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Steven (#1) Presents Dumpy

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Au départ, Steven Presents Dumpy ressemble à un cradzin misérabiliste racontant des histoires de clochards et de décharge publique dans un dessin hâtif et plein de hachures sauvages. Graphiquement, c’est en fait plus maîtrisé : Doug Allen pratique un trait qui rappelle Hunt Emerson, mais avec plus de liberté, moins de lissage, et une puissance expressive qui se paye au prix de la propreté de l’encrage. Mais ce qui pourrait passer pour un exercice de punkitude appliqué se révèle rapidement abriter un redoutable piège.

Derrière la façade néo-punk (les planches des « punk animals » des 2è et 3è de couv sont un régal), Doug Allen cultive un sens de l’absurde très new yorkais, qui rappellerait presque Woody Allen. Il construit sa galerie de monstres (Steven et Brock, les Drinking Cactus, Dumpy) en enchâssant les unes dans les autres les histoires courtes : Steven, dessiné par Doug Allen, croise Dumpy, signé Pants, ainsi que les strips racontant les comentaires des éditeurs fictifs de ces deux strips, auxquels il faut ajouter tous les strips consacrés à des personnages apparemment secondaires de la ménagerie.

Au total, une succession d’histoires en une demi-planche, absurdes, noires, sales, échevelées. Steven et Brock passent le plus clair de leur temps à enterrer vivants leurs amis, que Bunny, serveuse du bistrot du coin, déterre patiemment, tandis que les Drinking cactus se saoûlent au bar et que Dumpy, collectionneur de déchets, récupère les planches de leurs cercueils.

Le tout déborde d’idées, toutes plus délirantes les unes que les autres. Allen semble les exécuter en un clin d’oeil, au fur et à mesure qu’elles lui viennent à l’esprit. Je ne parierais pas qu’il ne boit que de l’eau, mais j’ai hâte de lire la suite, pour voir combien de temps il peut tenir avec cette pelote d’histoires désarticulées et sordides. Leur accumulation finit en effet par dessiner une étrange cohérence : il y a un monde qui se tisse peu à peu derrière l’apparente désorganisation des récits, un monde décrit au vitriol par Doug Allen et qui, parfois, au détour d’un strip, se révèle au fond assez proche du nôtre.

Site officiel de Doug Allen
Chroniqué par en juin 1999