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Voyage en tête de gondole

de

La « bande dessinée du réel » a envahi les rayons. Ce terme sous-tend une mode éditoriale manifestement porteuse sur le plan économique, et permet aux paresseux de labelliser une quantité de travaux très différents les uns des autres, allant du simple témoignage à l’adaptation de bouquins de sociologie, des carnets de voyage, des biographies, enfin bref l’auscultation sans fard du monde comme il va.

XXI et La Revue dessinée en ont fait leur programme, Futuropolis et la Boîte à bulles un fonds de commerce. D’autres exploitent plus marginalement le filon en attendant d’en trouver un autre mais la rédaction de Fluide glacial, qui depuis quarante ans suit la même ligne gentiment satirique et n’a même jamais révisé la graphie de son titre élaborée par Gotlib, semblait préservée par nature. Aussi peut-on s’étonner de cette publication, une incursion à portée documentaire dans les réserves d’un hypermarché Leclerc venue d’on ne sait où (enfin si : d’Alsace).

S’étonner puis se réjouir, car nous voilà bien loin de l’ennui et du moralisme qui collent aux pages des ouvrages édifiants. La satire est bien présente derrière la description truculente (et bienveillante) du monde ouvrier au travail, mise en perspective par un exposé plutôt clair sur les méthodes de la grande distribution façon Leclerc. Gestes répétitifs adoptés pendant quelques mois par le jeune narrateur en sa qualité de « stagiaire » de moins en moins ingénu, auteur en devenir qui pendant ses pauses, lisait peut-être Fluide glacial pour trouver le bon trait et le juste rythme. Et une maison d’édition.

[Texte initialement publié sur le site de l’excellente librairie Contrebandes, à Toulon]

Site officiel de Fluide Glacial
Chroniqué par en janvier 2017