Les Rhumes

de

Entre tempérament et substances, un petit livre pour dire par la bonne humeur les mauvaises, celles désignées comme rhumes, qui encombrent parfois le cerveau mais plus certainement les muqueuses enfiévrées de l’appareil respiratoire, dans un chaud par le froid qui fait enchifrener, renifler, moucher voire tousser en un déluge sonore semblant proportionnel aux mucosités secrétées.
Car oui, étymologiquement un rhume est un «écoulement des humeurs», alors quoi de mieux que la panacée de l’humour pour que ces humeurs puissent s’écouler plus rapidement ou pour le moins être évitées ?

André François fait donc un livre préventif, donnant à voir aux morveux (ici forcément de tous âges) cette maladie commune sous les aspects d’une étrange créature «qui s’attrape facilement», puisqu’il y a toujours comme chacun sait «énormément de rhumes» chaque année. Un raisonnement par l’absurde pour certains, mais pas moins logique que d’avoir une poussée de température intérieure par une baisse de celle extérieure. Dans les deux cas, c’est cette bestiole qui s’attrape.
Du coup les questions fuseront : pourquoi les rhumes vivent-ils encore alors que les mammouths ont disparu ? Y-a-t’il différentes sortes de rhumes ? D’où viennent-ils ? Rhume des foins, rhume de cerveau, sont-ce les mêmes bêtes ? Etc.

Autant de questions auxquelles répondra le docteur François, aidé en cela par ce quasi microscope qu’est ici le dessin. Ainsi, les rhumes, leur rhumanie originelle, seront rendus visibles par les traits et l’encre noire, en des silhouettes à grands jus écoulé d’un pinceau et de la force d’un geste qui n’ont rien avoir avec les giclées d’un éternuement.[1]
Les mots et expressions de tous les jours attachées aux bébêtes «rhumaines» seront le fil de la recherche, la colonne vertébrale d’un raisonnement irraisonnable pour comprendre le commun, pour ne pas dire le domestique,[2] de cette maladie. Le livre s’offre ainsi comme un bouillon d’humour qui vaut bien au final celui de culture dans une boîte de Pétri, où l’on a trouvé tant de remèdes.

Les Rhumes fut initialement publié en 1966, dans le cadre d’une campagne publicitaire des laboratoires Beaufour. Au-delà de l’immense talent du regretté André François (1915-2005), on y reconnait aussi celui de Robert Delpire, éditeur et publicitaire (à l’époque),[3] pratiquant cette dernière comme une contrainte oulipienne pour initier des affiches mémorables, ou un livre comme celui-ci qui n’est l’est pas moins.
Dans notre époque enrhumée où beaucoup semblent à la recherche du «grand bougeoir»[4] la réédition de ce petit livre est, à défaut d’une potion, au moins un petit miracle dévoilant une époque, une liberté d’auteur renouvelée et en recherche, mais aussi la jeunesse et l’entregent créatif d’un éditeur. En quelque sorte, une invitation espiègle et badine à se soigner, à respirer à nouveau, à ne pas être «terrassé par un mauvais rhume».

Notes

  1. André François fait un beau bestiaire des différents rhumes. Seul « le rhume de culotte» n’aura pas été dessiné. Si l’on peut le comprendre puisqu’il s’agit d’un livre tout public, on ne peut cependant, au vu de l’humour inventif de l’auteur, s’empêcher avec amusement de le regretter aussi.
  2. Comme pour les animaux domestiques, «il ne leur manque que la parole». Alors évidement, à un «r» près qui plus est, ces bestioles «rhumaines» si famillières sont, ma bonne dame, bien plus humaine que certains humains.
  3. Voir l’entretien de Robert Delpire sur le site Ricochet.
  4. Je fais référence à ce joli livre d’Olivier Douzou, intitulé Le nez, librement inspiré de la nouvelle de Gogol et publié en 2006.
Site officiel de Delpire
Chroniqué par en juin 2011