#TourDeMarché (3e saison)
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(note : cette rubrique reproduit sous forme d’article à fin d’archivage des fils thématiques publiés au départ sur les rézosociaux)
C’est vendredi, c’est #TourDeMarché, et une fois n’est pas coutume dans cette rubrique quasi hebdomadaire, on va parler de discours amoureux, parce qu’il n’y a pas que les chiffres dans la vie. C’est parti !
Cette appellation de « discours amoureux » apparaît dans la bande dessinée en référence à l’expression de Francis Lacassin, décrivant l’entreprise de réhabilitation des bandes dessinées américaines des années 1930 comme d’un « acte d’amour », ou d’un « acte de foi »… car, rappelons-le, c’est autour de cette nostalgie de lectures d’enfance désormais introuvables que se construisent les premiers mouvements de « bédéphilie », et les premières tentatives de légitimation de ce qui n’est pas encore le « neuvième art ».
Pour retracer cette petite histoire, on se penchera sur « La théorie du 0 %. Petite étude critique de la critique en bande dessinée », texte signé Jean-Philippe Martin et publié en 1996 dans la revue Critix, et désormais mis à disposition sur Comicalités.
« En place de construire un discours en rapport avec une création qui se modifie profondément […], la critique externe hagiographique mythifie l’aventure bédé, parle de l’auteur et oublie l’œuvre, transforme le lecteur en collectionneur fétichiste. »
A plus d’un quart de siècle de distance, ce constat de Jean-Philippe Martin reste toujours valide, du moins pour une partie de la production du discours autour de la bande dessinée, et notamment au sein de la presse non spécialisée. Ainsi, tous les deux ans, la sortie d’un nouvel Astérix est l’occasion de voir ressurgir, en majesté, ce discours amoureux bien déterminé à célébrer le couronnement de la bédé tout entière, portée au plus haut par le plus valeureux de ses représentants.
D’ailleurs, L’Iris Blanc, dernier tome d’Astérix, s’est écoulé à plus d’un million d’exemplaires en France, » annoncent fièrement BFMTV, Le Figaro, Franceinfo, Sud Ouest, Ouest-France, Le Courier Picard, Le Télégramme, et même… Le Journal de Montréal. Sachant que deux semaines plus tôt, les gros titres étaient : « Astérix : le dernier album, L’Iris blanc, déjà écoulé à 510 000 exemplaires en dix jours. » chez Le Point, Le Figaro, Franceinfo, Sud Ouest, Le Télégramme, ou encore le Huffington Post. Mais à sortie exceptionnelle, couverture exceptionnelle. comme l’indique Le Figaro, « Le 40e titre de la célèbre bande-dessinée bat les records de vente à peine un mois après sa sortie. » 1 062 370 exemplaires écoulés très exactement, nouveau record. On applaudit.
Sauf que — pas si vite. Il y a deux ans, le même Figaro titrait : « En moins d’un mois, Astérix et le Griffon s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires », en indiquant que le titre « s’est vendu à 1,2 million d’exemplaires, quatre semaines après sa sortie. » Record de vente, vous disiez ? Certes, le dernier Astérix est destiné à être, de manière écrasante, le livre le plus vendu en France cette année, comme c’est le cas tous les deux ans. Mais cela ne devrait pas empêcher de mettre sa performance en perspective.
« Acte de foi », disait Francis Lacassin. C’est bien ce que l’on retrouve dans Le Figaro qui affirme : « Depuis 1961 et la sortie d’Astérix le Gaulois l’engouement pour les histoires créées par René Goscinny et Albert Uderzo ne s’est jamais démenti. » Pour preuve, « L’Iris blanc s’est vendu à plus de 500.000 exemplaires en dix jours »… avant de rajouter : « Astérix et le Griffon, le précédent opus publié il y a deux ans le 21 octobre 2021, s’était vendu à quelque 520.000 exemplaires sur une période identique. » Illustration parfaite de cet aveuglement volontaire, qui réussit à indiquer factuellement une baisse assez significative des ventes (-2 %) tout en revendiquant crânement un « engouement qui ne s’est jamais démenti ».
(je ne peux m’empêcher de penser à ce refrain des Smiths, dans Stop Me If You Think You’ve Heard This One Before : « I still love you, oh I still love you, only slightly less than I used to, my love. »)
Or, lorsque l’on considère les chiffres de ventes présents dans les Top 50 annuels de Livres Hebdo, cet « engouement qui ne s’est jamais démenti » se traduit par une baisse de 9 % des ventes à fin d’année entre Astérix chez les Pictes en 2013 et Astérix et le Griffon en 2021. Opportunité ratée de venir apporter une forme d’éclairage à la décision de changer de scénariste, et d’aborder la question du « business d’Astérix et Obélix » autrement que par « 5 chiffres fous » célébratoires, comme chez les très sérieux Echos. Et peut-être qu’en se montrant critique sur l’indéniable dimension commerciale, on pourra ensuite se montrer critique sur la dimension créative. et comme Marius Chapuis, venir affirmer : Pourquoi on se contrefiche du nouvel «Astérix».
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Super contenu ! Continuez votre bon travail!