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La Nouvelle Bande Dessinée

de

(entretiens avec Blain, Blutch, David B., Dupuy & Berberian, Guibert, Rabaté et Sfar)

Le titre vous les cite, la couverture vous les montre, tout étonnés du lieu qui les consacre en mettant leur art aux cimaises. Sont-ils nouveaux ? Portent-il la bonne nouvelle bande dessinée ?
Eventuelle polémique mise à part d’un intitulé qui en vaut bien d’autres, les auteurs entretenus sont bien neuf (un bon chiffre !), tous croqués par Trondheim qui, lui, préférera le silence et la loquacité de son oeuvre, bien à l’abri derrière son pseudonyme de ville au septentrion.

Au-delà des questions qui composent les entretiens sur une structure relativement semblable, plusieurs points communs apparaissent dans cette génération d’artistes nés entre la fin des années 50 et la première moitié des années 70 :
– Un rapport au dessin vital.
– L’envie d’écrire et de raconter avec le dessin.
– Une volonté d’être auteurs de bande dessinée depuis l’enfance pour la quasi-totalité d’entre eux.
– Un goût pour la culture affirmé et pas uniquement centré sur la bande dessinée.
– L’absence de la sensation frustrante de faire un cinéma de papier, pour ne pas dire du pauvre.

Tous ces auteurs sont très lucides sur leur art et ses qualités. Il est frappant de voir la différence avec d’autres entretiens d’auteurs de générations précédentes. Ici, il n’est pas, non plus, question « d’artisanat », « d’arrivé par hasard » dans ce métier, ou de pseudonyme pour préserver une éventuelle carrière plus «Beaux-Arts ».

Ces « neuf » montrent aussi qu’ils connaissent bien l’histoire de la bande dessinée. Ils ne l’abordent surtout pas par la magie d’une virtuosité graphique ou la cohérence fondatrice d’un imaginaire ayant scellé d’émotion leur enfance ou leur adolescence. Ils n’ont d’ailleurs pas forcément lu énormément de bandes dessinées dans leur jeunesse. Leur filiation ce fait d’abord par le désir de raconter avec la bande dessinée. Le reste est relativement secondaire.

La nouveauté de cette génération ne tient pas qu’a son appréhension du médium, mais peut être aussi à son hétérogénéité de style et de caractères. Dayez par son approche multiple arrive à rendre cohérente cette hétérogénéité, et étends cette cohérence aux auteurs eux même. Ce dernier point est particulièrement visible chez Emmanuel Guibert et Joann Sfar. La virtuosité et la multiplicité stylistique extraordinaire du premier, et le foisonnement productif de l’univers merveilleusement étourdissant du second, apparaissent dans leur entretien comme répondant à des démarches profondes, dont l’une à su s’enrichir d’un échec fondateur et l’autre s’enraciner dès l’enfance.

La valeur de ce livre est d’abord documentaire (nombreux dessins, planches, croquis préparatoires, etc. le plus souvent inédits). Dayez, par ces multiples voix,[1] ne fait pas une étude ou un bilan. Il instruit le lecteur, expose autrement, rendant indispensable son ouvrage à toute personne s’intéressant et voulant développer la lecture des albums d’une génération d’artistes.

Notes

  1. L’auteur avait déjà fait la preuve de son procédé dans un précédent livre intitulé Le duel Tintin-Spirou, lui aussi merveilleusement instructif pour saisir à la fois l’identité de deux « écoles » et de plusieurs générations d’artistes.
Chroniqué par en février 2003