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Des Méduses plein la Tête

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Au moment où 6 Pieds sous terre annonce le lancement d’une série d’adptations du Poulpe en bande dessinée, en partenariat avec Baleine, il est amusant de voir débarquer dans les bacs un polar qui est justement costruit comme un Poulpe.

Scénarisé par Patrick Pécherot, qui a déjà signé deux romans à la Série Noire, Des Méduses plein la tête est un polar vu du côté des bandits : un taulard amnésique, abandonné 6 ans plus tôt par ses complices à l’issue d’un hold-up qui tourne mal, sort de prison et regagne sa ville d’origine, où, bien sûr, il recroisera son ancienne bande. Mais où est passé l’inévitable magot ?

Sur cette base ultra-classique, Pécherot construit une histoire à la fois glauque et légère, mêlant des dérapages oniriques à un road movie de série B. Le dessin de Pourquié, qui rappelle fortement Chauzy ou Dumontheuil, est parfaitement adapté à l’ambiance, et servi par une mise en couleur acide et bilieuse (ocres électriques, bleus traînants, verts bilieux) qui accentue sans cesse l’ambiance froide et sordide.
Les personnages prennent vie et s’animent très vite, faisant oublier quelques maladresses de construction (ça va un tout petit trop vite pour être honnête, et certaines ellipses cassent un rythme lent assez séduisant au début).

A l’arrivée, on a un polar qui se lit d’une traite, sans ennui et sans temps morts. Ce n’est pas forcément un chef d’oeuvre, mais, pour un coup d’essai, c’est prometteur.

[Loleck|signature]

Mon nom c’est Marco. J’suis pas du genre à fabuler, ni à taquiner du goulot dans les troquets. J’suis pas un ange non plus, j’en ai fait des conneries. Mais là, ça dépasse tout. Un ange gardien, là, sur l’affiche, qui me parle du Sidère Space ! Mais ça me revient maintenant. C’est à cause des flics, après leur passage à tabac. J’ai vu comme un trou noir. Pis des genres de méduses qui flottaient dans un grand calme. Putain j’ai eu le stress ! Je suis resté là, planté comme un con toute la nuit. C’est après que j’ai retrouvé Nadège et qu’on s’est barré à la recherche des statuettes. Pas facile de les retrouver, mais Saint Marco me file un coup de main.

Voilà un premier album original et bien monté qui va ravir ceux qui veulent sortir des classiques autoroutes de l’édition pour flâner sur quelques chemins de campagne. Des méduses plein la tête nous offre un bon moment de détente, avec un graphisme original en couleur directe, un scénario bien ficelé de série noire, et une bonne dose de talent pour faire collaborer les deux. Jeff Pourquié, le dessinateur, sait donner de la dynamique à ses planches. A la croisé d’un Will Eisner et d’un Blutch, ses personnages gardent leur expressivité à travers un trait léger. La mise en couleur joue avec les profondeurs ou la netteté pour accentuer ou adoucir notre regard, le regard des personnages.
Quant à l’histoire, c’est une attachante virée à la recherche d’un univers oublié. Une sale histoire, un beau polar.

[François|signature]

Site officiel de Casterman
Chroniqué par en janvier 2001