Le Centenaire de la Bande Dessinée ?

de

La bande dessinée n’aura pas 100 ans ou 150 ans cette année mais 169 ans (à la rigueur 164) !
Pourquoi cette querelle de dates ? D’abord ami lecteur lectrice mon amour, il faut que nous définissions la bande dessinée. A l’heure actuelle sa définition la plus complète a été formulée par Benoît Peeters (un des plus grands anticritikacouatiques). [1]
Elle repose sur trois points : a) la séquentialité (suites d’images), b) la reproductibilité technique (de 2 exemplaires à l’infini) et c) le rapport textes/images. C’est de ce dernier point que va naître la bulle. La bulle n’est qu’une conséquence visible (plastique), une sorte de convention entre les rapports tendus et rivaux du texte et de l’image.
Elle ne peut pas être à l’origine de la bande dessinée. Dire qu’Outcault a inventé la bande dessinée reviendrait à dire que l’histoire du cinéma a commencé avec le premier film parlant !
La bande dessinée n’a donc pas 100 ans.

Outcault est marquant parce qu’il a simplement systématisé l’usage de la bulle et ainsi fait rentrer la bande dessinée dans l’ère de la modernité.
Dire que la bande dessinée a commencé il y a 150 ans avec la mort de Töpffer est tout aussi ridicule ! Il ne peut pas avoir inventé la bande dessinée en mourant ! C’est débile ! Il est génial mais quand même …

Cela montre surtout que l’on se retrouve encore dans une rivalité à la con entre la France et les Etats-Unis, à savoir : qui a inventé l’aviation (Ader ou les frères Wright), qui a inventé le cinéma (Edison ou les frères Lumières), et nia ! nia !, et nia ! nia !, etc …
En voulant fêter absolument 1996 on cautionne encore plus la vision amerloque de l’histoire du neuvième art et on se ridiculise ! [2], mais en plus ils titrent fièrement la bande dessinée a 100 ans ! C’est écoeurant ! Lire est un journal de moutons !
Le pire c’est quand vous lisez les premières lignes de leur dossier : « Hergé de l’an 2000, Goscinny du futur montre-toi ! ». Cette phrase montre (surtout) tout le mépris qu’inspire la bande dessinée pour ces journalistes désespérément inscrits dans le passé, les conventions et les clichés.
Lire inspire le No Future !
Heureusement qu’il y a eu le supplément Libé sur les livres pour rattraper les discours annuels et vides de sens des médias sur la « bédé ».
Derrière une magnifique couverture de Killoffer on pouvait lire un article sur L’Association, un entretien avec Paul Auster sur l’adaptation de Mazzucchelli, etc … Le seul reproche qu’on pourrait leur faire est le suivant : Libé aurait du parler de L’Association depuis longtemps et régulièrement, comme ça son supplément serait apparu moins branchouille …
Bon d’accord je pousse un peu, mais …))

Les choses sont pourtant claires : Töpffer est le premier à avoir réuni les trois points qui définissent la bande dessinée [3] . Et l’on sait qu’il réalisa pour la première fois une histoire en estampes en 1827 ! Il y a donc 169 ans !
Là on peut chipoter quand même. Est-ce que Töpffer faisait circuler un seul ou plusieurs exemplaires de son histoire ? Celle-ci était en effet uniquement destinée à divertir les élèves de son école qui pouvaient très bien la lire à tour de rôle.
On sait qu’il édita pour la première fois ses récits en 1832 après que Goethe l’ait encouragé à les publier. Donc si le troisième point n’était pas au rendez-vous en 1827, il l’était au moins en 1832 ! Donc la bande dessinée aurait à la rigueur 164 ans !.

C’est dérisoire ! C’est une querelle de chapelle ! Une prise de tête stérile ! etc …
« Mon cul ! » comme dirait la Zazie des métros en grève ! La bande dessinée apparaît trop dérisoire pour se permettre de considérer ses origines et son histoire comme dérisoire.
Et puis à l’heure du chaos, on sait que rien n’est dérisoire.
RIEN N’EST DÉRISOIRE ! ! ! ! ! !

Notes

  1. Cette définition est tirée de la page 34 de La bande dessinée, par Benoît Peeters, collection Dominos, édition Flammarion. Ce livre date de 1993 et est une merveille pour le bédéphile, et une très bonne initiation pour les autres.
  2. En ces jours de festival, je déclare Lire le magazine le plus ridicule de l’année !
    Non seulement ils font une couverture avec Blake et Mortimer (c’est ignoble ! Ca veut dire qu’après Jacobs il y a rien ou alors si, mais du Jacobs réifié (Ted Benoît réifieur
  3. Toutes ces informations vous pouvez les lire dans Töpffer, L’invention de la bande dessinée, chez Hermann. Vous y verrez que non seulement Töpffer est le premier inventeur de la bande dessinée, mais qu’en plus il en est le premier critique et théoricien. Quand on lit ce livre l’évidence s’impose !
Humeur de en février 1996