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Le Blog du Cap’tain @robase

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Capture d’écranNouvelle mode : éditer les blogs. Le blog, par définition, est une création électronique, dont le support naturel est l’écran (enfin, l’écran et tout ce qui va derrière, du serveur aux neurones en passant par les doigts et le clavier). Disons que l’intérêt de la chose est à première vue d’être disponible en ligne, d’être fugitif, ponctuel, soumis aux sautes d’humeur de l’auteur, extrêmement réactif, et surtout : pas imprimé.
Donc, éditer un blog, c’est le sortir de son support naturel pour en faire des pages imprimées, qu’on colle (d’un seul côté, sinon on ne peut plus le lire), et qu’on enrobe d’une jolie couverture, chose absolument impossible en ligne.
Le malaise, c’est qu’il n’y a que deux possibilités : ou bien le blog s’adapte parfaitement à la publication papier, mais alors, comme l’atteste le célèbre exemple de Frantico, on nourrit le soupçon que la mise en ligne n’était qu’un pis-aller en attendant l’impression, seule véritable forme définitive des pages proposées, qui n’étaient au fond qu’en stand-by sur un serveur, dans l’attente de l’éditeur aux yeux perçants (et aux dents longues) qui saurait dénicher la perle.
Autre possibilité : le blog est strictement impubliable dans une collection de bande dessinée, parce que son format est trop radicalement éloigné de ce que peut faire un éditeur de bande dessinée ; dans ce cas, une édition papier dénaturerait au contraire la vivacité, la fugacité, l’humour léger propre au blog. Exemple : le blog d’Alain Juppé.

Entre les deux, il y a Le blog du Cap’tain @robase. Mêlant petites cases et petits textes, bulles et légendes, crobards griffonés et dessins plus léchés, Le blog du Cap’tain @robase offre une sorte de chromo de l’humeur de son auteur, dans lequel une galerie d’improbables extraterrestres aux yeux globuleux vient commenter l’actualité politique et médiatique de mai à septembre 2005.
Objet visuel non identifié, le résultat mérite le papier, parce qu’il est manifestement fait pour être feuilleté : on passe sur trois pages faiblardes, on rigole dix minutes devant une satire bien sentie, on rêvasse sur deux ou trois citations de philosophes allemands, etc.

Résultat ? La lecture n’est pas désagréable (encore que la reliure hyper-dure empêche de bien ouvrir le livre à plat, et comme c’est un tout petit poche on lit un peu en biais, mais bon). Mais on garde une impression mitigée. Ces choses-là sont décidément infiniment périssables.
A quoi ça rimera, dans un an, ou deux, ou dix ? Est-ce qu’on rouvrira ces livres-là ? Est-ce qu’on se souviendra des événements qui rendent aujourd’hui ces pages «actuelles» ? Est-ce que ça vaut la peine de pérenniser et de patrimonialiser et d’imprimer et d’ihèssebéhènnifier les légères divagations vachardes, aussi agiles et déroutantes soient-elles, qui avaient d’abord été conçues pour se volatiliser à la lecture ?
Bref : est-ce que ça méritait un livre ?

Site officiel de Mosquito
Chroniqué par en février 2006