#TourDeMarché

de

(note : cette rubrique reproduit sous forme d’article à fin d’archivage des fils thématiques publiés au départ sur Twitter)

Puisque c’est le début de l’année et le moment des bonnes résolutions, je me suis dit que ce pourrait être le bon moment pour tenter quelque chose de différent (mais pas trop) afin d’essayer de m’encourager à écrire ici un peu plus souvent. Donc l’idée (et on va voir si j’arrive à tenir dans la durée), c’est d’avoir une sorte de rendez-vous hebdomadaire qui serait en gros « Mercredi, jour de marché » et d’explorer différents aspects du monde merveilleux de la bande dessinée. Le problème étant, bien sûr, que cette année 2022 commence en pleine cinquième vague, avec le décalage du Festival d’Angoulême, et qu’il est probable que Livres-Hebdo va également décaler son dossier-bilan annuel.

Mais puisque l’on parle de calendrier… c’est une bonne occasion d’évoquer la saisonnalité du marché. Et pour commencer, la saisonnalité, quoi-t-est-ce ? « La saisonnalité des ventes est un phénomène par lequel le niveau des ventes de produits ou service est influencé de manière régulière par la saison, une période de l’année ou un événement calendaire récurrent. » (cf. ici)
Pour la bande dessinée, cela se traduit par cette courbe, qui présente un profil comparable que ce soit en volume (nombre de livres vendus) ou en valeur (chiffre d’affaires). en pointillé, le niveau de référence en l’absence de saisonnalité. La manière de lire ces graphiques, c’est : « les ventes réalisées au mois d’août représentent 6 % des ventes annuelles » (sachant qu’en l’absence de saisonnalité, un mois devrait peser pour 8,33 % de l’année).

Cette courbe, qui montre l’importance de la fin de l’année pour le marché de la bande dessinée, est particulièrement stable. les variations touchent surtout octobre, avec la sortie d’un Astérix les années impaires depuis 2013 (les courbes en gris correspondent à la répartition des ventes pour chacune des années entre 2010 et 2019).

Ce n’est pas surprenant, vu que le livre est régulièrement dans le tiercé de tête des cadeaux de Noël (cf. ici), d’où l’importance des mois qui précèdent. Mais derrière cette courbe, se cachent en réalité deux modèles différents : le manga et le « hors manga », qui présentent des saisonnalités sensiblement différentes, la saisonnalité du marché étant la résultante de ces deux composantes.

Dans les deux cas, on observe une stabilité dans le temps : le manga présente deux pics modérés (juillet et décembre), le « hors manga » un seul pic important en décembre. soit deux dynamiques différentes, liées à deux modèles différents.

En effet, on a d’une part un manga dominé par un modèle périodique (un tome tous les deux ou trois mois), et de l’autre le « hors manga » sur un temps plus long, et un « standard » traditionnel d’une sortie annuelle. La saisonnalité des sorties sur chacun des segments reflète bien cette différence : très marquées pour le « hors manga » (creux de juillet, montée en puissance avant les fêtes, rien ou presque en décembre) face à un manga quasiment plat.

Pour le « hors manga », la période qui s’étend entre fin août et fin novembre est cruciale, puisque c’est là que s’établit la liste des ouvrages qui seront mis en avant pour les cadeaux de Noël. et fin novembre, la « mise en place » est faite, tout est joué. Pour le manga, en dehors de Noël, c’est juillet et la Japan Expo qui perturbent un rien ce régime établi, les éditeurs profitant souvent de l’événement pour organiser le lancement de leurs poulains à fort potentiel. Par ailleurs, le manga repose aujourd’hui sur plusieurs best-sellers, à la différence du « hors-manga » où Astérix est un produit hors-norme dans tous ses aspects (campagne promotionnelle, battage médiatique, présence et mise en avant en magasin et logiquement, ventes).

Bien sûr, vous avez remarqué que l’ensemble de ces courbes ne couvrent que la période 2010-2019. deux raisons à cela : tout d’abord, les chiffres pour 2021 n’ont pas encore été publiés, et 2020 a été une année pour le moins… particulière. 2020, ce sont deux confinements (18 mars au 10 mai, puis 31 octobre au 14 décembre), avec fermeture des librairies (réouverture le 28 novembre) alors considérées comme commerces « non-essentiels ». et sur les courbes, ça se voit.

On y observe aussi les périodes de rattrapage qui ont suivi chacun des confinements, avec un Noël très marqué pour les deux segments — ce qui a permis, rappelons-le, d’enregistrer au final une année « normale » pour le marché de la bande dessinée.

Pour conclure, on voit comment les deux composantes (manga et non-manga) ont des influences différentes sur la saisonnalité du marché dans son ensemble. Marché « de flux », le manga a tendance à lisser la saisonnalité en volume. par contre, son niveau de prix plus bas (autour de 7€, dans un marché en moyenne à 11€) fait que c’est le « hors-manga » qui continue de modeler la saisonnalité en valeur, très marquée autour de Noël.
En bref : plus le manga progresse, et moins la saisonnalité du marché est marquée. Sur 2010-2019, le manga représente en moyenne 36 % des ventes en volume : 36 % en 2010, autour de 32 % au plus bas sur 2013-2015, pour remonter ensuite et atteindre 39 % en 2019… et 42 % en 2020. On retrouve une évolution comparable pour la part du manga dans les ventes en valeur (23 % en moyenne), moins importante du fait des niveaux de prix évoqués plus haut : 24 % en 2010, autour de 21 % sur 2013-2105, avant que cela ne remonte pour atteindre 26 % en 2019, et 29 % en 2020. Cependant, la saisonnalité de 2021 devrait rester en ligne avec ce que l’on connaît : la progression impressionnante du manga étant contrebalancée par la sortie d’un Astérix en octobre. ce ne sera probablement pas le cas en 2022.

Dossier de en février 2022