Minimum Wage

de

« Les gens heureux n’ont pas d’histoire ». On serait presque tenté de le croire. Et dans ce cas, la série de Bob Fingerman pourrait bien être l’exception à la règle. Depuis trois ans en effet, il s’est lancé dans ce « slice-of-life comic » (littéralement « tranche de vie en bande dessinée ») qui se démarque par cette caractéristique surprenante : le héros est heu-reux !
Pourtant, tout n’est pas rose dans la vie de Rob Hoffman : pour gagner sa vie, il se contente du « minimum wage », ce minimum syndical que lui payent les publications pour lesquelles il travaille. Des bandes dessinées de commande pour un magazine porno et un sous-Mad a peine drôle. Et puis, il y a les soirées pas terribles avec les copains, la cohabitation avec son colocataire, les collègues de boulot pas toujours fréquentables … et Sylvia, l’amour de sa vie qui le lui rend bien.

A la lecture, on pourrait penser au Buddy Bradley de Peter Bagge, vu que d’une certaine manière Buddy et Rob partagent le même univers. Mais là où Buddy est un slacker dans l’âme, digne représentant de la Génération X, Rob Hoffman est un type normal, sans l’hystérie ou les excès (glande, drogue, sexe, alcool) qui animent le petit monde de Peter Bagge. Plutôt que de susciter le rire, l’étonnement ou le dégoût chez le lecteur, Bob Fingerman joue la carte de la sympathie, en campant un personnage auquel on s’identifie facilement.
Fortement teinté d’autobiographie (Bob Fingerman s’est visiblement inspiré de sa propre expérience), ce récit se montre également bien ancré dans la réalité. Trouver un appartement, boucler la fin de mois ou partir en vacances, les « aventures » de ses héros ne sont jamais bien loin des nôtres.

Cette proximité se retrouve encore dans le dessin, très détaillé et précis dans les décors – permettant aux lecteurs new-yorkais de retrouver les lieux exacts de l’action. Mais ce dessin sait aussi se montrer expressif quand il aborde les personnages, d’un style curieusement à mi-chemin entre réalisme et cartoon … et ce, jusque dans les scènes torrides entre Rob et Sylvia, elles aussi traitées avec justesse.

Au final, Bob Fingerman réussit le tour de force de maintenir l’intérêt du lecteur avec pour seul recours les petits problèmes de la vie de tous les jours. Comme s’il se lançait dans un sitcom sympathique, laissant de coté gags éculés et rires enregistrés. À découvrir.

Site officiel de Bob Fingerman
Chroniqué par en mars 1999

→ Aussi chroniqué par Jessie Bi en mai 2014 lire sa chronique