Schtroumpf, etc.) afin de mieux affirmer son autonomie.

L’analyse d’Arzach nous a montré que la bande dessinée muette contemporaine était liée à plusieurs paramètres : l’indépendance (du point de vue de l’édition et de la réalisation), la revendication artistique (comme média adulte dans sa perception et son utilisation) et la notion d’auteur (dans sa dimension biographique et sociale). Ces trois paramètres varient à des niveaux plus ou moins subtils suivant les pays, les auteurs et les époques.
L’analyse de cet album a aussi précisé l’importance de l’exploitation de la tabularité de la planche dans la bande dessinée muette contemporaine. Les bandes dessinées muettes précédentes favorisaient essentiellement la dimension stripologique. C’est donc une dimension spatiale plutôt que temporelle qui est privilégiée, la première impliquant et soumettant la seconde. Cette notion permet des exploitations inédites de la durée (en particulier chez Chris Ware, McGuire et McEown) qui repoussent les limites de la bande dessinée muette.

L’utilisation tabulaire de la planche favorise aussi l’idée de virtualité (ou réalité virtuelle) dans son sens informatique. Cela nous a permis de mieux comprendre certains usages de la bande dessinée muette et certaines influences (notamment celles des jeux vidéos).

Nous avons vu aussi que la bande dessinée muette abordait depuis toujours les thématiques oniriques mais que dans sa forme contemporaine elle était passée de la simple traduction de l’état de rêve, à celle supplémentaire d’état de rêve. Pour certains auteurs comme Mœbius, la bande dessinée muette est une sorte de rêve éveillé avec toute la dimension autobiographique que cela implique.

Dans notre étude, nous avons divisé la bande dessinée muette en deux catégories : l’une utilisant des bulles, l’autre les évitant. Cela nous a permis de décrire leurs champs d’évolution respectifs, leur importance, leur intérêt et leurs nouveautés.
Nous avons, ainsi, décrit de façon précise la bulle dans sa composition en la divisant en deux parties : la noosphère et l’embrayeur. Nous avons montré son rôle verbalisant et éventuellement conjuguant. De cette manière, son origine comme délimitation d’espace textuel issue du rapport textes/images est apparue renforcée.

Cette étude a aussi montré que la bande dessinée muette ne doit pas être perçue uniquement sous l’angle du remplacement de textes (littéraires ou retranscrivant la parole) ou de leurs absences. Elle est une forme d’écriture utilisant toutes les richesses des images et de leurs juxtapositions. Elle privilégie davantage la compréhension des mécanismes des images que l’apprentissage de la lecture.
Avec la notion d’Ut pictura poesis, nous avons affiné le paramètre de la revendication artistique évoqué plus haut, c’est à dire celui de la légitimation de la bande dessinée comme médium à part entière. Par son utilisation particulière évoquant la forme poétique, voire musicale, qu’accentuent des formes narratives généralement courtes, la bande dessinée muette participe plus que toutes autres bandes dessinées actuelles à une légitimation qui n’est toujours pas totalement acquise.
Nous avons montré aussi que ce que l’on perçoit comme limites à la bande dessinée muette est souvent une transposition sur celle-ci des facultés de la bande dessinée classique.
Cette étude a permis de tracer quelques voies supplémentaires pour la bande dessinée muette en montrant, par exemple, le rôle important de la couleur qui reste actuellement sous utilisée.
Celle-ci a, en particulier, un attrait auprès du grand public qui permettrait certainement de l’attirer vers la bande dessinée muette. La couleur peut donner de la valeur à un ouvrage qui, étant muet, se lit vite. Elle complexifie l’image, pas seulement ou forcément dans les détails, mais dans son élaboration, dans son alchimie. La couleur peut offrir un pan spéculatif supplémentaire à un grand public de bande dessinée pour qui le «bien dessiné» et le «mal dessiné» reste un jugement de valeur fondamental.
L’analyse de la résurgence des mots a montré les possibilités qu’il y avait dans le jeu sur les titres ou les noms des auteurs. La problématique de la bulle a aussi rappelé l’origine et le rôle des cadres de narratifs et montré que ceux-ci pouvaient parfaitement contenir des images. Aidés de la couleur, par exemple, ils pourraient introduire des monologues et préciser des points de vue subjectifs, choses jamais abordées dans la bande dessinée muette contemporaine.

Dans notre étude nous avons privilégié l’analyse de la bande dessinée muette contemporaine dans son histoire, son évolution et son fonctionnement. De nombreux faits plus ou moins périphériques ce sont, ainsi, trouvés abordés ou évoqués de manière succincte et rapide.
La comparaison avec les autres médias, par exemple, a été perçue uniquement du point de vue de la bande dessinée muette et de sa réalisation. L’inverse pourrait aussi faire l’objet d’une étude. Les mécanismes «d’intuitivité» par l’icône des bandes dessinées muettes avec bulles, par exemple, ne sont pas sans rappeler l’utilisation des icônes en informatique. Plus généralement, l’éventuelle influence de la bande dessinée muette n’a quasiment pas été abordée dans notre travail que ce soit sur les bandes dessinées classiques ou les autres médias. Des études comparées poussées, permettraient de mieux en cerner la nature ou l’impact.
Pour notre étude, nous avons utilisé des exemples de séquences muettes, mais nous nous sommes seulement intéressés à leurs apports formels et thématiques. Leurs rôles et places dans la narration, l’évolution de leurs parts dans les bandes dessinées contemporaines pourraient faire l’objet, là encore, de toute une étude qui ne serait pas sans conséquences dans la perception et la compréhension des bandes dessinées muettes.
L’analyse de la nature des liens privilégiés entre bande dessinée muette et animation pose aussi de nombreuses questions offrant à elles seules un vaste champ d’étude.
Enfin, l’impact de Comix 2000, par son poids, sa diffusion et sa médiatisation, formera un moyen supplémentaire, d’une toute autre échelle, pour l’analyse de la lecture et de la perception des bandes dessinées muettes. Cet intérêt pourrait être multiplié par l’utilisation de concepts développés par les sciences cognitives, actuellement en plein développement.

La bande dessinée muette représente moins un genre qu’un moyen supplémentaire pour analyser les spécificités de la bande dessinée. Elle est un point de vue du et sur le médium. La bande dessinée muette n’a donc pas fini de faire parler la bande dessinée.

Dossier de en août 2006