Tank Girl

de &

Notes de (re)lecture

Punk ?

Par la présentation générale et par bien d’autres aspects, Tank Girl relève évidemment de ce qu’on peut qualifier d’esthétique punk ou rock :

Au delà des multiples références et de la publication originale en fanzine, cette empreinte se détecte aussi dans la forme même de la bande dessinée : des histoires courtes et denses comme les petites bombes d’Elastica ou des Pixies ; des planches toutes en déséquilibres (cases penchées, forte prévalence des lignes obliques, verticalité marquée de nombreuses planches), peu soucieuses d’académisme (pas de gaufrier, confusion des sens de lecture…) et fondées sur un double principe :

– l’occupation maximale de l’espace (absence d’espace intericonique, dessins en fond de page sur lesquels s’ajoutent les cases

– la progression narrative à marche forcée (aucune situation stable et durable, pas de pause dans le récit)

Cela rappelle évidemment deux caractéristiques de la musique punk rock : des morceaux fondés sur la dynamique et l’urgence (rapidité du tempo, impression de dévalement) et sur une intention de volume sonore élevé et d’emplissage de l’espace par le son.

Pas punk ?

Et on en arrive au dessin… et tout change

Le dessin de Jamie Hewlett est en partie contradictoire avec cette esthétique d’ensemble : on s’attend à un dessin lui aussi marqué par la rapidité d’exécution, l’urgence. On s’attend presque à ce que Jamie Hewlett se soit emparé d’un crayon avec la même spontanéité maladroite que les premiers punks ont empoigné leurs guitares mal accordées, avec la même énergie brouillonne.

Or, le dessin de Jamie Hewlett est très précis, toujours bien en place : pas de défaut de perspective, un grand détail de certaines parties, une capacité à simplifier de façon très élégante quand c’est nécessaire, des personnages toujours bien proportionnés, typés et reconnaissables, un sens aigu de l’accessoire et du costume, et un personnage de jeune femme traité avec une très grande sensualité, au delà de son apparence de guerrière punk.

Un punk virtuose ?

Il me semble que Tank Girl trouve son attrait dans ce décalage entre une forme générale marquée par l’urgence, le coté brouillon (je n’ai pas parlé des histoires elles-mêmes… qui sont plutôt du coté brouillon), la recherche d’impact et la découverte d’un dessin soigné, précis et juste.

Comme si Jimmy Page tenait la lead guitar des Buzzcocks.

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Chroniqué par en octobre 2013