Ferme 54

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Ce sera une décennie comme d’autres, où des corps changent, où la vie impose ses devoirs. Ferme 54 est en Israël. Et comme il y a trois dates — 1981, 1983 et 1989 — ce sera forcément, en ces terres aussi vieilles que l’Histoire, un peu avant, un peu après ou entre un conflit au Nord et une révolte par les pierres.

Mais pendant cela la vie continue, elle donne et prend sans que les hommes interviennent, ou inversement persistent en leurs conflits, qu’ils soient individuels ou collectifs.
Accident, et c’est un enfant qui meurt, un chien allant mourir dans une cave.
Lui, et c’est l’amour qui émerge, un flot de sensations qui se découvrent, un autre autre à connaître.
Eux, et c’est moi avec, parmi, contre et une maison à détruire.
Le pire avec le meilleur donc, pour ne pas s’habituer au dernier ou pour ne pas qu’il perde sa valeur. Tout a une fin, mais un début aussi, pas plus simple, pas moins désagréable parfois. Vivre sera donner la vie et la voir se perdre, la prendre et la voir persister.

Ce livre est fort de cette certitude de vivre et d’être vivant, sur un chemin sans fin car sans réponses. On y prend le temps pour ce qu’il est, support d’instants où le sens, le perçu est quelque chose à partager dans la mémoire ou la volonté d’oublier.
Au gré des pages, une sensualité surprenante, dérangeante, s’impose d’une poétique d’images et de mots à la rythmique savante, discrète et immersive où l’anecdote, le détail, acquièrent une force rare, partie d’un tout téléologique qui ne peut être pensé, mais qui, peut-être paradoxalement, donne sens, valeur et bonheurs.
L’horizontalité de ce qui se dessine entre le blanc et la monochromie violette, est à l’échelle des deux yeux, assoie une allure et un regard, lui donne le rôle pour pénétrer ces vies dans la vie, surgissant d’un passé dans notre présent en lecture.

La part autobiographique se décèle quelle que soit son importance. Elle est là, distille son évidence, sa proximité, comme une forme de chaleur humaine proche, d’intimité d’une parole chuchotée, qui ancre le récit dans la vérité d’un point de vue, d’un témoignage quoiqu’il sera dit et/ou montré. Elle participe à son sujet, imbibition vitale dans le contraste de journées aux limites du temps, des jours et du regards.
Un livre remarquable de justesse, certainement une des plus belles lecture de l’année.

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Chroniqué par en septembre 2008