Mutatis Mutandis

de

Chaque année, à l’orée de l’hiver, le Festival d’Angoulême se rappelle à nous, avec sa conférence de presse qui, symboliquement, marque un peu le signal de départ pour les festivités. Oh, il reste encore presque trois mois avant l’ouverture des Bulles sur les rives (souvent glacées) de la Charente, mais le programme commence à se préciser, et puis surtout, il y a la Sélection Officielle, qui ne manque jamais d’animer les débats. Mercredi dernier, donc, se tenait la conférence de presse de l’édition 2011 du Festival International de la Bande Dessinée à Angoulême, trente-huitième du nom, et l’on avait rendez-vous au Théâtre Marigny, à Paris dans le huitième arrondissement, presque en face de l’Elysée. A un jet de pierre, pourrait-on dire, si les vigiles qui montaient la garde n’étaient pas si nombreux.

Sans aucun doute, cette conférence de presse s’est déroulée sans accroc, suivant un rituel désormais immuable : le mini concert de dessin en ouverture, la réaffirmation de la vocation œcuménique du Festival en introduction, puis la liste des réjouissances à venir dans un ordre soigneusement établi — expositions, invités et événements divers, avant de conclure par le point d’orgue qu’est la sélection officielle. Les partenaires sont à l’honneur et y vont de leur petit discours, profitant de l’occasion pour réaffirmer leur attachement au neuvième art. On termine avec la litanie des 86 ouvrages sélectionnés cette année, une avalanche de titres que l’on met un moment à digérer — même si la première question qui fuse dès la sortie, est immanquablement : «alors, tu penses quoi de la sélection ?». Pas le temps de se faire un avis, pas envie non plus peut-être — ce n’est qu’une sélection, finalement, qui comme chaque année a son lot d’oublis et de concessions, mais une sélection qui tient plutôt la route.

Le programme est au diapason, solide et soigneusement éclectique — pas de doute, le Festival ronronne, dans une formule désormais bien rôdée. II y aura donc l’exposition-du-président (Baru, après Blutch en 2010 et Munoz en 2009) ; l’exposition-sur-un-pays-exotique (Hong-Kong après la Russie et la Corée) ; l’exposition-nouvelle-bande-dessinée (les Belges francophones, après les Flamands en 2009) ; les expositions-des-grands-succès-populaires (l’univers de Troy et les Peanuts cette année, les Tuniques Bleues et Léonard l’année dernière, Lucien et Boule et Bill l’année précédente), et puis l’exposition-du-petit-éditeur (la Petite Histoire des Colonies de Grégory Jarry et Otto T. parue chez Flblb cette année, la Saison des Flèches de Guillaume Trouillard et Samuel Stento aux éditions de la Cerise en 2010, Winshluss en 2009) — bref, on pourrait établir bien des parallèles entre cette édition-ci et celles qui l’ont précédée, comme si l’on reproduisait, année après année, une recette éprouvée dans laquelle on éviterait de trop bousculer les choses. L’heure est désormais aux micro-ajustements, comme l’espace manga abandonnant cette année son «Manga Building» pour rentrer dans le rang et rejoindre les bulles des grands éditeurs, seule véritable innovation de l’édition à venir.

«On ne change pas une équipe qui gagne» — cela pourrait être la maxime de l’organisation du Festival. Et 68 jours avant l’ouverture des réjouissances, le Festival d’Angoulême promet d’être fidèle à lui-même. Un peu trop, peut-être.

Humeur de en novembre 2010