#TourDeMarché
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(note : cette rubrique reproduit sous forme d’article à fin d’archivage des fils thématiques publiés au départ sur Twitter)
Suite au dernier #TourDeMarché, cette question est revenue plusieurs fois : « sur quelle partie de la chaîne jouer pour que la part des auteurs soit au moins décente ? ? ? ». Je vais essayer d’apporter quelques éléments de réflexion — avec probablement une part plus importante de subjectivité que d’habitude, vous êtes prévenus.
En étant un rien fataliste, dans le contexte actuel, on pourrait dire que le seul moyen pour un auteur d’être mieux payé, c’est d’avoir du succès, et donc de gagner du poids dans la négociation avec son éditeur pour les ouvrages à venir. D’ailleurs, je rappelle cette formule-choc de Vincent Montagne (boss du SNE) : « il faut quitter cette illusion que tout le monde peut vivre de son art : c’est le succès qui fait l’auteur. » (France Inter) L’auteur bankable, s’entend. A ce sujet, il y a quelques années, je m’étais penché sur une intervention de Vincent Montagne à l’occasion d’un forum organisé par la Société des Gens de Lettres (SGDL), qui éclaire assez nettement sa position. C’est ici. Au milieu de la rengaine habituelle opposant « auteur-passionné-mais-gentil-dilettante » et « éditeur-gestionnaire-sérieux-qui-prend-des-risques », Vincent Montagne reconnaissait cependant : « Un éditeur a plus de poids qu’un auteur, c’est inéluctable. »
Et c’est là le nœud du problème, puisque, comme je l’ai rappelé, la rémunération de l’auteur est déterminée par une négociation — et quand on a une telle disparité entre les forces en présence, le résultat est rarement équitable. C’est là qu’il faudrait que l’Etat intervienne. C’est d’ailleurs en substance ce que dit Bruno Racine dans l’introduction de son fameux rapport (contre lequel les grands patrons du SNE se sont déchaînés comme un seul homme, cf. Antoine Gallimard dans Le Monde) : « la mission [Racine] conclut à la nécessité pour l’Etat de s’affirmer dans son triple rôle de régulateur et garant des équilibres, de promoteur de l’excellence, de la diversité et de la prise de risque, tout en se montrant lui-même un acteur exemplaire. »
Sauf que, voilà, depuis quelques années que le sujet est sur le feu (initié en particulier par le constat alarmant établi par les Etats Généraux de la Bande Dessinée sur la paupérisation des auteurs), les échanges avec l’Etat ont été plutôt compliqués. Du côté des éditeurs, c’est facile, l’Etat a un interlocuteur tout trouvé, le SNE. J’imagine que ça aide aussi que certain(e)s ministres de la Culture aient également été des auteurs ou autrices publié(e)s par les maisons qui y siègent, mais peut-être que je vois le mal partout.
Du côté des auteurs, c’est plus compliqué. J’ai l’impression qu’on se méfie des syndicats (trop militants ?), et qu’on se rabat par défaut sur les sociétés de gestion collective qui, malheureusement, interviennent après coup et ne me semblent pas les plus pertinentes. Même chose pour des associations type SGDL, dont la raison d’être est tout autre (dans ce cas précis, la défense du droit d’auteur), et qui ont donc d’autres chantiers et d’autres priorités. Bref, pas de représentants légitimes tout désignés pour les auteurs. Rajoutons là-dessus le fait que les auteurs sont sociologiquement moins portés sur une vision collective de leur activité — c’est en substance ce que je retiens des excellentes contributions de Pierre Nocerino, qui complètera ou corrigera si je suis à côté de la plaque. D’ailleurs, je tiens à rappeler que je suis un observateur extérieur à tout cela, donc ma vision des choses est forcément partielle et incomplète, et certaines de mes conclusions sont probablement naïves ou approximatives.
Je note cependant que, un peu comme l’Etat, les médias se tournent généralement vers les représentants du SNE quand il faut discuter de la situation du marché, avec bien peu de remise en question du discours tenu qui ne représente finalement qu’un point de vue. Quand Vincent Montagne répète que « sur 10 titres, vous en avez un dont l’auteur va très bien gagner sa vie, deux ou trois qui arrivent à équilibrer et cinq ou six avec lesquels l’éditeur perd de l’argent », ce n’est pas de l’analyse, c’est de la politique. On notera au passage comment cette dure réalité se traduit en chiffres pour Média-Participations (que dirige Vincent Montagne) pour son exercice 2020, dernier en date.
Attention, je ne mets pas tous les éditeurs dans le même sac : je tiens une fois de plus à souligner et saluer les choix volontaires faits par le Syndicat des Editeurs Alternatifs (SEA). Les gens du SNE ont tendance à expliquer les faibles rémunérations des auteurs par la fameuse « loi du marché », comme s’il s’agissait d’une réalité naturelle incontournable — alors que l’attitude du SEA montre qu’il s’agit avant tout de philosophie (je renvoie à mon #TourDeMarché sur la définition de ce qu’est un succès, avec l’importance de prendre en compte l’existence de plusieurs réalités éditoriales qui cohabitent sur un même marché).
Autre argument, le fait que les auteurs demanderaient un niveau de rémunération qui, dans les faits, est déjà atteint voire dépassé. ainsi Antoine Gallimard, dans sa Tribune publiée dans Le Monde, déclare : « Le Conseil permanent des écrivains attend un minimum de 10 % de droits d’auteur sur le produit de la vente des livres. Mais le coût annuel des droits pour bien des éditeurs, et en particulier pour mon groupe, s’élève déjà à près de 12 % du chiffre d’affaires généré par les ventes. » Sauf que l’on retombe sur la nuance que j’évoquais mercredi : les auteurs demandent un minimum de 10 % de droits d’auteurs dans le contrat (donc a priori), et Antoine Gallimard parle de 12 % de droits d’auteurs dans les ventes (dont a posteriori). C’est mathématique : si les auteurs sont en-deçà de 10 % de droits d’auteurs dans leurs contrats, la seule solution pour arriver à 12 % dans les ventes, c’est que les éditeurs ont mal estimé les ventes… et donc mal négocié.
Bref, c’est de la faute des éditeurs… à moins que, comme je le rappelais la semaine dernière, cela fait simplement partie du fonctionnement *naturel* de l’ensemble. (bon, il y a aussi des auteurs, les vrais, vous savez, ceux qui ont du succès, qui réussissent à négocier des conditions plus favorables — on peut par exemple évoquer Guillaume Musso, cas unique et exceptionnel avec ses 20 % de droits d’auteur, comme quoi, quand on veut, on peut)
Bref — tout ça pour dire que oui, c’est un sujet compliqué, et que comme la situation est fortement asymétrique et en défaveur des auteurs (Vincent Montagne le reconnaît, c’est dire), il est essentiel que l’Etat intervienne.
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Super contenu ! Continuez votre bon travail!