Un Américain en balade

Après le merveilleux Good-bye, Chunky Rice, après le monumental Blankets, sans doute l’une des œuvres les plus marquantes de l’année dernière, il va sans dire que l’on guettait le nouveau Craig Thompson. Mais dès la première page de ce Carnet de Voyage, l’auteur nous prévient : ce n’est pas là «the Next Book», c’est seulement un à-côté, un projet buissonnier, juste un petit en-cas pour nous faire patienter.

Mais cette première note est trompeuse. Et ce qui n’est annoncé que comme «a simple travel diary», se révèle être une invitation au voyage, emporté par les qualités de narrateur — et l’immense talent graphique — de Craig Thompson. Au gré des pages, on part avec lui à la découverte, tout d’abord en France dans le cadre d’une tournée promotionelle pour Blankets, avant de passer trois semaines en repérage à la découverte du Maroc, et de revenir en France pour boucler la boucle.
Il y a là un peu de tout : des moments «people» en compagnie de Blutch ou de Trondheim ; le dépaysement touristique, avec paysages et personnages locaux délicatement croqués par la plume de Craig Thompson ; mais surtout, il y a cette proximité avec l’auteur, au fil de ses étonnements, ses émerveillements, mais aussi de ses moments de solitude et de tristesse. Loin d’être une simple succession d’images, on s’embarque ici pour un voyage très personnel, tout en sensibilité.

Le seul défaut que l’on pourrait trouver à ce livre, c’est la manière abrupte dont il se termine. Alors que l’on se trouve emporté par la magie du trait et avide de poursuivre la suite des tribulations géographiques et amoureuses de l’auteur, voici que l’aventure tourne court. Et Craig Thompson de nous informer, page 220, que son éditeur a décidé de publier ce carnet, et qu’il ne lui accorde que 224 pages, d’où une conclusion pour le moins expéditive … qui laisse le lecteur un rien frustré.
Mais gardons espoir. En effet, la première page de ce recueil porte, en petit au-dessus du nom de l’auteur, «Travel Journal Volume One». Il ne nous reste donc plus qu’à nous armer de patience, en attendant … «the Next Carnet».