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Spider-Man : The Manga

de

Au milieu des années 70 la Marvel Comics décide d’introduire ses produits sur le marché porteur du pays où le soleil se lève.[1] Mais la Marvel se ramassa méchamment (et pour le coup fut vraiment comics !), car ses super héros firent un flop chez les nippons.
Les amerloques le prirent quand même sereinement et n’envoyèrent ni le Terry de Milton Caniff, ni Enola Gay (La preuve que l’on peut ne pas faire deux fois la même connerie, il y a donc peut-être un espoir ( ?)).
Le responsable Marvel Japan de l’époque, un certain Tom Brevoort, se posa donc des questions et par conséquent se devait de trouver des réponses rapidement sinon il était viré (n’oublions pas que la Marvel se surnomme la boite à idée, la honte ne pouvait donc durer plus longtemps !).

Alors Tom Brevoort, tel un ermite acculé dans le désert découvrit une vérité sémiologique universelle comme d’autres découvrent le fil à couper le beurre : «Right now, I realize there are huge differences in understanding, simply because what words mean in one culture they dont necessarily mean in another».[2]
Réinventer sans en avoir l’air la bipolarité signifiant/signifié entre le comic et la manga dans un pays du yang et du yin, permis à Brevoort de se sentir mieux dans ses Saussure … pardon chaussures, et ainsi de faire de fructueuses rencontres. Il sut qu’il fallait produire localement et à la norme locale.

Résultat une bande dessinée très instructive pour le (la) bédéphile sachant lire au-delà des cases. La comparaison devenant évidente, les différences mangas/comics le deviennent aussi. Ainsi vous irez plus loin, à l’essentiel des deux genres. Vous en apprendrez plus en lisant ces fascicules qu’en vous farcissant des dizaines d’ouvrages arides de spécialistes spécialisés (et un peu spécial je dois dire …).
Graphiquement on découvre qu’Ikégami (l’auteur de Crying Freeman, Mai the psychic girl, et Sanctuary) n’a pas toujours eu ce dessin merveilleusement surréel (et sensuel) que nous lui connaissons. Là son style est celui du débutant ; typiquement 70’s, il enchantera ceux et celles ayant vu un certain robot géant affronter les forces de Véga à grands coups de fulguropoings.
Le scénario est relativement classique, l’intérêt est que tout y est transposé. L’histoire se passe au Japon et Peter Parker s’appelle désormais Yu Komori, un lycéen qui a une correspondante (équivalent à Mary Jane ?) qui s’appelle Rumiko Shiraishi dont le frère se révélera être le super vilain Electro.

Tout le plaisir vient de cette transposition qui fait mieux apparaître la dimension essentiellement mythique des comics super-héroïques.
Cette dimension mythique Ikégami en a (et en avait peut être, dans les 70’s ?) conscience quand il a fait la couverture de la réédition Spider-Man Manga au Japon il y a quelques années (1994 ou 95 je crois..( ?))
Cette couverture est reprise sur le n°4 de l’édition amerloque. Spider-Man y ressemble à un kouros antique habillé d’un collant. Plus exactement à un kouros mythique revisité, en particulier au David de Michel-Ange qui au lieu d’avoir la main à l’épaule et la tête de côté, vous regarde bien en face, les deux bras dirigés vers le bas, une rose dans la main droite.

Les questions fusent : Au Japon, la renaissance des mythes super héroïques au travers de nouveau canon ? On pense à l’influence actuelle de la mythologie mangas (les méchants par ex.) sur les comics. Simple mouvement pendulaire ? Après guerre, Tezuka influencé par l’esthétique disnéenne (Disney-haine !) mettra au point tout le vocabulaire de la manga contemporaine. Juste retour des choses ?
Spider-man manga : un dialogue et des questions (beaucoup) entre le neuvième art de l’Extrême-Orient (Far East) et celui d’Extrême-Occident (Far West).

Notes

  1. Ce qui est entre guillemet est de la novlangue.
  2. Extrait de la postface de Tom Brevoort : «On the origins of Spider-Man Manga», in Spider-Man : The Manga, n°1 Déc. 97, pp. 47-48.
Chroniqué par en juillet 1997