Droit d’asile

de

Vue de certaines télés, de certains politiciens/politiciennes dextrogyres, «ils viennent jusqu’en nos campagnes», etc. etc.
Un bel amalgame communicationnel tendant de nos jours vers l’habituel, où l’action politique se résume à l’échéance d’élire son petit champion en convoquant uniquement l’émotion, de celle suscitée par une peur généralisée de l’altérité trouvant son terreau dans le fait divers, à celles provoquées par les joies artificielles sportivo-spectaculaires, illusoirement collectives dans l’apparence.

Par son optimisme, Droit d’asile s’oppose à cette «droite d’asile», aliénante et s’auto aliénant.[1] Certes, il ne s’agit que de quatre histoires, celles de Roberto, Vartan, Suthakaran et Abdula ;[2] et l’auteur ne cache pas qu’il s’agit de quelques cas s’offrant à peine comme la pointe d’un immense iceberg aux allures parfois moins positives. Reste, qu’à l’image de cette intelligence de le préciser,[3] Etienne Gendrin donne espoir,[4] en montrant celle déployée à l’échelle locale pour accueillir ces jeunes gens mineurs. Car Droit d’asile c’est aussi les témoignages passionnés de Brigitte et Samira qui animent avec créativité des modules pour apprendre le français et les savoirs basiques à ces jeunes arrivants ; ou celui plus indirect de Christophe, coordinateur du réseau «Equi équoi», alors éducateur au «Foyer des jeunes hommes de Starsbourg», et à l’origine de ce projet d’album.

Le doute qu’Etienne Gendrin a pu entretenir vis-à-vis de ce travail est un des autres aspects qui donne à ce livre une justesse et une sincérité touchante. S’ajoute à cela un rapport à l’image qui n’est surtout pas dans l’illusion descriptive mais dans la structuration et l’ébauche, comme une seconde langue bien vivante, qui font que les gros traits de son dessin sont bien plus subtils et comme en pied de nez à ceux autrement gros de certains discours politiques mortifères.
Notons, qu’actuellement et dans le cadre de ces documentaires en neuvième choses, l’auteur de bande dessinée a une neutralité aux yeux de beaucoup,[5] qui permet à celui-ci d’aller là ou un journaliste et une caméra de télévision ne peuvent plus aller sans susciter méfiance, voire hostilité. A la fraîcheur d’un premier album, Etienne Gendrin ajoute et profite de cette liberté.

Droit d’asile commence emblématiquement par un voisin de l’auteur, qui renforce sa clôture en y posant une bâche en plastique verte pour ne plus voir ou ne pas être vu. Face à cet aveuglement, à ces barrières se multipliant sous diverses formes,[6] ce livre reste une bouffée d’air frais, démontrant l’honneur que ces «ils» font à tous en venant jusqu’ici.
Trop souvent montrés par certains comme boucs émissaires, ils apparaissent ici «moteurs» et modèles à suivre[7] comme en témoignent exemplairement Julien et Dereck, mineurs en difficulté,[8] nés en France, et partageant le même foyer de Strasbourg.
Finalement, et dans le contexte actuel, on souhaiterait à ce livre le succès d’Indignez-vous. En une sorte de «réfléchissez-vous» qui serait à la fois une question, mais aussi un impératif à se regarder dans ce que l’on a de meilleur.

Notes

  1. Je rappelle que le mot «aliéner» à pour étymologie «rendre autre», «rendre étranger».
  2. Respectivement originaire du Cabinda en Angola, d’Arménie via la Russie, du Sri-Lanka (Tamoul) et d’Azerbaïdjan.
  3. Et d’un humour allant de pair.
  4. Et une forme de fierté
  5. Une idée de neutralité parfois faussement trop vite associée à une forme d’objectivité, voire d’absence d’opinion. Une neutralité quasi enfantine d’un médium perçu bien souvent encore pour les enfants.
  6. De celles qui l’on dresse mais aussi à celles sous forme de brevets ou de droits représentant moins un travail de recherche qu’un moyen de bloquer son pré carré et d’en faire payer l’accès.
  7. Leurs périples se terminent par un emploi ou la poursuite de brillantes études.
  8. Pour des raisons familiales.
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Chroniqué par en avril 2011