Vues Éphémères – Décembre 2014
C’est une sorte de fatalité journalistique, si l’on peut dire : à peine le mois de décembre entamé, voilà que l’on commence à faire le bilan de l’année écoulée, les listes de Noël se joignant aux « best-of » en tous genres pour solder le compte de ces douze mois, avant de tourner la page et de changer de millésime. Et alors que l’on égrenne les différents récompenses littéraires (du prix de la Critique au Grand Prix RTL, en passant par le prix de la BD du Point, le prix Artémisia de la BD féminine, le prix des libraires Canal BD, ou encore le prix Landerneau des Espaces Culturels E. Leclerc), le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême n’est pas en reste et dévoile sa propre Sélection Officielle, en vue de sa 42e édition qui se tiendra, comme chaque année, lors du dernier week-end de janvier[1].
La tentation serait grande de me lancer à mon tour dans un commentaire détaillé de la conférence de presse qui s’est tenue le 27 novembre dernier, soulignant ici la réconciliation affichée entre Festival et Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image sous le regard bienveillant de la municipalité[2], ou interrogeant là la constitution de la fameuse Sélection et la représentation particulière qu’elle construit, année après année, des forces éditoriales en présence.
Il est cependant plus marquant de noter que, pour la première fois, les auteurs ont eu l’occasion de prendre la parole — non pas comme « têtes d’affiche » venant enrichir la programmation du Festival, mais bien comme composante indispensable de la chaîne du livre, s’inquiétant pour son avenir. En annonçant la tenue de la séance d’ouverture des états généraux de la bande dessinée durant la prochaine édition, le Festival affichait également sa prise de conscience de la place qu’il occupe lui-même au sein de l’écosystème de la bande dessinée, et décidait d’assumer sa position à la croisée des chemins, entre grands et petits éditeurs, et partenaires publics et privés.
Évoquant cette annonce, Télérama consacre cette semaine une double-page[3] à la précarisation des auteurs, s’étonnant presque de découvrir une réalité si éloignée des jolies images qui continuent toujours d’entourer la bande dessinée et son économie. Ne serait-ce que pour cela, cette initiative des états généraux est fondammentale, et face à une situation complexe, où jusqu’ici la plupart des commentateurs sont également acteurs (auteurs, éditeurs, libraires[4] ), on ne peut qu’applaudir la volonté de tenter de produire une vision objective et détaillée de ce que représente réellement la bande dessinée aujourd’hui, dans ses multiples dimensions (sociologique, culturelle ou économique). Quand bien même ces états généraux ne déboucheraient pas sur une révolution, qu’au moins ils nous apportent quelques certitudes…
Notes
- Ce choix du début d’année, souvent justifié par l’opportunité médiatique d’une période par ailleurs souvent pauvre en actualité, apparaissant ainsi également propice à incarner un ultime retour sur l’année précédente, avec le Palmarès en guise de conclusion.
- Même si à la sortie, on distribuera un communiqué intitulé « 6 idées reçues (et fausses) sur 9e Art+ et son principal dirigeant », comme si la belle démonstration sur scène n’était pas suffisante, et qu’il fallait quand même régler quelques comptes.
- Stéphane Jarno et Laurence Le Saux, « Pour 100 bulles t’as plus rien », illustré par Erwan Surcouf.
- Les journalistes pourraient ici représenter une quatrième voix, à condition de se risquer à tenir un discours qui leur soit propre (en particulier quand surgissent les questions économiques), plutôt que de s’effacer quasi systématiquement derrière les déclarations des « spécialistes » (bien souvent éditeurs), trop rarement questionnées ou même remises en perspective…

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