Rough

de

A première vue, Rough semble être un mix entre deux genres populaires au Japon, le manga de sport et la comédie romantique. Tout les ingrédients y sont réunis : la compétition, même si le sport choisi est plutôt original, puisqu’il s’agit ici de nage libre et de plongeon ; et les amours contrariées d’Ami et de Keisuke, héritiers malgré eux d’une haine familliale empruntée à Roméo et Juliette.
Ayant choisi la natation comme toile de fond de ce récit, Adachi Mitsuru avait tous les ingrédients pour nous noyer sous le spectaculaire : compétitions surdramatisées à côté desquelles la course de chars de Ben Hur n’est qu’une dispute de cour de récréation, intrusions répétées dans les vestiaires des filles avec vues plongeantes sur des anatomies aussi généreuses que dévêtues …

A la place, on trouve une retenue très juste et un récit tout en subtilité. Jouant d’une narration par ellipse et maîtrisant à la perfection les séquences muettes ouvrant chaque chapitre, Adachi Mitsuru décrit avec finesse les relations entre des personnages humains et réalistes. On pourrait presque accuser l’auteur de s’être lancé dans le défi inverse : réussir à raconter une histoire prenante tout en condamnant le spectaculaire au hors-champ, pour mieux se concentrer sur les émotions.
Mais ici encore, pas d’artifices grossiers, pas de voix-off venant explorer en long et en large les interrogations des personnages. Seul le dessin, simple mais terriblement expressif, vient retranscrire les conflits intérieurs et les jeux de regards.
Pourtant, il ne faudrait pas croire que l’on s’ennuie à la lecture de Rough. Adachi sait souvent être três drôle, faisant du lecteur son complice lorsqu’il s’amuse à glisser des références à sa propre oeuvre, voire-même à l’histoire en cours. On verra ainsi Keisuke, manifestement peu intéressé, rendre à un Adachi timide le premier volume de Rough après en avoir feuilleté quelques pages.

On pourrait continuer à parler de Rough en termes élogieux et dityrhambiques, dégainant les métaphores faciles et les comparaisons flatteuses. Mais ce serait sans doute faire insulte à l’auteur, qui tout au long de cette (courte) saga de quelques 2400 pages, s’ingénie à éviter la facilité des artifices, pour ne garder qu’une narration intelligente et subtile.

Site officiel de Glénat (Manga)
Chroniqué par en mai 2001