Francis cherche l’Amour
On avait eu Francis, blaireau farceur. On s’était régalé. On avait eu Francis veut mourir. On avait continué à se régaler, en se disant in petto que décidément les deux Raynal étaient peut-être bien parmi les meilleurs faiseurs de strips français. On se disait que c’était fini, la pochade Francis n’avait eu qu’un temps, et que ses auteurs se consacraient à autre chose. Snif.
Eh bien non. Francis revient, et cette fois-ci il cherche l’amour. Le principe est toujours le même, un strip par double page, deux fois trois cases par strips, quasiment aucun dialogue, tout le texte tient dans les bandeaux explicatifs.
La prouesse est la même, plus sensible encore que dans les deux premiers : contracter une histoire complète en six cases, avec une double contrainte (la première case représente obligatoirement un blaireau en train de gambader dans les prés en faisant « hop », avec comme commentaire « Francis se promène dans la campagne », et la deuxième case commence obligatoirement par « soudain »).
Et ça marche. « Soudain », il arrive n’importe quoi (en rapport avec l’amour, hein). Et ce n’importe quoi est le début d’une histoire.
On distingue d’ailleurs dans chaque strip des similitudes de construction : d’abord on a une ouverture, toujours la même. Ensuite, un élément déclencheur intervient grâce à ce « soudain ». Puis les attitudes des différents personnages se déterminent en fonction de cet événement. Enfin le strip trouve une « morale » dans la dernière case.
La liberté des auteurs consiste à décréter que primo, l’événement déclencheur peut avoir n’importe quelle durée (« soudain, Francis vit une quantité d’histoires d’amour étalées sur trente ans ») ; secundo, les attitudes des personnages peuvent être délibérément non représentables, cassant le jeu entre un élément narratif et son illustration (« comme cette situation lui est intolérable, Francis s’active à voir des problèmes là où il n’y en a pas ») ; et tertio, la morale est pratiquement toujours déceptive (« Dix ans plus tard, ça continue, mais rien n’a bougé »).
Le résultat est simple : on se retrouve embarqué dans un survol imprévisible de l’existence de Francis, chaque case pouvant résumer des années de vie de blaireau. Les amours de Francis, en s’affranchissant de toute unité de temps et de toute exigence d’illustration, sont autant de démonstrations absurdes, de syllogismes sans queue ni tête. Et la simplicité du dessin, presque enfantin, ajoute à cette désinvolture ricanante.
Mais si les anti-modèles que constituent tous les strips sont aussi forts, c’est que leur non-sens logique décrit des comportements très bien « attrapés » psychologiquement. Francis est absurde parce que les histoires en général le sont : thèse, antithèse, malaise.
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