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Alex (Jeremiah t.15)

de

Notes de (re)lecture

Une scène récurrente dans les Jeremiah

Il faudrait le vérifier par une étude exhaustive, mais dans mon souvenir, quel que soit l’épisode de la série Jeremiah, il y a toujours une séquence dans laquelle Jeremiah ou Kurdy, prennent la défense d’un faible, en proie à un ou plusieurs agresseurs qui cherchent à l’intimider ou à l’humilier. La scène se passe généralement en ville ; l’agressé est un inconnu pour le lecteur comme pour les héros ; les agresseurs sont soit les futurs «méchants» à combattre, soit des parias, des voyous qui croient en leur impunité du fait de l’absence d’autorité. Dans le premier cas, l’incident va déclencher l’ire des puissants (mafia, famille dominante, secte…) ; dans le deuxième cas, il va conduire Jeremiah et Kurdy à s’impliquer auprès de victimes (individus ou groupe) qu’il faudra défendre ; dans tous les cas, les agresseurs ne s’attendent pas à l’aptitude au combat et la ténacité de Jeremiah ou de Kurdy.

La récurrence de cette figure est certainement due à son efficacité narrative (rien de tel pour entrer dans le vif du sujet) et à la jouissance facile qu’elle procure systématiquement (au lecteur mâle, du moins…)

Une autre scène récurrente

Une autre scène reparaît fréquemment dans les histoires de Jeremiah : à un stade plus avancé du récit, Kurdy et Jeremiah font état de leur désaccord quant à l’évaluation de leur implication dans les évènements en cours ou à venir. L’un (en général Jeremiah) estime qu’il n’est plus possible de se retirer et qu’il faut aller au bout de l’engagement ; il croit porter une responsabilité morale liée à son rôle dans le déclenchement de la crise : son acte (altruiste) du début du récit détermine ses actions à venir. Pour l’autre (en général Kurdy), il est encore possible de quitter le jeu, en laissant les évènements suivre leur cours fatal. Son intervention à un moment de la crise répondait à un enjeu intérieur (l’honneur intérieur, au sens que donne à ces termes William Vollmann) mais n’avait pas de valeur d’engagement dans une situation.

Forte proximité avec Lucky Luke

La première scène citée ici rappelle des scènes similaires vues dans les albums de Lucky Luke. Et à y bien regarder, on constate que c’est l’ensemble de la structure narrative type des Jeremiah qui entretient des similitudes fortes avec celle de nombreux épisodes de Lucky Luke. Les points communs les plus flagrants sont les suivants :

1 – Arrivée dans une ville inconnue (sur une monture, cheval ou moto)

2 – Intervention spontanée dans le jeu d’acteurs (scène récurrente de premier type)

3 – Prise de connaissance d’une situation inhumaine ou insupportable

4 – Résolution de la situation par punition ou rédemption des méchants

5 – Départ vers le soleil couchant….

J’insiste sur l’ordre 2 et 3 : Les héros n’interviennent pas au nom d’un ordre général à rétablir dans une communauté humaine (supprimer la corruption, par exemple) ; ils réagissent spontanément à une injustice vécue par un individu et dont ils sont témoins. Et c’est cet acte spontané qui déclenche leur prise de connaissance d’un ordre social dérangé et qui détermine ensuite leur implication (voir le deuxième type de scène récurrente) dans la transformation du système social.

Un Lucky Luke dédoublé

La différence évidente avec Lucky Luke est bien sûr qu’ici, le personnage de héros est dédoublé dans deux figures inséparables et indissociables mais représentant deux polarités du même héros.

Jeremiah est porteur d’une idée de justice forte et est très sensible à l’injustice. Il est viril et se bat bien, il est aussi habile aux armes, il est engagé et impulsif.

Kurdy est indépendant, moqueur et provocateur. Il entretient plus de distance avec les questions sociales et les difficultés des autres humains. Dans son apparence, il est plus féminin (il est fréquemment travesti), il parle à sa monture…

Si on rassemble ces caractères, ne voit on pas apparaître la figure de Lucky Luke ?

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Chroniqué par en mai 2013