Fantasmagorie

de

Ce livre recueille quinze ans de dessins de Prado, de 1984 à 1999. C’est un régal. Comme y insiste Douvry dans sa préface, Prado est une sorte de Pessoa du dessin, qui pourrait signer sous des noms différents tous ses dessins, tant il maîtrise de techniques et d’atmosphères diverses. De l’aquarelle au fusain, du pastel à la gouache, tout réussit à Prado, ou plutôt Prado réussit à tout : on retrouve toujours ses couleurs incroyables, son sens du volume et de la profondeur, son rendu des corps et des visages humains.

Prado possède la science de la situation : la posture des personnages, la composition des décors, le placement des détails, le choix du point de vue. Tout cela concourt à faire de Fantasmagorie une véritable promenade dans la palette du dessinateur galicien, une promenade qui donne envie de rouvrir ses albums.

Mais Fantasmagorie est plus qu’un simple joli recueil, qui permettrait aux fans de collectionner les couvertures de romans, les esquisses pour l’animation, ou les cartes postales de son héros. Fantasmagorie rend évidente une intuition que l’on a déjà quand on lit les albums de Prado : il y a chez cet auteur l’unité d’une oeuvre, construite et forte. Prado construit des mythologies du quotidien, de petites fenêtres ouvertes sur le dérapage merveilleux, des portes fantastiques nichées dans le détail d’un immeuble, le violet d’un ciel, ou la lumière d’un portrait.
Un autre hispanophone, Alejo Carpentier, ami de Breton et des surréalistes, avait dans les années 30 fixé le programme d’une littérature sud-américaine à bâtir : il s’agissait alors de développer un « réalisme merveilleux » destiné à humaniser le continent sud-américain en le couvrant d’un tissu de légendes, de romans et d’histoires qui allaient, dans l’imagination collective, se déposer sur les paysages comme un fin tissu de récits. C’est ce réalisme merveilleux que suit Prado, enchantant les images les plus simples, les coins de rue, les levers de soleil sur Madrid, les fauteuils de velours rouge dans les bibliothèques.

Un regret cependant : rien, dans ce recueil, ne vient rappeler les premiers albums noir et blanc (Demain les dauphins ou Stratos). En revanche, on finit sur une série d’images pas très belles, créées pour la série d’animation Watchers of the Milky Way. J’aurais préféré que ces travaux sans grand intérêt laissent la place à quelques noir et blanc plus anciens. C’est subjectif. C’est comme ça.

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Chroniqué par en janvier 2000