#TourDeMarché (2e saison)

de

(note : cette rubrique reproduit sous forme d’article à fin d’archivage des fils thématiques publiés au départ sur Twitter)

Damned, c’est à nouveau vendredi ! Et comme je n’avais pas de sujet précis en tête, je me suis dit qu’on pourrait faire un truc un peu plus exploratoire que d’habitude, en revenant sur les fameux circuits de distribution. C’est parti !

Pour rappel, j’ai déjà abordé le sujet par le passé, en évoquant leur importance respective au sein du marché de la bande dessinée, et en soulignant l’angle mort des données (de référence) fournies par GfK. Je voudrais, cette semaine, me pencher sur les « affinités » plus ou moins marquées des trois grands circuits (GSA/Grandes Surfaces Alimentaires, GSS/Grandes Surfaces Spécialisées aka Grandes Surfaces Culturelles, et Librairies) avec certains types de bande dessinée (si vous suivez régulièrement cette rubrique, vous noterez que j’ai choisi, pour des raisons de simplicité, de fusionner les catégories « Librairies de 1er niveau » et « Librairies de 2e niveau + Internet + Autres » que distingue habituellement GfK).
Contrairement à certaines des analyses passées, on ne va pas s’intéresser ici à la répartition des ventes d’un titre donné sur les différents circuits, mais considérer les meilleures ventes pour un circuit donné. La nuance a son importance. Pour cela, j’ai décidé également de me limiter à un top 100 des références, parce qu’on est sur une rubrique hebdomadaire (et qu’il faut être efficace), Et puis surtout parce qu’il s’agit de tâter le terrain pour voir ce qu’on peut en tirer. C’est souvent comme cela que fonctionne le travail d’analyse de marché : on a des intuitions ou des questions, et on essaie de tripatouiller rapidement les chiffres pour voir si les hypothèses que l’on a en tête tiennent la route… ou pas. On cherche beaucoup, on trouve parfois.
Derrière l’approche de cette semaine, deux questions : d’une part, estimer le « potentiel » de vente de chacun des circuits ; et d’autre part, voir s’il n’y a pas certains types de bandes dessinées qui seraient favorisées dans l’un ou l’autre de ces circuits… et la question subsidiaire : une fois constatées ces caractéristiques sur la base des données historiques, voir si on a d’autres choses qui apparaissent lorsque l’on se limite à la période récente (2019-2022).

Pour les données historiques (soit 2003-2022), voici ce que donne la comparaison des tops 100 en volume pour les trois circuits de distribution considérés.

On y observe le levier que représentent les GSA pour certains titres (les Astérix, et un Titeuf au moment de l’apogée de la série), mais qui s’estompe rapidement. En fait, les trois circuits apparaissent comme étant à peu près équivalents au-delà du top 30. Il y a probablement derrière la forme caractéristique de ces courbes (qui se stabilisent rapidement autour de 175-200k exemplaires) une distribution mathématique propre au marché de la bande dessinée, et qui permettrait d’en estimer savamment le potentiel. Je n’ai pas les compétences pour en faire le calcul précis, mais au doigt mouillé, on peut dire que le potentiel maximum d’un titre de bande dessinée en France se situe autour de 600 000 exemplaires, et que toute performance au-dessus de ce seuil relève de l’exceptionnel.

Voici ensuite le détail par circuit et par segment, en conservant la même échelle, histoire d’avoir des choses facilement comparables.

Cela fait ressortir une typologie des trois circuits : GSA très « BD JEUNESSE » (80 % des ventes de son top 100, 35 % revenant au seul Astérix), GSS très MANGAS (43 % des ventes, Astérix à 16 %) et Librairies plus BD DE GENRES (41 % des ventes, devant MANGAS à 28 %, Astérix à 18 %). On observe également des différences au niveau des prix moyens pratiqués : GSA à 8,5€, GSS à 9,3€ et Librairies à 11,0€. Cela s’explique en partie par les standards de prix des segments et l’importance de ceux-ci au sein de ces tops 100.

Pour la période plus récente (titres parus sur 2019-2022, pour couvrir le début du « boom manga » de ces dernières années), voici ce que donne la comparaison des circuits :

Les choses sont moins marquées, mais c’est normal, puisque l’on considère une période plus courte, ce qui diminue l’effet d’accumulation des best-sellers que l’on observait sur le graphique portant sur 2003-2022. Deux nouveaux Astérix contre sept, pour ne citer que ceux-ci. On observe quand même toujours la capacité de « levier » des GSA, mais c’est bien au niveau du détail par segment qu’apparaissent les véritables changements, jugez plutôt :

Les GSA gardent leur tropisme « BD JEUNESSE » (46 % des ventes cumulées, 19 % pour le seul Astérix), mais voient un tiers des ventes de ce top 100 revenir à des COMICS à petits prix (3€ en moyenne). Les GSS confirment leur affinité avec les MANGAS (64 % des ventes), qui sont aussi très présents en Librairies (42 % des ventes, devant la BD DE GENRES à 35 %), Astérix ne représentant qu’à peine 10 % des ventes pour chacun de ces circuits (portant la BD JEUNESSE à 22 % des ventes).
Les différences au niveau des prix moyens s’accentuent, avec les GSA visiblement positionnées sur de la bande dessinée à prix cassé (5,9€) du fait des COMICS, mais aussi des opérations portant sur la BD DE GENRES (1,8€ de prix moyen pour les huit références de leur top 100). Par contre, malgré des performances différentes selon les segments, les structures de prix côté GSS (9,7€ en moyenne) et Librairies (12,6€) sont très proches, avec une BD JEUNESSE à 11,5€, des MANGAS autour de 7€ et une BD DE GENRES autour de 20€ pour leur top 100 respectif.
Cette différence d’offre entre GSA et le reste du marché est confirmée lorsque l’on regarde les titres communs entre ces différents top 100, révélant une offre spécifique pour la GSA, et des propositions assez proches entre GSS et librairies. Sur 2003-2022, on ne trouve que 35 des titres du top 100 des GSA dans le top 100 des GSS, et 37 pour les librairies. alors que les tops 100 des GSS et des librairies comptent 80 titres en commun. Pour 2019-2022, la situation s’accentue : resp. 30 et 26 titres du top 100 des GSA dans le top 100 des GSS/top 100 des librairies, alors que les tops 100 des GSS et des Librairies ont 75 titres en commun.

Dossier de en mars 2023