Autobiogre et graphie

de

(Xavier Mussat, Carnation)

Parmi les choses les plus convenues qui soient, il y a l’idée, solidement ancrée dans bien des têtes, que le langage est transparent. Pour ceux qui professent une telle croyance, il est envisageable de raconter sa vie de manière franche — certains diront : honnête, appuyant volontairement sur chaque syllabe –, en tirant le fil de ses souvenirs. Il serait alors possible de retranscrire avec fluidité, sans trop se poser de questions, des épisodes de son propre parcours, tels que la mémoire — qui est, comme chacun sait, «infaillible» — les aurait entretenus. Le mot d’ordre de ces «croyants» pourrait être quelque chose comme : «laissons le flux aller ; ornementons-le éventuellement, après coup».

La transparence, qui est celle des verres, est ce qui peut, certes, refléter visages et choses, mais aussi se briser et blesser par coupure qui en ramasse les morceaux. Quelle folie que de s’imaginer que l’on peut aisément produire de purs reflets de soi en usant du langage le plus immédiat, donc de pure convention (entre oral vaguement réfléchi et écrit trop rapide, peu relu), alors que tout agencement de mots peut — et doit même — être au plus vite frappé de soupçon quant à sa capacité de «dire le vrai». Dans un essai déjà ancien sur David B.[1], j’avais cité une première fois le prière d’insérer du livre de Claude Ollier, Une histoire illisible (Flammarion, 1986), que je ne crois pas inutile de reprendre ici : «Tout projet autobiographique participe d’un leurre, toute ligne de vie d’un destin truqué. Des myriades de traces que notre mémoire véhicule, la plupart manquent à se raccorder en une continuité sensible : de l’illisible y est à l’œuvre, qui investit l’espace, mine le temps. Dans cette histoire quand même, si raconter sa vie se révèle impossible, bien des fables sont narrées, pour témoigner de cette impossibilité». Mots que j’aimerais associer à cette phrase de Jorge Luis Borges que Fabio Viscogliosi rapporte dans Mont Blanc[2] (de mémoire, précise-t-il, mais je crois qu’on peut lui faire confiance tant cela sonne juste) : «Il n’y a qu’un cas où une œuvre ne vaut rien, c’est quand elle correspond aux intentions de l’auteur».

Quand on écrit, quand on trace des lignes, des traits, quand on dessine des contours, quand on encre des surfaces, il ne s’agit pas seulement de faire avec ce que la volonté commande (les fameuses intentions) ; il y a aussi — et peut-être pour l’essentiel — tout ce qui échappe. Il faut se frotter sans cesse avec ce qui fait défaut, comme se battre avec ce qui déborde. Il y a, simultanément, du manque, concret, qui anime le désir de faire, et une fausse abondance nettement moins favorable à l’écriture (en tant qu’acte de création) que l’on doit élaguer sans répit. Une écriture du «je» ne devient possible qu’en pleine conscience de cet impossible dont parle Ollier qui attise cette pulsion parfois violente de faire surgir, par courts-circuits, ce qui nous reste d’un «vécu» miné de toutes parts par le doute, l’incertitude et tous les dysfonctionnements de nos têtes de lectures intérieures. Les rares démarches qui se risquent à poser la question de l’autobiographie, sans se dérober aux conséquences qu’elle implique inévitablement, ne peuvent guère s’opposer, sans risquer de s’effondrer aussitôt, au surgissement de la fiction (car il s’agit bien de ça : cette violence très concrète, matérielle, qui éclate soudain ; et non d’un vague flirt plus ou moins chimérique avec l’imagination…). Autobiographie implique, au sens quasi-mathématique, fiction. Alors, pour qui veut pratiquer cette écriture du «je», nul besoin de se raccorder à ce concept nébuleux d’«autofiction» qui, au bout du compte, n’aura servi qu’à donner à la littérature un genre de plus[3].

La fiction, c’est ce qui est hanté par son auteur(e) — celui ou celle qui signe, usant ou non du pronom «je» dans le corps du texte –, présent(e) partout et tout particulièrement là où on ne l’attend pas : où le lecteur pressé pourrait croire que ce n’est pas «sa place». C’est une affaire, non pas réglée, mais qui remonte à loin. Madame Bovary, c’est moi, disait Flaubert. Non seulement l’héroïne, mais chaque détail du texte, jusqu’aux poignées des portes de la maison. Et ainsi de suite… Stephen Dedalus est Joyce, comme Grégoire Samsa est Kafka, ou Duras, toutes les femmes et même les hommes, de ses récits, même celles et ceux qui ne lui ressemblent pas (à propos d’India Song, elle affirmait  : «Moi, c’est tout. Moi, c’est Calcutta, c’est la Mendiante, c’est le Mékong, c’est la poste. Tout Calcutta. Tout le quartier blanc. Toute la colonie. Toute cette poubelle de toutes les colonies, c’est moi.»). Cela peut aller jusqu’à la disparition — Perec n’ayant jamais été aussi présent, en tant que «je» écrivant, que quand il fait sonner, dans la langue, le manque de la voyelle dominante : le «e». L’auteur(e) est nécessairement là, au présent, dans tout ce qu’il/elle écrit. Se trouve concrètement dans qui survit (et quand ça marche, se libère) sur la page imprimée de cette guerre entre ses divers soi (car il n’y en a jamais qu’un) quand le langage est matériellement travaillé (donc, entre autres, travaillé par le réel, se souvenant que le réel qui est ce qui revient toujours[4]. L’écriture en tant que recherche, ouvrant des chemins, nerveux, veineux, entre la tête et la main, entre le cœur le cerveau… La «narration autobiographique» glissant, dérivant, en tous sens, entre le passé et le présent (dans l’espoir d’une futurition)… Il n’y a peut-être au fond, quand on écrit, quand on lit, que du présent ou plutôt du «rendu présent» (La recherche du temps perdu à appréhender en tant que suite organisée de relevés établis par un sismographe du présent qui aurait compris que la linéarité n’est en rien une solution). Et il ne faut jamais oublier que le corps a son mot à dire sur ce que la tête commande. Explorer la tête, c’est aussi le mettre en branle : lui redonnant ainsi sa liberté, ce qui lui permet de «dire» que ce que la tête n’entend pas, ce que «l’esprit» est bien incapable de retenir.

Avec le «simple» usage des mots, les choses sont déjà problématiques. Dès lors qu’on s’intéresse à des domaines où plusieurs «langages» sont employés, parfois de manière étrangement imbriquée, elles se complexifient. En bande dessinée, par exemple : ce «mix» d’images et de textes, solidaires, inextricables, qui invente — qui ne cesse d’inventer : rien n’est encore définitivement établi, aujourd’hui — un langage encore moins transparent que celui dont nous usons en toute ingénuité dans les échanges de la vie courante. Et à l’arrivée, c’est une chance, et peut-être même la chance dont la bande dessinée peut tirer profit pour affirmer sa force — majeure (n’en déplaise aux philosophes de salon dont la seule recherche est celle de la lumière des projecteurs). L’invention formelle en bande dessinée, la transformation, en son langage spécifique, non borné, de cette tambouille intime faite de ce que l’auteur(e) a retenu, plus ou moins consciemment, c’est-à-dire plus ou moins volontairement (mais, comme on le sait bien, les choses se passent surtout inconsciemment), de son parcours terrestre, nous offre quelque chose d’autre que le vague espoir de faire passer un prétendu message : un mode d’écriture, donc de vie. Plus les choses sont difficiles, voire impossibles, à transcrire, moins on aura — du moins pour qui a cette lucidité — la tentation de se complaire. C’est pourquoi la bande dessinée a fini par devenir un espace éminemment concret pour témoigner de ce qui reste d’un vécu présent dans la chair, inscrit sur la peau et qui circule dans les veines d’un narrateur potentiel. En ce sens, Carnation, le dernier livre du trop rare Xavier Mussat, est une merveille inattendue qui a, entre autres, le mérite de repenser tous les problèmes que je viens à peine d’aborder.

Que l’on ne s’imagine pas que je vais commencer par résumer en quelques mots[5] ce que ce livre nous offre à la fois de neuf, de particulier, et d’universel, autrement dit : l’histoire, exemplaire ou non, d’un tel, en ses œuvres, en ses amours, projeté par la magie du médium sur le devant de la scène. Il me semble préférable de partir en rapportant le plus fidèlement possible la parole de l’auteur (que l’éditeur a trouvé utile — et c’est une chance pour nous — d’enregistrer et de transcrire). Voici : «Il y a plusieurs types de représentation dans Carnation. L’introspection consiste en une sorte de monologue impossible à mettre en scène de manière classique, on ne peut dessiner platement ce qui est pensé et dit, il faut alors employer des métaphores, ou plutôt des images concepts. Je préfère cette définition d’ailleurs. L’image concept doit contenir son propre sens, son propre pouvoir narratif. J’en use régulièrement pour les potentialités de ces images en poupées russes. Elles contraignent parfois à une lecture en deux temps. Le sens de ce qui est montré et de ce qui est dit est produit par une superposition de niveaux de lecture et de compréhension.»[6] Comme tout ceci est délicieusement deleuzien ! Et quelle avancée depuis le credo initial d’ego comme x que Jean-Christophe Menu, dans son beau texte introductif, résume ainsi : en 1994, il s’agissait alors de faire «la première revue à s’affirmer au contenu purement autobiographique et à rejeter toute fiction». Xavier Mussat est d’ailleurs le premier à reconnaître les limites de ce projet collectif : «je suis issu d’un courant de la bande dessinée qui avait décrété une sorte de supériorité du récit autobiographique par rapport au récit inventé — constat que je trouve bien simpliste aujourd’hui, et qui ne rend pas hommage à l’effort d’invention permanent qu’entraîne toute démarche autobiographique.» À la page 235 de son ouvrage, soit 12 pages avant la fin, il écrit clairement : «Le vœu pieu d’une autobiographie juste me semble chimérique. La fictionnalisation est inévitable.»

Carnation est aux antipodes de cet acte de foi naïf qui fut sans doute nécessaire, il y a vingt ans, pour avancer sur un terrain encore peu exploré et semé de trappes. Et on notera le surgissement rapide, dans la réponse de Mussat à Benoît Mouchart, du mot impossible, le seul ou presque qui fasse sens !

Alors comment appréhender ce livre sans tomber dans les pièges qu’il tend au lecteur pressé (et notamment aux journalistes qui n’ont jamais le temps de relire et qui se contentent généralement, en champions du credo de la transparence du langage, de leurs premières impressions) ? Le sujet de Carnation, c’est peut-être le temps. Celui qui passe, qui est passé, qui s’est déposé, qui a matérialisé les transformations, non seulement de l’âme (celle qui a mal — au sens où mélancolie se définissait jadis en tant que «mal de l’âme»), mais aussi du corps, et notamment de la main. Rien de plus enchanteur qu’un livre qui a demandé des années d’élaboration plus ou moins incertaine, avec combien ( ?) de reprises de l’ouvrage sur le métier et où les premières pages et les dernières ne semblent pas exactement de la même main (même si cette autre est, bien entendu, la même, mais qui manifesterait clairement les signes du vécu de cette longue traversée)… Qui lit ce livre, même en deux ou trois heures, peut saisir quelque chose de l’ordre d’une évolution, d’un changement très sensible, dans ce qui a demandé entre le sixième et le dixième d’une vie. Sismographie de ce fameux temps perdu (j’y reviens)… Ce qui implique de porter une attention extrême aux tremblements, aux failles, à tout ce qui dessine «une vie d’homme», comme aurait pu dire Dominique Fourcade[7] (Michel Leiris parlait, lui, d’Âge d’homme et de Règle du jeu — entendre : du «je» — et cela marche aussi, et de la même manière, ou quasiment, au féminin).

Ce qui compte dans cette démarche dite autobiographique n’est pas tant que le récit puisse paraître vrai, attesté, vérifiable, tel un rapport de police ou d’autopsie, mais plutôt que la relation de l’image aux mots crée quelque chose d’autre qui fasse revivre, selon l’émergence d’une forme nouvelle, les traces, souvent insaisissables, de ce qui fut. On ne dira pas : il s’est passé ceci ou cela, mais : cela aura été. Cela implique l’invention d’un style, d’une écriture particulière, identifiable même si hantée par le souvenir d’écritures autres, qui est la seule énonciation possible d’une «vérité»[8]. Donc de reconnaître avec lucidité que, même partant du plus profond de soi, l’on crée de l’artifice. Car il s’agit là, encore et toujours, d’une histoire de fantômes. Bref, pour le redire une troisième fois (et ce que je vous dis trois fois est vrai — Lewis Carroll) : l’impossibilité de toute transcription linéaire (où tout raccorderait sans heurt) d’un «vécu» est sujet et moteur de l’autobiographie ; une autobiographie réussie ne peut être que celle qui pense cet impossible.

Je me demande cependant, au fur et à mesure que ma lecture avance, comment cela s’est passé dans la tête du narrateur/sujet quand il travaillait matériellement ces traces, ou survivances, d’un passé pas encore inaccessible (les jeunes années : cette virée sans fin et en tous sens dans l’espace-temps où l’on s’accroche parfois à l’idée d’atteindre un jour ce qu’on entend, classiquement, par maturité). Que se passait-t-il en lui à chaque signe tracé de sa main sur le papier ? Et en quoi cela témoignait-il d’un mouvement plus ou moins heurté entre souvenir, pensée, critique et invention ? Car, si cela n’a pas lieu, si la main n’est pas reliée au cerveau (donc au cœur qui l’irrigue), rien d’essentiel ne se produit : on en reste au stade de la confession maladroite, du vain étalage pour se faire valoir. Chez Xavier Mussat, quelque chose d’autre se passe, d’étrange et pourtant de très commun (c’est dans ce rapport entre la norme et le hors norme, entre quiétude et inquiétude, apaisement et agitation sans fin, que ça agit ; que s’inscrivent sur le papier les conditions échange avec qui lit).

Dans son introduction à Carnation, Jean-Christophe Menu affirme que «la bande dessinée est bien le futur lieu du « je » complet», ce qui est façon de dire que le langage verbal ne suffit pas, et l’image seule non plus, qu’il faut les deux, et qu’il faut même produire des courts-circuits entre les deux pour atteindre une forme de «complétude» sans doute illusoire, mais nécessaire pour avancer. Cela rejoint une idée très frappante de Peter Handke qu’on pourrait résumer ainsi : il faut louer les illusions, même si elles sont faites pour être déçues, en ce sens «qu’elles nous mettent en chemin». Menu ajoute que Carnation «est un livre qui revient de loin, de très loin». Partant de quelque chose, une intention sans doute au départ encore assez naïve, il atteint peu à peu une forme d’abstraction qui permet de tout dire : faire passer, non pas un message, mais des traces, des sensations, des émotions, ce qui survit envers et contre tout — soit l’essentiel de ce que la vie peut accorder comme forme possible de dépôt sur le papier.

Le titre même, Carnation, en dehors des échos qu’il peut provoquer chez ceux qui ont vu Tarnation, le film de Jonathan Caouette (fausse piste ? Même si elle peut s’avérer ni plus, ni moins, mauvaise qu’une autre), ou de cette tentation de placer «in» devant pour pouvoir s’aventurer côté incarnation, m’a fait songer au concept d’autobiogre qu’a forgé dans les années 1970 l’écrivain Hubert Lucot pour un livre[9] qui se voulait une sorte de journal écrit au jour le jour où «chaque mot frappe» au plus près de son «sujet» («l’autre», soit une femme aimée, comme par hasard…). Cela commence quasiment ainsi : «19 mars 75 : L’ai-je dévorée ?» Et quelques pages plus tard : «La dévoré-je ?» (et un peu plus loin : «Le présent comme je tire la chasse»). Livre impossible à raconter où il ne s’agit pas, selon lui, de «réduire» les traits, mais plutôt de les peindre, donc d’inventer les conditions matérielles d’une impossible représentation. A.M., morte depuis, reste encore et toujours à peindre : c’est cela, vivre, pour un écrivain ; et tant qu’il reste un souffle, ça n’en finit pas. L’autobiogre dévore sans répit, se nourrit de tout ce que le souvenir fait remonter à la surface. Ne cesse de reprendre la plume, le pinceau, tout ce qu’il trouve à sa portée pour tracer des jambages, des graphies, sachant par expérience, la seule qui vaille : celle de l’écriture, que c’est cela le «sujet» — l’autobiographie ne racontant rien d’autre que la recherche d’artifices qui tiennent autrement que par convention, sachant que l’impossibilité de raccorder les choses en une continuité sensible impose de retravailler à l’infini ce discontinu qui tend l’écriture comme un arc.

Du discontinu, de l’hétérogène, de l’hybridation stylistique, il n’y a que ça dans ce livre. L’héroïne majeure, celle qui possède des yeux de manga et dont je ne donnerai pas le nom (qui est avant tout un prénom), au sujet de qui le regret ne cesse de prendre d’innombrables formes, hantise éblouissante, même si elle devient parfois aussi fugitive qu’une fumée, est associée à cette ville d’Angoulême où les choses se passent — ville que le narrateur a dû quitter, mais qui revient sans cesse comme réalité ineffaçable. L’esprit des lieux est un des sujets de Carnation qui est un livre aux multiples entrées. Et cette oscillation entre ce qui fait «BD» ou manga et ce qui s’en échappe, entre la bonne histoire qui va prendre le lecteur par la main et ce monologue ininterrompu, intelligent et sensible, qui peut le perdre en chemin, fait le prix de ce qui aura demandé le plus précieux à un auteur : du temps non mesuré.

Je ne sais pas si, pour Xavier Mussat, avoir mis un terme à Carnation en le publiant aujourd’hui, c’est en avoir fini avec tout ce qui l’a hanté et continue sans doute de le hanter. Les derniers mots du livre sont : «Et je pars délesté comme on choisit de se taire.» Refermant le livre, la lectrice, le lecteur, reste alors sans voix, tout autant délesté(e) d’un surplus de poids qui pourrait l’empêcher de respirer, le regard ragaillardi par la traversée d’un ouvrage entièrement tendu par un profond et irrépressible désir de témoigner de cette impossibilité, non de faire, mais de mettre un point final à une expérience qui n’a de sens qu’en se confondant — qu’en se confrontant — avec la vie.[10]

Notes

  1. L’ascension de la bande dessinée, dans 9e Art n°11 (repris dans Avis d’orage en fin de journée, L’Association).
  2. Stock, 2011.
  3. Même si quelques auteurs de grande valeur disent s’accorder avec ce mot, leur œuvre s’aventure bien au-delà d’une simple inscription en un genre. De la mode de l’autofiction, ne restera finalement que ce qui s’avérera indémodable.
  4. «Le réel, c’est ce qui revient toujours» — Jean-Claude Montel (dans un entretien pour France Culture avec l’auteur de cette chronique). À rapprocher avec : «La réalité, c’est ce qui, quand on cesse d’y croire, ne s’en va pas» — Philip K. Dick, Comment construire un univers qui ne tombe pas en morceaux au bout de deux jours.
  5. Il y avait dans le temps (c’est peut-être toujours aujourd’hui le cas) un exercice donnant de précieux points au bac qui consistait à résumer un livre en une ou deux pages. Ça ne pouvait marcher qu’avec de mauvais livres, ceux qui ne font que suivre l’intention de départ de l’auteur. Un sketch des Monty Python se moque de ça (sous forme de jeu télévisé où l’on demande aux candidats de résumer oralement la Recherche de Proust en moins d’une minute).
  6. In «Réponses à des questions de Benoît Mouchart», éditeur avisé de Carnation, dans le dossier de presse du livre (qui comprend aussi des notes d’introduction par Jean-Christophe Menu).
  7. Une vie d’homme est un livre de jeunesse du poète Dominique Fourcade dont il est intéressant, dans ce cadre, de relever que son dernier livre paru à ce jour s’intitule Manque
  8. Entre guillemets, tant ce mot est difficile à employer. Marguerite Duras disait qu’on ne le trouverait nulle part dans ses écrits. Au moment de mettre le point final à cette chronique, je découvre dans Libé un entretien récent avec Xavier Mussat où je relève ceci : «Le mensonge le plus fort dans l’autobiographie est d’aborder le réel sous l’angle de la vérité». C’est pourquoi je dis «une» et non «la», et mets des guillemets. Quant au mot «vrai», Carroll, comme rapporté un peu plus loin, nous a dit comment en user («ce que je vous dis trois fois est vrai»). À la suite de quoi Gertrude Stein, reine de la tautologie, pourra écrire ce monostiche impeccable : «une rose est une rose est une rose» (qui est l’énonciation minimale et parfaite d’une vérité).
  9. Autobiogre d’A.M.75, reparu récemment dans la collection de poche de P.O.L.
  10. J’arrête là, même si Xavier Mussat aurait le droit de m’en vouloir de n’avoir pas analysé davantage la force de son trait ou d’avoir passé sous silence les diverses intrigues de son livre, mais je pense que le travail dit «critique» n’est surtout pas de pré-mâcher celui du lecteur. Son but est d’ouvrir quelques pistes. Et de reprendre sans cesse la route, comme si le sentiment de ne jamais pouvoir en finir nous offrait le plaisir (un sacré luxe, soit dit en passant) d’une forme de fraternité…
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Dossier de en juin 2014