Nicolas Presl

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En trois ouvrages en autant d’années, Nicolas Presl a confirmé ce que l’on pressentait à la lecture de son Priape. Plutôt que de constituer un appauvrissement, le choix de l’exercice particulier du muet lui permettait de tisser des récits aux échos nuancés et complexes. Ou comment, sans rien dire, se constituer un langage.

Xavier Guilbert : Je viens de lire Fabrica, ton dernier ouvrage paru chez Atrabile. C’est ton troisième livre, et c’est encore un récit muet, exercice particulier et difficile dans lequel tu t’es installé. Pourquoi ce choix ?

Nicolas Presl : Quand j’ai commencé à faire des bandes muettes, je cherchais à m’imposer des contraintes qui pourraient me permettre de me dégager de ce que j’avais pratiqué jusqu’alors. En fait, avec Priape, je voulais vraiment essayer de traiter de la psychologie d’un personnage sans le moindre mot. Au départ c’était le défi d’un album, mais j’ai finalement pris goût à ce mode de narration qui force à l’expressivité des personnages, à trouver des astuces narratives pour faire passer tous les éléments nécessaires à l’histoire. Ça rend la lecture un peu plus complexe peut-être, mais j’aime aussi cette idée que le livre puisse nécessiter une deuxième lecture, pour livrer tout son sens. Et puis je me suis débarrassé des phylactères, et ça c’est un vrai soulagement, car ces bulles qui rognent la moitié de l’image, ce n’est pas toujours très facile à faire passer, je veux dire plastiquement… les bulles ne me satisfont pas sur le simple plan formel.

XG : D’ailleurs, ton style graphique est très reconnaissable et m’évoque toujours certaines peintures de Picasso. On retrouve aussi une certaine filiation cubiste dans les perspectives, et plus marquée encore dans Fabrica — que ce soit la présence des machines, qui m’évoque Picabia, ou le bombardement final, qu’on peut supposer être Guernica.

NP : Ben oui, c’est vrai je suis un inconditionnel admirateur de Picasso, j’aime surtout les dessins des années 20, et 30. Mais c’est réducteur, du début à la fin Picasso s’illustre par sa capacité à explorer toutes les voies du dessin ; car c’est je crois un immense dessinateur avant d’être un grand peintre. Je lui empreinte donc certains mécanismes, certaines astuces graphiques. Je me sens un peu redevable, et c’est marrant que tu aies perçu que cette filiation était plus affirmée dans Fabrica, car c’est une démarche consciente. L’univers de Fabrica se prêtait bien à une exploitation plus abondante de la citation picassienne, j’ai donc forcé le trait dans ce sens, d’ailleurs le personnage principal est inspiré du personnage de Picasso avec ses cheveux blancs en couronne, son gros nez et les gros doigts de ses mains. Picasso a comme ça de grosses mains avec des doigt courts. Ensuite, j’ai voulu que dans Fabrica on retrouve en effet un peu de l’ambiance des années 20, 30, mais pas à travers des modèles de voitures ou un recherche pointilleuse de costumes, plutôt en essayant de faire transparaître les images qui me sont familières, certaines œuvres de l’époque, les machines de Picabia, les trognes caricaturales de Grosz, les collages dada…

XG : Par rapport à cet élément stylistique, il y en a un autre qui me frappe — c’est la manière dont tu plies tes personnages à la mise en page (les têtes carrées sont toujours parallèles aux bords de la case, avec des cous qui s’étirent pour s’adapter faisant fi de l’anatomie), au lieu de l’inverse qui est plus habituel dans la bande dessinée.

NP : Ca, c’est un peu la même histoire que les bulles, c’est une contrainte que je me fixe pour rester créatif dans mon dessin, ne pas rester prisonnier d’une figuration qui obéirait toujours aux mêmes codes. Occuper le cadre me force à repenser la figure, à lui trouver une autre élégance… Mais le stratagème a ses limites ; il peut devenir à son tour un mécanisme qui tourne à vide. Il faut rester vigilant.

XG : Le rabat de tes premiers livres porte la mention «Il y a un certain temps, il a tourné le dos à la taille de pierre pour se consacrer à la bande dessinée». Qu’est-ce qui t’a poussé à quitter le volume pour te tourner vers le dessin ? Dans quelle mesure penses-tu que ta formation de tailleur de pierre a influencé ta manière de faire de la bande dessinée ?

NP : J’ai été tailleur de pierre pendant deux ans ; c’est finalement une petite expérience dictée par le souci de remplir mon frigo. Je ne sais pas si cela a directement influencé mon travail de bande dessinée, c’est d’ailleurs une période où j’ai moins dessiné. Ce qui est sûr c’est que ça m’a amené à m’intéresser de plus près à certains ouvrages de l’histoire de l’art, j’ai surtout travaillé sur des monuments du XVIème, le siècle de Divine colonie, sans doute cela n’est pas tout à fait un hasard. J’ai finalement quitté la taille de pierre car c’est un travail où la créativité n’a pas beaucoup de place, mes rêves de devenir exclusivement sculpteur sur pierre pour des monuments historiques me paraissaient hors d’atteinte. J’ai finalement bifurqué vers d’autres horizons.

XG : Quel a été l’événement déclencheur de cette bifurcation ? Et pourquoi avoir choisi la bande dessinée ?

NP : En fait, il n’y a pas eu de bifurcation en ce qui concerne la bande dessinée. Je fais de la bande dessinée depuis l’âge de huit ou neuf ans et je n’ai jamais arrêté, j’ai simplement eu des périodes plus actives que d’autres. J’ai participé à des fanzines, lorsque j’étais à l’université, des trucs très mauvais, absolument imprésentables. La taille de pierre est venue ensuite. Quand je l’ai quittée, ce fut pour suivre la femme que j’aime à l’autre bout de la France, comme tu vois ce n’est pas spécialement pour pouvoir faire de la bande dessinée. Pour moi la bande dessinée est toujours une sorte d’activité parallèle, j’ai l’impression qu’ils ne sont pas très nombreux les auteurs dont parle du9 qui peuvent se targuer de vivre de leur bandes.

XG : Par ailleurs, quelle était alors ta «culture» en matière de bande dessinée ?

NP : J’ai grandi en lisant Mickey Parade, Tintin, Spirou, au début je dévorais tout ce qui me tombait sous la main. Puis, enfant, je me suis pris de passion pour Franquin et une partie de ces belges. Mais mes vrais premiers chocs ce furent Ôtomo quand le film Akira est sorti au cinéma et Moebius avec l’Incal. Rien de très alternatif en somme, c’était déjà des monstres reconnus par tous. Mais quand je réfléchis bien à cette question, je me dis que j’ai toujours lu un peu de tout en bande dessinée, j’ai du mal à dire que j’appartiens à telle ou telle culture.

XG : Y-a-t’il eu une rencontre qui t’aurait encouragé à faire du muet, ou à te diriger vers un format de publication sortant du classique album ?

NP : Pour le muet, comme je le disais plus haut, c’est avant tout un défi personnel que je me suis lancé. Par contre pour le format je crois pouvoir donner une réponse. J’ai fait une expérience que je ne souhaite à personne. Il y a maintenant quelques années j’ai fait la queue à Angoulême près des stands de Delcourt, Vent d’Ouest, des maisons de ce genre, pour montrer mon travail et m’entendre dire «oui pas mal, mais dessine un peu plus comme ça… remontre moi l’année prochaine», ou encore en me mettant une planche d’heroic fantasy sous le nez, «tu vois ça, c’est ça qu’on recherche.» Bref, cette année-là, quand j’ai changé de chapiteau, que je me suis retrouvé près des stands de l’Association, des fanzines, d’Atrabile qui était déjà là je crois. Là je me suis dit que la création se faisait ici et plus chez les dinosaures.
Enfin, c’est un peu schématique tout ça, une sorte de mythe fondateur. Car en fait rien n’est aussi simple. Et je dois beaucoup plus à mes profs d’université qu’à mes expériences Angoumoises. La peinture renaissante est une influence certaines aussi, qu’elle soit flamande ou italienne, elle force le geste, multiplie dans le décor les objets symboliques, pour raconter sans les mots. Je regarde beaucoup ces images et je crois que leur influence sur mon travail est certaine.

XG : Priape, ton premier livre, paraît en 2006 — tu as alors trente ans. Pour quelqu’un qui fait de la bande dessinée depuis tout jeune, c’est une longe période de maturation. C’est positif, pour toi, d’avoir pris le temps ?

NP : J’ai surtout pris le temps de faire d’autres choses, En fait j’ai longtemps cru que la bande dessinée n’était qu’un loisir, mais à côté de ça j’avais au fond une piètre opinion de ce médium, je refoulais un peu mon envie d’en faire pour me consacrer à des choses qui me semblaient plus sérieuses, j’ai essayé la peinture, la sculpture, pensé des installations… Des disciplines dont on nous avait dit à la faculté d’arts plastiques que c’était là que se situait la véritable création contemporaine. C’est quand je me suis intéressé à ce qui se passait à l’Association que j’ai compris que la bande dessinée n’était pas elle non plus un genre totalement figé, qu’elle offrait un véritable espace de création.
A partir de là je suis très vite arrivé à quelque chose de quasiment muet. J’ai fait quelques trois cents planches qui n’ont jamais été publiées, je faisais ça tout seul dans mon coin sans trop y croire. Pourtant à la fin de chaque histoire j’envoyais mon travail à des éditeurs, par la poste. Tout au long de ces planches je me suis forgé effectivement une sorte d’identité graphique. Auparavant je ne dessinais pas dans cette veine, j’étais excessivement bavard et maintenant, certaines bandes dessinées m’agacent par ce côté bavard, comme une sorte de surenchère.

XG : Comment se sont passées les choses avec Atrabile, justement ? Qu’est-ce qui t’a encouragé à aller les voir ? Avais-tu approché d’autres éditeurs alternatifs ?

NP : Chez Atrabile, J’ai d’abord envoyé un bouquin (pas très bon il faut dire). Refusé. Alors j’en ai fait un autre que j’aime toujours ça s’appelait «le fils de l’ours père», et là, ils ont accroché, ils ont hésité et puis finalement ont refusé. JC Menu avait aussi reçu une copie et m’avait répondu un petit mot très gentil et encourageant, mais qui me faisait savoir qu’il ne me voyait pas correspondre à leur ligne éditoriale. Je précise cette anecdote car c’est assez rare, de tous les éditeurs que j’ai contactés, seuls ces deux-là m’ont répondu. Alors forcément quand j’ai eu terminé Priape, je ne l’ai proposé qu’à Atrabile, qui a tout de suite accepté.
Voilà, travailler avec Atrabile est ma seule expérience avec un éditeur, mais je crois pouvoir affirmer que le climat est très bon, et que les relations de travail y sont saines et d’une grande honnêteté. Avec eux les choses se passent très simplement, rien n’est compliqué, il n’y a pas de pression, et ce sont de vrais passionnés, qui veulent faire de chouettes livres pour leur plaisir et qui font des choix pour poursuivre dans ce sens. Comme le disait Ibn al Rabin dans son entretien avec toi, Daniel mène rondement cette petite boîte sans toucher le moindre sou, mais ce qu’il oublie de dire c’est qu’en plus il paie les auteurs ! Quel exemple ! J’espère que ça va continuer de marcher pour eux, et pour moi de marcher avec eux.

XG : Tu dis que tes livres nécessiteraient une deuxième lecture pour livrer tout leur sens. Tu joues beaucoup d’un «tissu référentiel» dans tes ouvrages, que ce soit sur le plan plastique ou sur le plan narratif — la Divine Comédie de Dante bien sûr, mais aussi le mythe d’Œdipe dans Priape ou des références à Metropolis dans Fabrica.

NP : C’est vrai que pour le moment, j’aime bien construire mes scénarios autour de références, je crois que c’est pour partager un peu de certaines lectures qui m’ont marqué. Et puis j’aime bien l’idée d’entrer dans une sorte de dialogue avec une œuvre ancienne, en la citant au travers du filtre de la modernité à laquelle j’appartiens ; l’amener à dire complètement autre chose que le propos de Sophocle ou Dante. Finalement ces monuments littéraires m’apportent de la matière pour structurer mon récit. Dans Priape et Divine colonie ils soutiennent l’intégralité du récit. Dans Fabrica, la référence à Metropolis n’est pas volontaire et les citations littéraires interviennent plus ponctuellement, en conservant tout de même une place centrale au milieu de l’histoire.

XG : C’est un jeu pour toi de semer ainsi des indices ou des signes pour le lecteur ?

NP : En tous cas j’espère que ça peut être un jeu pour certains lecteurs, mais j’essaie de veiller à ce que la lecture puisse se faire sans mener forcément ce jeu de piste. On accède, je crois très bien à l’histoire de Divine colonie sans avoir lu Dante. (D’ailleurs moi-même je n’en ai pas lu l’intégralité, il y a de longs passages qui ne me semblent présenter d’intérêt que dans leur contexte historique) Pour Priape, c’est vrai que connaître le mythe d’Œdipe peut permettre de mieux comprendre là où je veux en venir, mais ce n’est pas une condition incontournable.

XG : Le choix du titre de Priape, c’est l’indication volontaire d’une mauvaise piste ?

NP : Oui, on peut le dire comme ça. En fait, mon personnage avait cette difformité avant que je rencontre le dieu romain. Quand je l’ai vu sur des fresques reproduites de Pompéi, ça m’est apparu évident. Je ne pouvais pas indiquer dans le titre que la référence était Œdipe, cela aurait été un peu comme divulguer la fin. Avec Priape, je conservais la référence à la mythologie gréco-latine sans trop en dire. Et puis voilà, en regardant le héros, physiquement, ça s’imposait.

XG : Tu organises tes récits en petites séquences, qui donnent lieu à une sorte de «ponctuation» avec l’utilisation d’un motif appartenant à l’histoire (le frontispice de Priape, la clé de Fabrica… ) Il en ressort une lecture assez structurée, chaque séquence permettant d’identifier une valeur, un événement particulier, un message — et t’autorisant à bâtir un récit plus complexe. Est-ce que ça correspond à ta manière de travailler sur un récit ? L’abordes-tu d’un point de vue plutôt narratif, ou plutôt visuel ?

NP : La question est étrange, si tu me demande si je construis mon histoire par le biais d’image ou en écrivant, et bien c’est un peu les deux. Bon généralement, je construis une bonne partie de l’histoire mentalement, pendant quelques jours elle me trotte dans la tête et s’étoffe. Puis je fais quelques croquis, pour me mettre dans l’ambiance ; pour les trois derniers livres, cela a donné lieu à un petit carnet où j’articule des dessins et du texte, un cahier de recherches quoi. Les séquences, le découpage, tout cela se fait ensuite, au fur et à mesure de l’avancée du livre. C’est assez instinctif en fait comme manière de travailler. Je ne sais pas en commençant le livre combien de chapitres il fera, par contre je sais toujours quelle sera la fin et ce que seront les événements qui y mènent.

XG : Je trouve intéressant la manière dont tu traites le discours, dans le cadre d’un récit muet. Cela devient une matière graphique comme une autre, presque envahissante — je pense au discours des philosophes dans Priape, les livres et la musique dans Fabrica.

NP : Oui, la lettre comme signe plastique. C’est comme ça que je la conçois dans cette espace muet, un signe qui veut dire qu’à ce moment plein de choses sont énoncées. Mais il faut noter, que pour certains, ces pages ne sont pas muettes, elles sont lues. Un ami s’est beaucoup interrogé sur le sens de la présence d’un texte d’Hérodote dans le passage des philosophes de Priape. J’avais en fait choisi mon texte comme plasticien, un texte bien compact qui se prêtait bien à ce que je voulais en faire, sans vraiment me soucier du fait qu’il relatait une lointaine bataille antique. Dans Fabrica, j’ai remédié à cette négligence. Le texte est choisi, il fait sens pour qui lit le latin. Mais tu as raison, sa finalité première demeure graphique.

XG : Tu disais que le muet était un défi personnel. Après trois livres, est-ce que c’est un défi que tu continues à trouver intéressant ? N’aurais-tu pas peur de te limiter dans un système, en t’imposant cette contrainte ?

NP : Oui, ça fait peur, j’ai peur de m’enfermer dans un mécanisme. Pourtant j’aime bien l’idée de mener le plus loin possible une expérience. Mon prochain livre relatera une histoire je crois assez compliquée à rendre sans le texte. Mais je veux y arriver, encore une fois. Trois livres muets, c’est trop rond, ça fait trop trilogie, je continue, pour affiner un peu plus le système de narration que j’utilise, mais dites-moi quand je deviendrai franchement ennuyeux. Après ce livre que se passera-t-il ? Je ne saurais le dire, j’essaye à chaque fois de faire évoluer mon univers… On verra. Et puis après tout, faut-il tout démolir à chaque bouquin ? Je ne voudrais certes pas m’enfermer dans un style trop figé, mais je voudrais aussi faire les choses à mon rythme, pour le moment je ne ressens pas le besoin de changer de cap, j’ai encore des choses à dire sans les mots.

XG : Il y a une sorte de progression historique dans les trois ouvrages parus : on passe de l’Antiquité à la Renaissance pour arriver à quelque chose qui se déroule sans doute au milieu des années 30. (peut-être l’Allemagne, puisque l’on voit l’interdiction des instruments de musique — art dégénéré ?)

NP : Oui, c’est vrai, j’ai ressenti le besoin de changer d’univers, peut être parce que c’est stimulant graphiquement. Fabrica se passe dans un monde imaginaire, des années trente je n’ai gardé qu’un certain décor. La dictature ségrégationniste fait bien sur penser au troisième Reich, mais ce n’est pas complètement lui. Quant à l’interdiction de la musique elle a existé et existe toujours dans les contrés contrôlées par les Talibans. C’est effrayant, je trouve ça emblématique de ce que l’homme peut faire pour mettre sous sa domination les populations. Aller jusqu’à interdire ce qui fait l’homme, sa capacité à créer.

XG : A chaque fois, on retrouve la thématique de l’altérité (difformité physique, ou diversité de races), et de la violence des relations humaines.

NP : Oui, cela changera peut-être. C’est sans doute ma manière à moi de faire une bande dessinée un peu engagée. Je me défends bien de faire des livres avec un message à délivrer, mais j’exprime mes préoccupations ou mes sympathies. Le monde me paraît très dur et injuste, pour le moment je ne trouve que ça à raconter, mais j’admire ceux qui arrivent à faire sourire, à décrire le bonheur, c’est beaucoup plus difficile, j’espère savoir faire ça un jour.

XG : Dans chacun de tes récits figure au moins un personnage à l’œil rond, qui pourrait être presque hypnotique (œil fixe ou puits sans fond, au choix). Chaque fois, j’ai l’impression que ces personnages ont des rôles de passeurs — les philosophes de Priape, le prêtre de Divine colonie, ou encore le personnage au masque vénitien de Fabrica.

NP : Oui, c’est ça, pour moi les personnages à l’œil rond sont les détenteurs du savoir. Dans Fabrica, le masque est en fait celui avec lequel sont généralement représenté au XVIIème et XVIIIème siècle les médecin de la peste. Ce personnage incarne le savoir médical mis au service de l’eugénisme.

XG : On pourrait dire très schématiquement que Priape parle de la famille, Divine colonie de la religion, et Fabrica de la politique. As-tu déjà une idée du grand thème de ton prochain ouvrage ?

NP : Priape parle de famille, mais il parle aussi de tragédie, Un homme face au déterminisme de sa vie. Voila le ressort de la tragédie grecque et celui de Priape mais aussi de Fabrica. Dans ce monde les dieux, d’habitudes omniprésents dans la tragédie, se sont retirés, mais il reste des hommes qui portent en eux leur destin, auquel ils ne peuvent échapper. C’est un peu moins vrai pour Divine colonie. Le héros peut exercer son libre arbitre, il est à même de faire des choix et sciemment il s’engage dans une voie à la fin du livre. C’est un peu ça, les idées qui traversent mes livres, derrière le plaisir premier qui est celui de raconter des histoires. Pour le prochain c’est trop tôt pour en parler plus, vous savez déjà que normalement je persiste dans le muet, je ne saurais en dire plus.

[Entretien réalisé par email en Février 2009.]

Entretien par en février 2009