Daredevil/Batman

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Marvel France a une collection spéciale crossover qui s’appelle « Marvel crossover » ce qui est explicite reconnaissons-le !
Cette collection est donc un « carrefour » où peuvent s’affronter les héros des différentes maisons d’édition (Marvel vs D.C., Marvel vs Image, Marvel vs Casterman, Marvel vs Elvifrance, etc …).
Ces affrontements sont bien entendu d’une égalité comercialo-juridique remarquable, et les contraintes pour les auteurs tellement énormes que l’on s’étonne qu’elles n’aient pas été retenues par Groensteen pour l’OuBaPo.
Si artistiquement c’est souvent d’une stérilité affligeante, il ne doit pas en être de même commercialement car ces genres d’âneries ne cessent de se multiplier. Marvel et D.C. ont même été jusqu’à fusionner certains de leurs héros, et le résultat obtenu fait ainsi l’objet d’un comix édité en commun ! (Pourvu qu’ils n’imaginent pas les aventures de Batdevil ou Dareman ! ! ! ! ! ! !)

Au-delà de toute cette réalité bassement « in dollar we trust » y’a des surprises des fois !
Dans le troisième numéro du Marvel Crossover sorti en juillet 97, on peut donc déplorer l’affrontage Silver Surfer/Superman et admirer l’affrontement Daredevil/Batman.
Le premier est une grosse merde insipide (quoi que pour moi la merde reste forcément insipide puisque je n’en ai jamais goûté – expérience qui par ailleurs ne me manque pas du tout !)
Mais le second est lui par contre fortement recommandé à l’usage de vos yeux et ce qu’il y a derrière (ou de votre oeil si vous êtes hélas borgne comme « le pur celte » roi au royaume des aveugles).
« Daredevil et Batman étant à jamais deux héros Milleriens d’une profondeur absolue, ils ne pouvaient qu’être source de chef-d’oeuvres, même sous contrainte » me direz-vous.
« Mais encore fallait-il trouver des artistes … » vous répondrai-je.
Ce qui fut heureusement trouvé et fait avec le duo magique Chichester/Mc Daniel.

Rappelez-vous ! Ceux-ci nous avaient déjà enchanté il y a deux ans avec le rhabillage réussi de Daredevil dans Renaissance (deux tomes chez Sémic), avec L’arbre de la connaissance (Spécial Strange n&ord ;100 à 104, où DD affronte des cyber-méchants avec une alliée malgré elle appelée Sinclair-spectrum (les adeptes de la micro des 80’s auront compris l’allusion)), et les racines du mal (exploration psychologique réussie et stylisée d’Elektra le bel amour de tête à cornes (en 1 volume chez Sémic)).

Avec ce crossover ils se jouent des contraintes avec malice, et mélangent merveilleusement contrastes et points communs entre Daredevil et Batman (entre le super-héros riche et le super-héros pauvre par exemple …).
La cerise de ce beau gâteau étant d’avoir fait du très méchant (et très connu) Pile ou Face (alias, ou plutôt de profil gauche : Harvey Dent) un ami de fac de droit de Matt Murdock. A l’époque le jeune Harvey Dent surpassait même le génie du droit qu’était déjà le jeune Matt.
Et c’est aussi chouette que ça tout au long du scénario, une dualité infinie, fractalisé !, baignant dans une ambiance complexe et informatique chère à Chichester. Les pages de McDaniel amplifient le scénario tout en laissant éclater la maturité d’un style qui a commencé à émerger lentement dans Renaissance. Et au détour des pages ravissement et béatitude !

J’ajoute pour prolonger cette béatitude frère lecteur et soeur lectrice (mon amour) que le duo : Chichester/McDaniel est aussi le père du nouveau Green Goblin (le bouffon vert) qui hante en français et actuellement la revue Marvel (hautement recommandée) dans les numéros d’avril et juin 97.

Chroniqué par en août 1997