Sunday Comics Reloaded – Entretien avec Peter Maresca

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Depuis 2005, les éditions Sunday Press se sont données comme programme de rééditer à l'échelle d'origine les gigantesques suppléments de comic strip en couleur qui accompagnaient les journaux au début du vingtième siècle. Au même moment que le roman graphique exhibait l'importance du format dans sa relation au récit et au projet esthétique, Peter Maresca avançait le même argument pour ses rééditions patrimoniales : Sunday Press a ainsi mis en évidence comment les pionniers du comic strip s'accommodaient de l'énorme espace de la page de journal et comment leurs lecteurs s'y rapportaient.

Si la maison nous a donné à lire autrement les classiques de Winsor McCay ou de George Herriman, Sunday Press a aussi offert une vision plus englobante des premières années du comic strip, en donnant une deuxième chance aux oubliés de l’histoire dans ses anthologies Forgotten Fantasy et Society is Nix. Avec maintenant dix ans d’expérience et dix livres à son catalogue, Peter Maresca revient sur les origines de Sunday Press, le processus de réédition et ses choix éditoriaux pour décrire une entreprise profondément inscrite dans un réseau de relations humaines.

Benoît Crucifix : Sunday Press fêtait ses dix ans l’année passée. Puisque vous vous êtes décrit comme « éditeur par accident », je me demandais comment vous imaginiez le futur de Sunday Press il y a dix ans de ça, après avoir lancé le premier volume ? Quel regard jetez-vous en arrière aujourd’hui ?

Peter Maresca : Après la parution de Little Nemo in Slumberland, So Many Splendid Sundays, il n’y avait pas vraiment de futur prévu pour Sunday Press. Je venais d’accomplir ce que je n’avais pu faire réaliser par une « vraie » maison d’édition (créer une édition entièrement restaurée et à l’échelle du classique de Winsor McCay) et j’avais prévu de continuer de travailler à mon travail habituel dans le divertissement numérique. Mais le livre rencontra très vite un large succès et, quelques mois plus tard, je commençais à réfléchir à un autre projet quand Chris Ware m’a contacté pour voir si je voulais travailler avec lui sur un volume similaire pour les pages du dimanche de Gasoline Alley, une opportunité que je ne pouvais pas laisser passer. Après Sundays with Walt & Skeezix et le Sammy Sneeze de McCay, j’étais apparemment devenu un vrai éditeur, un peu par accident, et j’ai continué sur ma lancée. Avec le recul, j’aurais, comme n’importe qui, aimé avoir mes connaissances d’aujourd’hui sur le processus. Au fil des ans, j’ai beaucoup appris sur la restauration, sur la couleur, sur ce qui fait un bon livre et je pense que les derniers, Society is Nix et White Boy, montrent cet apprentissage. Je me dis que j’ai aussi été extrêmement chanceux d’avoir le soutien de nombreux artistes et historiens du monde de la bande dessinée, ainsi que la précieuse contribution d’un incroyable designer, Philippe Ghielmetti.

Benoît Crucifix : Justement, je me demandais comment était née cette collaboration avec Philippe Ghielmetti. Car il joué un rôle important dans l’histoire des rééditions de bande dessinée, avec son travail graphique sur la collection « Copyright » de Futuropolis. Comment l’avez-vous rencontré et qu’est-ce qui a amené cette collaboration à Sunday Press ?

Peter Maresca : Eh bien, j’ai d’abord connu Philippe par le biais des fondateurs de Futuropolis, Étienne Robial et Florence Cestac, à cause de leur collection « Copyright ». C’était vers 1979, je travaillais avec eux pour trouver certains des comic strips américains pour leurs livres. Après, Philippe a déménagé à New York, où je l’ai présenté à un ami, Tibor Kalman, designer et patron de M & Company. Tibor adorait Philippe : « Philippe fait du bon boulot », il disait, « je lui donne une grosse pile de projets et un paquet de Gitanes, et lui il s’assit et travaille toute la journée ». Philippe et moi avons passé beaucoup de temps ensemble à New York et quand il est retourné à Paris, j’ai continué à le voir régulièrement, puis notre première collaboration s’est faite en 2005, quand je cherchais un éditeur pour Little Nemo, je pense vous avoir déjà raconté l’histoire.

Benoît Crucifix : Il ne me semble pas, ou pas dans les détails.

Peter Maresca : En 2005, c’était le centième anniversaire de Little Nemo et je trouvais qu’il fallait que quelque chose de vraiment important soit fait. Alors j’ai demandé autour de moi aux gens qui avaient déjà réimprimé du Little NemoFantagraphics, Rick Marshall et d’autres — pour voir si il y avait des projets particuliers pour ce centenaire. En regardant à ma collection de Little Nemo, je réalisais que, après une centaine d’années, on pouvait encore à peine la toucher. Une autre centaine d’années, et on ne serait plus capable de les voir sauf peut-être dans des archives spéciales ou dans un musée. La plupart des gens savaient que Little Nemo était un des meilleurs, peut-être même le meilleur comic strip mais, à l’époque, très peu de personnes l’avaient vu dans sa taille d’origine. Je pensais que Little Nemo devait être réimprimé de cette façon, alors j’ai proposé l’idée à différents éditeurs aux États-Unis et en Europe, mails tous me disaient : « C’est très bien mais on peut pas le faire, c’est trop grand », ou alors, « non, on ne saurait pas le distribuer, ça ne se vendrait pas ». Je suis allé voir Fantagraphics et ils ont dit : « Oh, on l’a déjà fait et … ». Je perdais mon courage.

Benoît Crucifix : Les éditeurs ne comprenaient pas la nouveauté ou la nécessité de les réimprimer à l’échelle ?

Peter Maresca : Personne ne comprenait, et puis je n’avais aucune expérience dans le marché du livre. Ma carrière était dans le divertissement sur internet et, du coup, je n’avais pas de préjugés sur ce qui était possible ou pas. Je me disais : « Pourquoi est-ce que c’est impossible ? Tu trouves un imprimeur et puis tu le fais ». J’en ai parlé avec des amis artistes et designers à New York, qui m’ont encouragés à le publier moi-même. C’est à ce moment-là que je suis allé voir Art Spiegelman et qu’on a essayé de voir comment faire côté pratique. Il venait de publier son livre In the Shadow of No Towers [À l’ombre des tours mortes] : c’était un grand livre de format standard qui s’ouvrait sur des pages à l’échelle[1]. On a fait quelques maquettes et essayé différents formats mais à la fin, on s’est dit : « Non, ça doit être un grand livre, c’est ce qu’il veut ». C’est l’expression qu’a utilisé Art, [« it wants to be a big book » — « ça se veut être un grand livre »].
Quand j’étais au festival d’Angoulême en 2005, j’en ai discuté avec mon ami Fershid Bharucha, qui était alors avec les éditions USA à Paris. Il a publié plus de cinq cent livres et magazines et savait très bien comment assembler une bande dessinée. Il m’a dit : « Réunis toutes les images et viens à Paris, je te montrerais comment faire ». Et alors Philippe nous a rejoint, en disant : « Je m’occuperai de la maquette, on le fera en, quoi… un week-end ». Et ça nous a pris à peu près dix jours et deux caisses de vin ! Le gros problème, c’est qu’on travaillait avec des fichiers tellement lourds sur des ordinateurs qui sont plus lents comme qu’aujourd’hui, et Quark (c’était avant InDesign) n’arrêtait pas de crasher. Quand on avait à peine créé le fichier PDF et qu’on y était presque, boum, ça crashait.

Benoît Crucifix : Ah oui, avec des images en haute définition.

Peter Maresca : Oui, avec la haute définition des images et la taille complète d’un journal. Donc c’était des fichiers, chacun d’à peu près 160 mégaoctets. Et généralement une page de bande dessinée, c’est 20 ou 40.

Benoît Crucifix : Comment avez-vous réussi votre coup, alors ?

Peter Maresca : C’était difficile. Ça nous a pris beaucoup plus de temps que nous ne l’avions prévu. Mais la chance c’est que, et Art Spiegelman a aussi parlé de ça, les mêmes technologies qui, soi-disant, détruisent les livres — le monde numérique — permettent aussi à des gens comme moi de faire un livre, parce qu’on n’a plus besoin de toute une équipe. On peut tout faire sur l’ordinateur, puis aller avec le PDF directement chez l’imprimeur. Pas de séparation de couleurs, pas de maquette de montage. C’était vraiment au début de cette révolution. Donc, on a finalement pu réaliser tous les fichiers PDF et nous étions prêt à aller chez l’imprimeur — à cette époque, on avait dû les mettre sur sept CD-Roms (bien sûr, maintenant on le met en ligne) — et je me souviens que Philippe dit : « Okay, j’ai fait la page de crédits et maintenant il ne nous reste plus qu’à ajouter ton ISBN », et lui ai répondu « ISBN ? Quel ISBN ? » et il était là, « Oh non… tu ne peux pas pas faire un livre sans ISBN, et ça va te prendre deux semaines pour en obtenir un » mais, là encore, on a eu de la chance parce qu’on était au début d’une autre nouvelle technologie qui permettait de demander son ISBN en ligne. A l’époque, ça nous a pris peut-être deux jours ; aujourd’hui, c’est instantané.
Et une fois que tout était arrangé pour passer à l’imprimeur, mon épouse, qui avait de l’expérience dans les livres de technologie, m’a dit que si on imprimait en Asie, il valait mieux aller voir les épreuves pour être sûr que les couleurs étaient bonnes. Pour les pages restaurées de Little Nemo, la couleur était évidemment essentielle. Et je devais aller en Asie parce qu’aucun imprimeur en Europe ou aux États-Unis ne pouvait manier un aussi grand livre avec ses machines et n’avait pas la main d’œuvre pour le faire à la main. On voulait que les livres s’ouvrent à plat, pour reproduire l’expérience de lecture d’une page de journal, et donc les cahiers imprimés devaient être cousus à la main. Aujourd’hui, c’est plus courant mais à ce moment-là, c’était presque du jamais-vu pour un album relié de bande dessinée. Et pour ça, c’est tant mieux que je n’avais aucune idée de ce que j’étais en train de faire. Je ne me rendais pas compte que, normalement, on ne faisait pas les livres de cette manière.

Benoît Crucifix : À quoi ressemblait le secteur des rééditions à ce moment ? Sunday Press semble avoir eu un rôle assez pionnier, il y avait alors encore peu de collections patrimoniales.

Peter Maresca : On a un peu créé une révolution pour ce qui est des rééditions de luxe. Dean Mullaney venait tout juste de commencer ses rééditions, de format un peu plus petit[2], et à part quelques exceptions, celles avant lui étaient de simples paperbacks bon marchés. Aujourd’hui, presque tous les grands comic strips ont été réédités, mais avec des résultats variés. C’est parfois décevant quand les éditeurs scannent juste les pages, les envoient à l’imprimeur, et acceptent ce qu’ils reçoivent peu importe le rendu.

Benoît Crucifix : Oui, avec la disponibilité d’archives en ligne, il devient plus facile de simple prendre des PDFs et de les imprimer sans passer par un travail de restauration. Comment voyez-vous le rôle de Sunday Press dans ce développement des rééditions de bande dessinée ? Il y a eu une certaine émulation du format à l’échelle originale, je pense en particulier au Little Nemo de Taschen, où ils ont réimprimés les pages presque à la dimension originale, mais pas tout à fait non plus.

Peter Maresca : Oui, c’est plus ou moins aux trois quarts.

Benoît Crucifix : Et ils n’ont quasiment pas restauré les pages, ils ont simplement réutilisé les fichiers qu’ils avaient déjà.

Peter Maresca : Oui, c’était décevant et, parfois, il y a une déchirure dans le papier et la qualité des pages varie. Franchement, ça m’a brisé le cœur quand j’ai vu ça. Parce que je me disais que si je n’avais pas pu faire une réédition complète de Little Nemo, quelqu’un d’autre le ferait, mais j’étais très déçu. Et elle n’est même pas complète car il leur manque une page célèbre : il y a cette planche qui a parue seulement dans la version parisienne du New York World. Le 7 janvier 1906, il y a eu deux pages : une à New York et l’autre uniquement à Paris. Mais ils ne l’ont pas inclue et c’est dommage car c’est une si belle page, et en fait cette page rappelle les Jardins du Luxembourg, avec le parc et la barrière en métal avec les pointes en or. Il y a aussi une calèche qui traverse le parc et quand le soleil se lève, la calèche de Nemo se transforme en son lit. Très cinématique, avant même que des choses se passent au cinéma, un truc que McCay faisait tout le temps. Donc c’est une très, très belle page. Enfin, c’est l’une des nombreuses déceptions que j’ai eu avec cette réédition de Taschen. C’est un très bon livre de référence, mais ça aurait pu être mieux.

Benoît Crucifix : Comment est-ce que cette édition a influencé votre propre projet ? Le fait que l’idée a un peu été « récupérée » par un gros éditeur ?

Peter Maresca : Ça n’a pas vraiment eu de conséquences. Même après que ce livre soit sorti, j’ai entamé la quatrième impression du premier volume de Little Nemo, car certaines personnes voulaient quand même cette expérience de lecture à taille originale. Et la façon dont je vois les choses, c’est que je n’ai pas besoin d’avoir un livre des œuvres complètes de Picasso, mais j’aimerais avoir un grand livre parfaitement imprimé avec une belle sélection des meilleurs Picasso. Et c’est ce qu’est le Little Nemo de Sunday Press, une bonne sélection des meilleures pages. D’ailleurs, franchement, certaines pages que McCay a pu faire vers la fin, quand il était pris par l’animation et d’autres choses, n’étaient pas si intéressantes et n’étaient pas faites entièrement en couleur. Et ce n’étaient pas des rêves fantastiques, mais juste Little Nemo qui parle avec des animaux et des trucs du style. Moins fantastique, mais très beau quand même, mais bon …

Benoît Crucifix : Je pensais également à Kramers Ergot n°7, qui n’est pas une réimpression mais qui fait l’usage du format de la page de journal pour de nouvelles créations.

Peter Maresca : C’était bien, mais toutes les œuvres ne nécessitaient pas ce format. Alors que Little Nemo l’exigeait. Et on ne peut jamais faire un gros livre gratuitement. Les bandes dessinées doivent le nécessiter. Mais ce Kramers reste un livre remarquable.

Benoît Crucifix : Il y avait au moins la contribution de Chris Ware, où le bébé est représenté sur la page à l’échelle réelle, ce qui rend l’effet d’ouvrir la double page très fort.

Peter Maresca : Chris Ware a une conscience des grands strips, en tant que fan de vieilles pages dominicales comme celles de Gasoline Alley ou de Naughty Pete et, bien sûr, Nemo, donc il avait fait bon usage du format. Il était très encourageant pour notre Little Nemo, et après que le premier volume, Splendid Sundays, ait paru, il m’a contacté pour faire Walt & Skeezix.

Benoît Crucifix : Puisque vous parlez de Chris Ware, et que vous avez aussi évoqué Art Spiegelman, je me demandais comment travaillez-vous avec les auteurs ?

Peter Maresca : Je n’ai jamais travaillé directement avec Spiegelman en tant qu’artiste, mais bien en tant qu’historien et consultant. Il a beaucoup d’informations, il s’exprime très bien, est très érudit et comprend comment la bande dessinée est liée à la culture d’une période, et pas qu’un ghetto culturel. Les bandes dessinées pouvaient être plus que quelque chose qu’on jetait avec le journal du dimanche.

Benoît Crucifix : Et comment est-ce qu’ils ont participé aux projets ? Comment s’est passée votre collaboration avec Spiegelman et Ware ? Comment se sont-ils investis ?

Peter Maresca : Je suis allé plusieurs fois au studio d’Art, au moins une fois avant chaque projet, pour discuter de comment réaliser les livres et de ce dont nous avions vraiment besoin au niveau de la production et de l’édition. L’aide de son épouse, François Mouly, a été décisive au démarrage de Sunday Press. Elle m’a mis en contact avec un imprimeur en Asie et s’est porté garante pour moi auprès d’eux. Travailler avec Chris, c’était merveilleux parce qu’il avait des idées amusantes comme celle d’inclure un jouet à découper dans le livre. Il y avait juste un seul souci avec Chris. Je lui ai dit : « Je suis vieux et j’ai la vue qui baisse, s’il-te-plaît, est-ce qu’on pourrait avoir le texte dans un caractère plus grand qu’une taille cinq ? » Et il m’a dit : « Non, il faut que ça s’accorde avec le graphisme, on ne peut pas faire ça ». Il est toujours très poli mais il savait ce qu’il voulait au niveau du design, et comment pouvais-je remettre cela en question ? Quelques-uns se sont plaint de la typographie minuscule, mais de manière général c’était accessoire car le design du livre est tout simplement superbe.

Benoît Crucifix : Est-ce que Philippe Ghielmetti a participé au design de Gasoline Alley ? Ou Chris Ware s’en est chargé tout seul ?

Peter Maresca : Chris Ware a tout fait. Mais chacun admire le travail de l’autre. Un des avantages à travailler avec Chris sur ce livre, c’est qu’il a fait une maquette qui va avec la collection qu’il fait avec Drawn & Quarterly des rééditions des strips quotidiens de Walt & Skeezix. À part le fait d’avoir eu le magnifique travail graphique de Chris, c’était bien de pouvoir faire quelque chose de complémentaire à cette excellente collection chez D+Q.

Benoît Crucifix : Nous n’avons pas encore eu l’occasion de beaucoup parler de la question de sélection : comment choisissez-vous la matière que vous voulez publier ? Parce que vous avez réédité les artistes de comic strip « canoniques » (George Herriman, Winsor McCay, Frank King), mais aussi des œuvres oubliées comme la série The Explorigator d’Harry Grant Dart ou bien votre toute récente réédition des strips de Garrett Price parus dans The New Yorker.

Peter Maresca : Oui, je collectionnais les White Boy de Garrett Price depuis plusieurs années et c’était quelque chose que j’avais eu envie de reproduire correctement. Dean Mullaney, qui est aussi un fan de ce strip, m’a aidé à mettre le projet en route. Ensuite il y a ces « bandes dessinées oubliées », un peu plus vieilles. Je voulais faire un gros livre avec les vingt premières années des bandes dessinées de presse. J’ai beaucoup travaillé avec Alfredo Castelli à Milan, l’écrivain de Martin Mystère. À ce moment, il en savait plus sur les vingt premières années de la bande dessinée que n’importe qui aux États-Unis. Il avait fait beaucoup de recherches à partir des sources originales et de microfilms et avait quasiment tout vu. Je lui ai parlé du genre de livre que je voulais faire, il était enthousiaste, voulait y contribuer et il a écrit deux beaux essais pour nous. Au fur et à mesure que je regardais toute cette matière, je me suis dit : c’est beaucoup trop pour un seul livre ! Comment est-ce que je pouvais présenter aux mieux celle-ci ?
Si vous voulez, il y avait essentiellement deux types de bande dessinée dans les premières pages du dimanche : il y avait les bandes dessinées fantastiques, qui venaient des livres illustrés pour les enfants de l’ère victorienne, et puis il y avait les bandes dessinées de satire sociale, qui venaient des éditos dans les journaux, de Judge, Puck et d’autres magazines similaires. Et donc, comme je ne pouvais pas tout mettre dans un livre, je les ai séparé en deux livres, un pour chaque groupe. Et j’ai décidé de commencer avec le fantastique, parce que la plupart des gens connaissait déjà Little Nemo et donc les bandes dessinées fantastiques, c’était une bonne connexion. J’ai d’abord fait Forgotten Fantasy, bien que la plupart des œuvres dataient de plus tard. À ce niveau, j’ai eu de la chance d’avoir l’aide de Rick Marschall qui, avec Alfredo, m’a appris énormément sur les premières bandes dessinées.
Pour le volume suivant, Society is Nix, on est retourné dans le temps et on a commencé avant même le Yellow Kid, que la plupart avait considéré comme la « première » bande dessinée moderne. Pour la première fois, on a pu raconter dans un livre toute une histoire de la bande dessinée que les gens ne connaissaient pas ou au sujet de laquelle ils étaient mal informés — comme, par exemple, tout le monde pensait que Pulitzer était le premier à avoir une section en couleur dans son journal alors que non, c’était le Chicago Inter Ocean et puis après Pulitzer s’en est rapidement emparé. Pour moi, même si ce n’est un best-seller, je pense que Society is Nix est notre livre le plus important. Et, là encore, je dois remercier Art Spiegelman pour le titre, parce que j’allais le nommer The Origins of the Comics ou Founders of the Comics ou quelque chose comme ça, et Art m’a dit : « Tu sais, c’est pas très sexy », il a dit, « trouve un titre sympa, sexy, et puis après tu ajoutes un sous-titre qui explique de quoi il s’agit ». Sa proposition, Society is Nix, vient de ce personnage des Katzenjammer Kids, l’Inspecteur, qui dit « Mit doze kids, society is nix ! » [« Avec ces gosses, la société n’est plus rien! »]. En d’autres mots, avec ces enfants tarés, la société civilisée n’a pas une seule chance. C’était le genre d’attitude anarchique qu’on trouvait dans les premières bandes dessinées.

Benoît Crucifix : J’aimerais aussi parler des essais en introduction des livres de Sunday Press et de la façon dont ils invitent à réviser l’histoire de la bande dessinée. On présente souvent le comic strip comme cette forme « typiquement américaine » et, il me semble que l’essai de Thierry Smolderen, entre autres, nuance tout à fait ça en se concentrant sur les « racines internationales du comic strip américain ».

Peter Maresca : En effet, Thierry avait fait un excellent boulot en détaillant le récit des « bandes dessinées avant la bande dessinée » et en montrant comment les illustrateurs européens et américains du 19ème siècle ont fournis la base des cartoons et de l’art séquentiel. Aussi, dans Society is Nix, Richard Samuel West expliquait combien la création des comic strips américain devait au magazine français Le Petit Journal… Ce sont eux qui ont implanté le premier système peu coûteux de presse couleur. L’éditeur de Chicago H. H. Kohlsaat était en vacances à Paris et il est devenu obsédé par cette presse et ses résultats : « On a besoin de ça, il faut que je me procure cette machine ». Alors il a acheté une presse en Europe et l’a fait expédier à son journal, le Chicago Inter Ocean. Puis quand Pulitzer a vu ça, il s’est dit : « Bon, il l’utilise juste pour des images de mode ou de politiciens. Avec mon équipe d’artistes et la popularité de leurs cartoons, je pourrais faire des choses merveilleuses avec ces couleurs ». Et c’est ce qu’il fit, introduisant ainsi une révolution dans l’édition. Le supplément de bande dessinée en couleur est vite devenu un argument de force pour vendre les journaux.
Ensuite, un peu plus tard, William Randolph Hearst a débarqué de San Francisco à New York, il a vu ce que faisait le World et s’est dit : « Je vais me procurer une de ces presses et j’achèterai tous les artistes à Pulitzer ». C’était tout comme cette fameuse scène dans Citizen Kane où il regarde le journal concurrent et dit « si ils ont une plus grande circulation », puis pointe à une photo de l’équipe et dit « voilà pourquoi ». À la scène suivante, on voit une photo en train d’être prise de la même équipe, mais travaillant cette fois pour lui ! Hearst fit exactement la même chose, et c’est une des raisons pour lesquelles il est devenu le champion de la bande dessinée. Mais Hearst a aussi vraiment répandu l’idée de personnages récurrents dans la bande dessinée, ce qu’Outcault avait déjà avec le Yellow Kid quand il travaillait pour Pulitzer. Mais la plupart des strips de Pulitzer étaient avec des personnages qui ne restaient que pour quelques semaines, la plupart des titres étant des one-shots ou paraissant de façon irrégulière. L’équipe de Hearst comptait Opper, Outcault, Swinnerton et Dirks, et chacun d’eux aurait leurs propres stars : Happy Hooligan, Buster Brown, Little Jimmy et les Katzenjammer Kids. Du coup, les lecteurs s’habitueraient et se lieraient aux personnages chaque semaine.

Benoît Crucifix : En parlant de couleur, comment se passe le processus de restauration numérique ? C’est quelque chose que vous en êtres même venus à faire pour d’autres éditeurs, comme pour les rééditions de Flash Gordon.

Peter Maresca : Oui, les Flash Gordon ont été plutôt réussis, tout comme Tarzan. Le problème quand je travaille pour d’autres, c’est que mes couleurs cherchent spécifiquement à avoir l’air vieillies tout en ressemblant à un nouveau journal, mais un nouveau journal vieux de cent ans. Donc, il y a un équilibre délicat dans les couleurs et c’est pourquoi je vais toujours en Asie pour vérifier les épreuves et m’assurer que tout va bien. Habituellement, je travaille avec les imprimeurs sur les premières douzaines de pages, jusqu’à ce qu’ils comprennent ce dont j’ai envie. Parfois quand je fais des restaurations de page pour quelqu’un d’autre, l’éditeur envoie les PDFs à l’imprimeur en Chine, et on ne sait pas ce qu’il en ressort. Aller vérifier les épreuves coûte deux ou trois mille dollars de plus, et tous les éditeurs ne veulent pas mettre le budget. Mais pour moi, c’est très important. Bien que, franchement, la plupart des lecteurs ne remarquent pas la différence, mais ceux qui la voient apprécient l’effort en plus.

Benoît Crucifix : C’est là tout de même une grand différence avec d’autres rééditions, qui utilisent souvent des couleurs criardes pour donner un aspect neuf aux pages, utilisent un papier très blanc, ça ne va pas. Donc oui, il semble que cet équilibre entre la restauration, la mise-à-neuf et un aspect « rétro » soit important.

Peter Maresca : Là aussi je ne savais pas ce que je faisais. Je savais que je voulais que cela ressemble à du papier journal, mais quand j’ai fait la correction des couleurs pour avoir les bonnes teintes, les arrière-plans étaient tous différents. Donc, ce que j’ai dû faire, c’est que j’ai créé un nouvel arrière-fond en scannant du papier journal vierge, et juste pour le délire j’ai scanné dix différentes sortes pour que quand vous regardez avec une loupe, vous pouvez voir les différentes imperfections dans le papier journal. Après ça, j’ai soulevé les vignettes, j’ai créé une nouvelle couche avec ce papier journal vierge et j’ai replacé les pages dessus. C’est pour ça que vous avez cette texture de papier journal. C’est un truc que j’ai inventé parce que je ne savais pas ce que je faisais. Je savais seulement à quoi je voulais que ça ressemble, et j’ai essayé de le faire ressembler à ça.

Benoît Crucifix : Au moins vous aviez de l’expérience avec Photoshop et ce genre de choses.

Peter Maresca : J’avais de l’expérience avec Photoshop pour le graphisme en ligne, mais pas pour l’impression. C’est pourquoi j’ai appris beaucoup avec Fershid Bharucha, qui m’a montré comment l’adapter correctement à l’impression. Oh, et ça c’est une chose que Taschen m’a emprunté, puisqu’ils ont fait la même chose avec leur Little Nemo, avec un arrière-fond en texture plutôt qu’un aplat de papier coloré. Parce que certains éditeurs utilisent simplement du papier couleur crème ou blanc cassé, mais alors c’est trop uni. Là aussi, c’est juste une préférence personnelle.

Benoît Crucifix : Je pensais aussi à ce livre plus récent, Little Tommy Lost de Cole Closser, chez Koyama Press, qui est un pastiche de tous ces comic strips et, en tant qu’objet, essaye de recréer ce même rendu du papier journal. On peut voir que cette esthétique de la réédition est quelque chose qui influence aussi les auteurs d’aujourd’hui.

Peter Maresca : Oui, eh bien, avant d’avoir fait Little Nemo, je me souviens avoir regardé les livres de Chip Kidd : Batman et quelques autres[3]. Et là c’est comme si tout avait été directement pris des étagères des collectionneurs : très jaune, brun, tout juste comme une vieille bande dessinée. C’est un style amusant. Mais je voulais avoir quelque chose entre Chip Kidd et les rééditions de Fantagraphics, qui avaient un papier très blanc. Quelque part entre les deux était ce qui me semblait le mieux.

Benoît Crucifix : D’accord — un certain degré de restauration est nécessaire.

Peter Maresca : Oui, mais ce que la plupart font, c’est qu’ils scannent les pages, utilisent une correction couleur automatique, poussent les noirs à fond et baissent les jaunes.

Benoît Crucifix : Ce qui est mauvais pour la qualité des dessins et des couleurs.

Peter Maresca : Et je pense que les artistes aimeraient ces couleurs plus pastels. Oui, enfin, on n’en sait rien bien sûr, mais par contre, on sait bien comment les gens le voyait il y a cent ans. Et je ne voulais pas simplement rééditer Little Nemo et Krazy Kat, je voulais recréer l’expérience de voir ces journaux. Et, ça voulait dire grand. Et quand les gens disent : « C’est trop grand, où est-ce que je range le livre ? », je réponds : « Eh bien, dans le salon, vous le glissez en dessous du divan et, le dimanche matin, vous le tirez de là-dessous, vous l’ouvrez à plat par terre et vous lisez des bandes dessinés », parce que, je suis un vieil homme, c’est comme ça que je lisais les bandes dessinées quand j’étais gosse, par terre ; vous ouvriez ces grands journaux et vous aviez trente-deux pages de bande dessinée tous les dimanches.

Benoît Crucifix : Vous tentez de reproduire cette expérience d’enfant ?

Peter Maresca : Oui, c’est l’expérience que j’avais comme enfant, et beaucoup de gens trouvent aussi ça. Ils disent que quand ils ont eu le Little Nemo, ils se sont sentis comme si ils avaient six ans et qu’ils pouvaient, avec de tous petits yeux mais un très grand esprit, plonger dans l’ouvrage.

Benoît Crucifix : Exactement, le fait de devoir poser le livre à plat et de contempler les pages est très différent et rappelle l’enfance. Mais il y a peut-être aussi une différence : les bandes dessinées de presse étaient très éphémère comme objets, quelque chose qu’on pouvait jeter, le papier était très fin, tandis qu’à Sunday Press, vous utilisez du papier assez épais. Donc, en même temps, vous recréez l’expérience de lecture au niveau du format et des couleurs, mais ce sont de gros livres coûteux qui font des œuvres des monuments.

Peter Maresca : Dans Forgotten Fantasy, il y a comme exemple un insert de 1905 qui était dans le Chicago Tribune, quand ils ont commencé une section de bande dessinée par des artistes allemands. Ils avaient un insert exceptionnel de quatre pages, j’en ai fait un fac-similé sur un papier à journal très fin, pour que le lecteur puisse se faire une idée. Mais pour un livre complet, ce papier-là est trop fin. Donc, dans un sens, mes livres offrent une expérience tout à fait nouvelle, et une expérience tactile. C’est très amusant : la plupart des gens font exactement la même chose quand ils ouvrent le Little Nemo, ils font ça avec leurs mains, ils passent leurs paumes dessus. Il y avait une série télé, The L Word, c’est une série sur l’homosexualité, et ils ont utilisé le Little Nemo pour une scène : un personnage amene le livre à un bureau d’architectes, pour leur montrer, et alors ils l’ouvrent et la première chose qu’ils font, c’est laisser glisser leurs mains sur la page.

Benoît Crucifix : Je me posais aussi une autre question : est-ce que vous avez aussi pensé à rééditer des œuvres européennes ?

Peter Maresca : J’aimerais bien, il y a tellement de choses en Europe que j’adore, surtout parmi les plus vieux titres, autant italiens que français. C’est très intéressant, mais les américains sont des chauvinistes culturels et si c’est déjà difficile de vendre quelque chose qui a cent ans, c’est encore pire quand ce n’est pas un nom de marque. Heureusement, quelques-unes des bandes dessinées européennes des vingt-cinq dernières années sont aujourd’hui reproduites par IDW, Fantagraphics et D&Q, mais ce sont des titres parfois durs à vendre.

Benoît Crucifix : C’est intéressant parce qu’il y a chez Sunday Press cette attention pour les grands artistes canoniques, mais aussi pour tous les auteurs moins connus qui parfois imitent les « stars » de leur époques, et en tout cas on a une image plus large et plus nuancée de la production du début du vingtième siècle. Aussi, vous ne portez pas seulement attention aux auteurs individuels, mais aussi à des formes de collaboration comme les crossovers et les jam sessions qui arrivaient souvent dans les pages de comic strips.

Peter Maresca : Oui, parce que ce qui se passait c’est que ces gars, particulièrement chez Hearst, mettraient leurs vestons, leurs cravates et leurs chapeaux et allaient s’asseoir travailler dans le même studio. Du coup, ils travaillaient sur leurs planches originales et les faisaient passer ; et c’est pour ça que, assez souvent, ils se rassemblaient pour échanger des idées et des gags. Et certains d’eux étaient de bons amis, comme Herriman et Bud Fisher. Ils dessinaient même parfois des morceaux dans le strip de l’autre, pour s’aider, et personne ne s’en rendait compte. C’est comme dans beaucoup des premiers strips de Mutt and Jeff, vous pouvez voir qu’il y a du Herriman là-dedans, et bien qu’ils s’échangeaient leurs planches, vous ne pouvez pas être sûr si c’est bien Herriman qui dessine. Parce que Fisher voyait un truc de Herriman dans Krazy Kat et il le réutilisait dans Mutt and Jeff pour faire une blague ou pour rendre hommage. Par exemple, vous voyez un truc dans le style de Herriman, comme un petit arbre en triangle à l’horizon, et c’est en fait Bud Fisher qui l’a fait. Dans les bandes dessinées modernes, vous trouvez aussi des gens comme Partick McDonnell, qui a beaucoup utilisé ces personnages pour rendre à hommage à ces anciens artistes, en introduisant un peu de Polly and her Pals, un peu de Little Nemo, et ainsi de suite[4].

Benoît Crucifix : En parlant d’œuvres plus récentes, je me demandais comment est venue la série « Origins of Sunday Comics« , qui reproduit les planches restaurées des livres de Sunday Press sur la plateforme GoComics.

Peter Maresca : À la fin des années 1990, je travaillais pour Macromedia, à qui appartenait Shockwave et Flash, et ils cherchaient une façon de mettre en avant cette technologie. En travaillant pour un ancien collègue de l’époque où je travaillais pour Apple, on a créé un site sympa qui s’appelait « shockwave.com », avec des petits jeux et des animations avec des personnages de Garfield et South Park. Mais Macromedia avait décidé qu’il voulait devenir un genre de gros studio hollywoodien et faire du divertissement en ligne à grande échelle, et au final ils se sont plantés. Mais à cause du travail que mon collègue et moi avions fait sur des projets en ligne plus modestes, on avait une très bonne relation avec Andrews McMeel de Universal Syndicate, et on a travaillé avec eux pour mettre des comic strips sur téléphone portable. C’était très difficile, parce qu’à l’époque les portables avaient de minuscules écrans en monochrome, c’était un délire. On était là trop tôt, mais on a pu mettre en marche GoComics, et finalement ça a été complètement racheté par AMU. Ça, c’était vers 2003, et quand Sunday Press est apparu, GoComics m’a contacté pour faire quelque chose en ligne avec la bande dessinée classique. Ils voulaient vraiment du Little Nemo, alors j’ai utilisé les fichiers des livres pour faire une collection en ligne de Nemo, ainsi que les « Origins of the Sunday Comics », qui sont tirés de mes deux livres consacrés aux vingt premières années de la bande dessinée moderne.

Benoît Crucifix : C’est un projet intéressant parce que, là où les grands livres font partie d’une approche du livre-objet plus proche de la scène du « roman graphique » et ce genre de choses, sur internet, il y a cette expérience de sérialité.

Peter Maresca : Et puis, comme source, c’est super ; parce que mes livres ne pouvaient avoir que cent-cinquante pages, chacun, mais là je pouvais avoir cinq cents, six cents pages.

Benoît Crucifix : Donc vous y avez mis à la fois de la matière des livres et des pages en plus. C’était vraiment bien de pouvoir suivre des séries complètes, comme The Explorigator, que vous pouviez lire jour après jour, de façon assez similaire à l’expérience de lecture quotidienne ou hebdomadaire.

Peter Maresca : Oui, et aussi Naughty Pete et le Nibsby the Newsboy, qui est l’hommage de George McManus à McCay.

Benoît Crucifix : Quel est le rapport de ces pages avec les nouveaux comic strips publiés sur la plateforme GoComics ?

Peter Maresca : J’ai eu de très bonnes réactions de la part de la communauté de bande dessinée en ligne. En fait, en transmettant le message via Facebook et des groupes en ligne sur la bande dessinée, j’ai attiré sur GoComics pas mal de gens qui ne connaissaient pas le site. Et cela va bien ensemble… C’est tellement important d’avoir une conscience de l’histoire pour la bande dessinée et de pouvoir voir d’où elle vient.

[Propos recueillis par Benoît Crucifix à Angoulême le 28 janvier 2016, sur base d’un questionnaire préparé en collaboration avec Pedro Moura]

Notes

  1. Dans À l’ombre des tours mortes, Spiegelman n’a pas seulement inclus ses propres pages, mais y a ajouté une courte anthologie de pages dominicales de comic strips reproduites à taille originale sur l’espace complet de la double-page.
  2. Il s’agit de la collection « Library of American Comics », publiée chez IDW.
  3. Chip Kidd & Geoff Spear, Batman Collected, New York : Bulfinch Press, 1996 ; Paul Dini & Chip Kidd, Batman Animated, New York : Harper Collins, 1998 ; Art Spiegelman & Chip Kidd, Jack Cole and Plastic Man : Forms Stretched to Their Limits !, San Francisco : Chronicle Books, 2001 ; Chip Kidd ; Peanuts : The Art of Charles M. Schulz, New York : Pantheon Books, 2001.
  4. Patrick McDonnel (1956) est l’auteur du comic strip Mutts.
Entretien par en mars 2016