Vues Éphémères – Octobre 2013
La semaine dernière, j’ai reçu un mail des Impressions Nouvelles m’annonçant le nouveau livre de Frédéric Boilet et Laia Canada, 286 jours, prévu pour janvier 2014.
S’il y aurait sans doute beaucoup à dire sur la manière dont, depuis 3615 Alexia, l’œuvre de Frédéric Boilet s’est construite au fil (et autour) des femmes de sa vie[1], cet ouvrage se démarque plutôt dans l’approche choisie par l’éditeur pour son financement :
«286 jours sera un livre de 544 pages, tout en couleur, à l’italienne. Bref, un objet coûteux à produire et pas facile à vendre. C’est pourquoi nous avons recours au financement participatif, sur le site KissKissBankBank.»[2]
Enfin sorti ce jeudi, le nouvel album d’Astérix bénéficie quant à lui d’une mise en place de deux millions d’exemplaires, et d’une couverture médiatique envahissante — détaillant par le menu l’avant (les conditions particulières de sa création, sur fond de passation), le pendant (le résultat, jugé sur pièces) et le juste après (les premières indications de vente, forcément aux allures de record).
Avec la poésie qui les caractérise, les Echos n’hésitent pas à titrer «Astérix, machine à cash» et célèbrent «le champion toutes catégories de l’imprimé francophone» qui représente pour Hachette un «enjeu économique majeur». Et de préciser que «[l]e groupe ne communique pas l’investissement consenti pour mettre la main sur le personnage moustachu créé par Goscinny et Uderzo, mais le chèque a forcément été massif».
Entre le «film sur papier, sensuel, tendre, émouvant» et «ce personnage connu de tous les Français», entre l’«objet coûteux à produire» et le plus gros tirage de 2013 «proposé à un prix de vente abordable de 9,90 euros», entre le financement participatif et le chèque «forcément» massif, entre le «pas facile à vendre» et l’«incroyable machine à cash» enfin, s’expriment toutes les disparités irréconciliables qui font la réalité du marché de la bande dessinée. Et, ébloui par les ors de l’un pavanant sous les feux de la rampe, il serait dommage d’oublier tous ces nombreux autres qui mériteraient que l’on leur accorde un rien d’attention.
Notes
- Ce dernier opus ne dérogeant pas à la règle : «C’est la chronique d’une passion, vécue et photographiée au jour le jour. Ce n’est pas une bande dessinée, mais une sorte de film sur papier, sensuel, tendre, émouvant» nous annonce-t-on.
- Ce n’est pas la première fois que les Impressions Nouvelles font appel au financement participatif — un peu plus tôt dans le mois, ils avaient ouvert le bal avec l’ouvrage Le street art au tournant. Reconnaissances d’un genre de Christophe Genin. Cette première campagne avait d’ailleurs été couronnée de succès, atteignant (de justesse) les 3,500€ fixés au départ comme objectif.

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