Nosferatu

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Warning ! Warning ! Ami lecteur, lectrice mon amour, les lignes qui vont suivre, ont été soumises au débat dans l’arène du frab en mars 99 et ensuite communiquées au scénariste Jean-Marc Lofficier, auteur de l’album visé.
Il en est sorti que cet article d’impression de lecture était d’humeur et n’avait pas pris en compte le fait que cet album s’inscrivait comme deuxième volume d’une trilogie et que le Jessie Bi n’avait pas révisé assez son expressionnisme cinématographique, ni sa batmanologie. Alors ! Pour que l’information soit plus juste, le référentiel plus explicite, la batmanologie plus bat et que l’humeur devienne humour n’hésite pas à cliquer du mus musculus (souris commune) sur cette adresse : un article en anglais de S. Bissette dessinateur de Swamp Thing !
Mais après avoir lu la chose coupable (ou innocente) ci-dessous, of course ! ! ! ! ! ! !

D’abord, cet album fait partie de la collection Elseworld, ce n’est pas un cross-over, ni un trucmuche vs bidulechouette. C’est une sorte de what if mais qui ne fonctionne pas en interne aux mythes super-héroïques eux-mêmes, mais plutôt aux créateurs de mythes (super héroïques ou pas).
Oui, c’est incroyable, c’est aux E. U. le pays de l’ultralibéralisme, mais c’est bien une collection sur la vision que peut avoir un auteur d’un super-héros et de sa mythologie. Une sorte d’inversion des habitudes, quoi ! On est chez D.C., alors bien évidemment le mythe sera Bat-Man (cétéça ou Superman !). Et puis, moins évidemment c’est Ted McKeever[1] qui s’y colle.
À du9, on aime bien l’auteur. Alors, on se précipite, on feuillette ? Ouah, couleurs directes ! ?, puis on achète. Le style de McKeever est unique et il hante de sa manière expressionniste (non seulement cinématographique et/mais aussi picturale) le monde des comics depuis une bonne dizaine d’années.
Aaaaahhhh ! Plastic Fork ![2] Aaaaaahhh ! Metropole ! etc.

Il faut avouer ami lecteur, lectrice mon amour que cette joie s’était quelque peu émoussée ces derniers temps. Très, très bof par exemple ce Toxic Gumbo, l’album de l’année dernière. Et cette année ?
Pareil, hélas. Après lecture : grosse déception !
(Fin d’un mythe ?)
Dans cet album, il a rencontré un couple (ou un binôme ?) de scénaristes qui visiblement l’a encouragé à dévoiler ses références jusqu’à en devenir fadasse. Vous verrez donc la tour de Métropolis, les grandes mains du Nosferatu de Murnau, les ombres des fenêtres aux perspectives malmenées, et encore d’autres références à n’en plus finir au Cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene.
C’est trop évident et ça ratisse aussi large dans le clin d’oeil référentiel qu’une publicité pour bagnole. c’est dire !
Ajoutons que le style graphique de McKeever est dans l’impossibilité de rendre crédible un super-héros aussi positif. Quand Superman intervient, on a l’impression qu’il porte un caleçon long mal coupé comme (un) Superdupont et qu’il sort du lit. Si l’histoire tablait sur le registre de l’humour, cela aurait été sans problèmes. Mais ici, ça n’est pas le cas, le registre est noir, gothique, sombre. Du moins, c’est ce que les scénaristes aimeraient … Car l’histoire est ultra-mince, Bruce Wayne-Son perd ses amis (qui sont tous des sons de quelqu’un de connu dans le world D.C. pas else) à cause du cabinet du Dr Arkham (sic) qui héberge l’homme qui rit (comprendre le Joker et pas le personnage de Victor Hugo).
Alors grosse colère du Bruce (non mais), et puis vengeance. Et comme c’est le fils de son père (i.e. un peu comme et un peu plus que) il se doit d’assumer le côté sombre du Dark Knight (pas comme papa), et se présente sous la forme de Nosferatu. Oui c’est pas finaud, finaud, et la psychologie des personnages est vraiment au raz des pâquerettes (charmantes fleurs au demeurant).
Sans compter que pour le gars Nosfé cela implique la perte des deux canines ! On ne peut pas être héros et continuer à prendre les jolis cous de la gent féminine pour des fontaines à globules rouges. Faut pas déconner !

Et c’est peut-être pour ça que ça cloche dans ce livre. Trop de sérieux finalement, et perte de goût (artistique) à cause d’un scénario hyper médiocre, scieur de canines, révérenciel plus que référentiel.
A faire la révérence McKeever perd son statut de maître. D’autant qu’il n’a pu compenser par ses images. Travaillant en couleurs directes, il a été obligé à un certain schématisme dû à la technique. Les images sont belles, mais sans la finesse de traits qu’elles peuvent avoir quand elles sont uniquement à l’encre. McKeever a surtout essayé de créer une atmosphère et y est presque parvenu. Ses bleu-gris sont vraiment magnifiques, par exemple.[3] Resteront donc les images de McKeever, à défaut de relire l’album on pourra le refeuilleter pour une promenade purement visuelle mais mélancolique !
Vous voici avisé !

Notes

  1. Quoiqu’en terme de contrat ça le devient tout de suite (évident), non ?
  2. Pourquoi personne ne traduit du McKeever en France !
  3. Car l’expressionnisme de McKeever n’est pas issue que du cinématographique. Il vient aussi et surtout du pictural, et là on peut penser aux paysages nocturnes et urbains des années 10 de peintres comme Kirchner, Kokoschka, et surtout Meidner.
Chroniqué par en avril 1999