Dragonhead

de

L’histoire est un huis clos intense entre trois adolescents qui partaient en voyage scolaire, et qui se retrouvent coincés dans un tunnel après un terrible accident ferroviaire dont ils sont les seuls survivants.
Aucune issue possible, il faut attendre une aide extérieure. Le problème est que Téru Aoki (le personnage principal) n’est plus certain qu’il y ait des survivants à l’extérieur. Avant d’entrer dans le tunnel il a vu un immense nuage. Tremblement de terre ? Guerre nucléaire ? La solution n’est pas dévoilée pour l’instant, le sera-t-elle ? Baignant dans cette angoissante question sans réponse, Mochizuki brode (et multiplie) la peur et la volonté de vivre dans sa quotidienneté : trouver à manger, de la lumière, un autre vivant, une sortie. Dans ce retour à la caverne (idéale, ontologique) les souvenirs s’intercalent pour comprendre cette situation de cauchemars. Angoisse et colère. Sur certains ils pèsent de tout leur poids et font sombrer dans la folie.

L’originalité de cette manga est d’aborder un thème (rare dans l’ennéa monde) que le cinéma appelle catastrophe, et surtout d’en avoir fait une métaphore du problème de l’adolescence.
Faire face à la mort comme face à la vie, mais dans quel sens prendre ce fameux tunnel ?
Un accident à grande vitesse (vie moderne) et la fin du rythme rassurant, confortable (et quotidien) pour trois oisillons éjectés d’un nid suivant un chemin d’acier bien tracé (qui mine de rien les révoltait).
Il faut tout réapprendre. Tâche amplifiée pour des adolescents qui ne se connaissaient pas, ne se connaissent pas eux-mêmes, et ne connaissaient pas leur environnement familier.

Le dessin de Mochizuki Minetarô est loin des critères habituels de la manga. Il flotte entre celui de Kamijo (Next stop), celui du Tanigucchi de l’homme qui marche, et celui d’Oda.[1]
Juste et bien posé dans les descriptions en détail des décors et des psychologies. La scène du wagon avant l’accident tout dans l’effervescence d’une classe en vadrouille pliée en même temps à la nécessité du récit en est un parfait exemple. Tout est en finesse.

Ajoutons aussi que cette traduction française se lit de droite à gauche, et que la couverture est vraiment très belle (je pense surtout au dessin moins à la typo du titre). Dragonhead est certainement la meilleure manga publiée par Manga Player, en tout cas une des plus réjouissantes et des plus surprenantes.

Notes

  1. Dispersion chez Casterman, une petite merveille qui rejoint aussi Dragonhead par sa thématique sur l’adolescence et ses problèmes de mise au monde (et/ou perception de soi au monde).
Site officiel de Pika Editions
Chroniqué par en mars 1999