Le Collectif des Créatrices de Bande Dessinée Contre le Sexisme

de

Naissance et structuration d’une communauté sororale ou consœurie corporatiste ?

Les autrices[1] de bande dessinée sont diverses, uniques, singulières, et néanmoins liées par des facteurs extérieurs dont elles ne peuvent se dépouiller entièrement. Toutefois, elles sont les premières à sous-évaluer les mécanismes de discriminations qui les cernent, voire à choisir de les nier, par crainte d’y être irrémédiablement associées et essentialisées. Les inégalités et violences structurelles qu’elles subissent toutes, composent un large éventail : agressions sexuelles, abus de pouvoir genré, plafond de verre, invisibilisation objective et statistique dans le monde éditorial et médiatique, dépréciation de leur production, assignation à un genre littéraire — pouvant au mieux représenter une opportunité pour certains à les employer comme caution féminine/féministe tout en leur refusant la capacité à être universelles — ad lib.
Un commun irréfragable qu’elles éprouvent.
La naissance du Collectif des Créatrices de Bande Dessinée Contre le Sexisme en 2015, est la conséquence directe de ce préalable et de cette expérience vécue par toutes. Les autrices se sont ralliées et mobilisées par nécessité[2]. Se structurer massivement[3] était leur seule alternative pour affronter la domination masculine structurelle liée à leur univers professionnel. Le Collectif[4] devint un groupe de pression lors d’événements précis. Il a permis de fédérer, s’emparant d’opportunités constituées suite à diverses bévues et autres inepties misogynes du monde du 9e Art. Les autrices sont parvenues à publiciser avec efficience et force, leurs revendications et actions. Par ailleurs, le Collectif a contribué comme interface, à protéger certaines de ses membres lors d’attaques ou menaces individuelles.
Nonobstant, notre étude souhaite ouvrir le champ de la réflexion sur un impensé des actions du Collectif  : les signataires de la Charte[5] s’inscrivent-elles dans une démarche idéologique de sororité, ou leur apparentage ne serait qu’une alliance de circonstance afin de lutter au mieux contre l’assujettissement de leur groupe social ? Existe-t-il un possible malentendu ontologique — organisation féministe ou professionnelle — gravé dans le socle de construction du Collectif, et le cas échéant est-il dépassable et assimilable ? En outre, ce groupe social est-il une réalité attestée ou un assemblage artificiel, une pragmatique fatalité, plus expressément la communauté des autrices de bande dessinée précède-t-elle l’existence du Collectif et la convergence de ses membres, ou est-elle l’émanation de leur coordination ?

Les pionnières

Pour élaborer une réflexion synoptique sur la pertinence et la portée du Collectif, il nous apparaît indispensable en tout premier lieu de rappeler les luttes antérieures. Il serait bien imprudent d’imaginer que les autrices se seraient soudainement réveillées et soulevées en 2015 à la suite d’une prise de conscience brutale et ce, sans prémices. En effet, les actions des femmes dans le domaine de la BD sont pluri-décennales. Mais jusqu’alors, les justes exaspérations, soulignées et articulées lors d’appels pourtant vivaces et enlevés, ont invariablement été étouffées. Il est impérieux aujourd’hui de prendre acte que tous les prérequis étaient remplis et assimilés. Cependant ils souffrirent de n’avoir pas été répertoriés, transcrits et historisés. Le temps de la lutte n’est pas propice à l’inscription dans la postérité et à l’écriture de la future mémoire. La manifestation d’invisibilisation s’en trouve accentuée lorsqu’elle est accompagnée d’un manque d’intérêt des pairs et d’une absence de relais médiatique et institutionnel. Ces écueils massifs percutent les actes de révolte.
Le premier des obstacles fut la matérialité numérique. L’ultra minorité de genre des autrices professionnalisées et/ou perçues comme telles avant les années 2000, a été le fertile terreau de leur oubli. Un facilitateur de leur mise au placard et de leur isolement. Elles n’avaient que peu la capacité objective de se lier concrètement, si nous prenons en compte leur dissémination. Cela ne conteste pas qu’elles aient pu en éprouver le besoin et le désir. Mais il est évident — qu’il s’agisse de leurs individualités ou de la force politique autonome qu’elles auraient pu représenter — qu’elles furent soit à la merci de leurs confrères et dans l’obligation « de jouer le jeu » pour survivre, soit tout simplement écartées des espaces de pouvoir dont ces mêmes collègues masculins bénéficiaient. Les autrices furent ostracisées et beaucoup de travailleuses de la bande dessinée — petites mains de compagnons auteurs, d’éditeurs — ont tout simplement sombré dans l’indifférente amnésie collective de leur reconnaissance.
Revenons aux luttes actives. Qui se souvient encore aujourd’hui du Manifeste de 1985[6] ? Où et par qui a été précieusement conservée la trace écrite — la mention, le souvenir, l’affaire racontée, le récit de la lutte — du coup de poing qu’il fut alors ?

VOICI le texte du Manifeste publié par Nicole Claveloux (auteur de BD), Florence Cestac (auteur et éditeur), Chantal Montellier (auteur) et Jeanne Puchol (auteur). Ce texte a reçu le soutien d’Arnaud de la Croix (romancier, critique de BD), Roger Dadoum (critique), Frank (scénariste de BD), Thierry Groensteen (rédacteur en chef des Cahiers de la bande dessinée), Daniel Hughes (scénariste et critique), Bruno Lecigne (critique), Jacques de Pierpont (journaliste), Pierre Sterckx (directeur de l’école de recherches graphiques) et Anita Van Belle (écrivain et critique) :
Navrante cette soi-disant nouvelle presse percluse des plus vieux et des plus crasseux fantasmes machos.
Navrant de voir la plupart des journaux de bandes dessinées emboîter le pas, prendre le chemin réducteur de l’accroche-cul et de l’attrape-con.
De la « porno à quatre mains », au « strip-tease des copines », en passant par « l’étude comparative des lolitas », « le roi de la tripe », « les nouveaux esclaves », « les mange-merde », j’en passe, les talents se déploient, virils. Ils nous proposent d’accompagner « le grand capitaine Rommel » dans le souffle nouveau de l’aventure.
Rétro, humour fin de race, potins mondains-branchés, nostalgie coloniale, violence gratuite, poujadisme, sexe-con, fétichisme, sexisme et infantilisme sont à l’ordre du jour.
Parce que nous aimons certaines bandes dessinées, parce que nous souhaitons que les journaux soient au service des créateurs et pas des seuls marchands, parce que ces derniers réduisent chaque jour davantage la place accordée à la création au profit de l’uniformisation, nous avons voulu réagir, en souhaitant que cette lettre trouve un écho auprès des auteurs comme des lecteurs.[7]

Auparavant, une initiative — proposition certes insufflée par une motivation marchande puisque dans l’air du temps — à tout le moins gonflée et avec une renommée certaine et d’estime, ainsi qu’une prospérité non négligeable, est à mettre au crédit du magazine Ah ! Nana[8] (9 numéros parus entre octobre 1976 et septembre 1978). La maison d’édition des Humanoïdes Associés — dans une démarche mémorielle mais aussi par la grâce d’un marché prêt de nouveau à s’en emparer — a fait paraître un numéro spécial à la fin de l’année 2023. Nous pouvons, sans faire offense à personne, néanmoins interroger la pertinence réelle d’une telle démarche. Quel est le public au quart du XXIe siècle visé et acquis à une pareille tentative éditoriale, et par conséquent susceptible d’acheter ce fascicule ? Se le procurer, mue par une revendication militante, ou par curiosité, ou encore à la faveur d’une pulsion de collection et de plus-value numéraire ou affective de la part de ceux et celles qui en nombre, accumulent d’imposants volumes des productions en bande dessinée, est malgré tout insuffisant pour se remémorer et revivre le sulfureux et le courage qu’il a fallu au milieu des années 70′, pour éditer un tel magazine. La période artistique était à tout le moins vibrionnante et cette parution s’insérait dans le paysage et la droite ligne de publications telles que Le Torchon Brule, ou des Pétroleuses. Mais Ah ! Nana était précurseuse. La multiplication effervescente de ces titres n’avait pas encore été établie, et la qualité de fabrication de l’objet était en soi novatrice et avant-gardiste. Ah ! Nana n’était pas un fanzine, mais un magazine destiné à une diffusion large et populaire et posait les bases d’un débat qui secoue encore aujourd’hui le microcosme de la Bande Dessinée. Il s’agissait de ne plus « devoir assumer les phantasmes masculins déguisés en règle d’or de la presse[9] ». En outre, « Ah ! Nana aura permis de montrer le large panel des styles que peuvent élire les femmes auteures (sic) de bandes dessinées, et d’aller ainsi à l’encontre des idées reçues qui voudraient ignorer qu’il existe des bandes dessinées de femmes[10]. »

Une autre tribune notable — treize années après Navrant — est celle des Dessinatrices oubliées, produite et rédigée par Catherine Beaunez, Nicole Claveloux et Jeanne Puchol. Ces autrices lancent une alerte le 8 févier 1998, alerte relayée dans le journal Le Monde[11] au sujet de :

« […] l’invisibilisation des dessinatrices. Jeanne Puchol y expliquait que c’était « Chantal [Montellier] qui les avait contactées pour répondre à une sorte de sélection faite sur le monde de la BD durant les vingt-cinq dernières années où la seule autrice nommée était Bretécher » (2023). » Cette nouvelle prise de parole collective rendait compte d’une inquiétude commune, celle de leur survie dans un milieu qui les néglige, voire qui les exclut, plaçant ainsi ces femmes comme étant « une espèce également menacée », comme le précise la tribune dans Le Monde, en comparaison à l’extinction d’autres espèces du vivant. À ce moment-là, on ne peut pas encore parler d’une fédération de ces bédéastes, mais cette mise en lumière de la discrimination vécue par ces créatrices laisse comprendre qu’elles sont préoccupées par leur sort et qu’elles espèrent un changement.[12] »

Sans conteste, nous pouvons affirmer après examen de ces diverses productions militantes, que les autrices émergeant à partir des années 1990/2000 et enfourchant les luttes, sont les épigones des Claveloux, Montellier, Puchol, Cestac, etc. Même si elles n’en n’éprouvent ni la conscience, ni la reconnaissance, alors que certaines vont jusqu’à rejeter cet héritage. Les tentatives antérieures décrites ont été la source d’inspiration de la future réussite du Collectif. Sans qu’évidemment cela ne soit ni posé ni anticipé ni, encore aujourd’hui, véritablement acté.  À l’évidence, les estocades à partir des années 1970 ont instauré les conditions nécessaires pour l’explosion d’une catalyse, d’ampleur cette fois-ci.

Les années 2000, le renouveau et les bouillonnements pré-Collectif

À l’orée du XXIe siècle, la génération blog (tous genres confondus) émerge et les autrices se désinvisibilisent individuellement via les tous nouveaux forums de bande dessinée et autres espaces d’échanges numériques en plein essor. Parallèlement, à la fin de l’année 2005, quelques autrices — Chantal Montellier, Jeanne Puchol, Perrine Rouillon, Catherine Beaunez, Camila Patruno, Catherine Cazalé et Johanna Schipper — se réunissent IRL. Elles ambitionnent l’élaboration d’un site de critiques de bandes dessinées. Ce projet échafaudé aurait été conduit en non-mixité dans sa production de contenu : écrire et dessiner entre autrices, publier des recensions d’albums ou des articles de fond, plus longs et thématiques. En revanche, il était induit qu’en son sein auraient été traités sans distinction de genre, les travaux d’autrices et d’auteurs. Cette entreprise n’a pu aboutir. Cependant, elle a été la propédeutique incontestable à la naissance du Prix Artémisia, pérenne depuis sa genèse, tout en portant en lui un paradoxe. En effet, certaines autrices ont conçu dès l’origine d’Artémisia, une très vive opposition. Plusieurs d’entre elles ont veillé à bien affirmer qu’elles ne validaient pas le but de l’association et qu’elles n’éprouvaient aucune satisfaction à être les récipiendaires du Prix. Or, il est indiscutable qu’Artémisia a permis la mise en lumière d’autrices. Leurs albums de grande qualité — alors que l’invisibilisation structurelle était de mise — ont ainsi pu bénéficier d’un coup de projecteur médiatique, à tout le moins bienvenu. Et ce n’est en aucun cas injurier quiconque que de reconnaître l’instauration d’un début de rattrapage face au système. C’est faire bien mauvais procès au Prix que de l’accuser — tels les pires misogynes — de ne pas être le reflet du mérite des œuvres, mais de celui du genre. Ce dernier ne représente ici qu’un élément d’intégration et de distinction (terme que nous préférons à l’expression « discrimination positive » qui porte dans le langage commun un sens péjoratif, le neutralisant pour beaucoup comme force effective inattaquable). Car, le problème est bien l’organisation, non concertée, mais tant plurielle que diluée, qui génère une occultation préexistante. L’incapacité des médias à s’intéresser au travail des femmes (qui œuvrent en bande dessinée), est bousculée et mise à mal par Artémisia. Les éditeurs prennent acte de l’émergence de ce nouveau prix, qui bénéficie en outre de validations institutionnelles permettant d’aider à sa diffusion. Pragmatiquement, et par pur esprit d’opportunisme, les maisons d’éditions envoient au jury les livres de leurs autrices. L’association ne peut pas être taxée d’être un espace d’inégalité de traitement : c’est au contraire parce que le comportement sexiste et les dotations inégales de l’ensemble des prix dans le 9e Art sont la norme, qu’Artémisia a pu voir le jour. Inverser cause et conséquence n’est qu’un moyen de délégitimation. La valeur des autrices primées est tout aussi remarquable que celle de leurs collègues masculins. Mais — et nous y revenons — leur sous-représentation nuit à leurs carrières puisqu’elles ne sont pas parvenues à s’allier en nombre, avec un même objectif comme point de mire : créer une dynamique de prise d’espace collective : « Crée en 2007[13] et proclamé le 9 janvier, date anniversaire de la naissance de Simone de Beauvoir, le Prix Artémisia est ainsi nommé en référence à la grande artiste italienne de la Renaissance, Artémisia Gentileschi, la première femme répertoriée en tant que plasticienne dans l’histoire de l’art[14] ».

Être une Autrice : la naissance du Collectif des Créatrices de Bande Dessinée contre le Sexisme

Extrait de Petits travers, © Bretécher/Dargaud 2018

« Pour Johanna Schipper, cette trame de mobilisations des créatrices de BD [avant le Collectif des Créatrices de Bande Dessinée Contre le Sexisme] reste à contextualiser, car avant le Collectif, c’était « une histoire assez sporadique, mais avec des points d’accroche importants, nés de l’envie des femmes et des autrices de se fédérer, alors qu’elles étaient encore très peu nombreuses ».[15] »

En 2013, Lisa Mandel récolte les témoignages d’une trentaine d’autrices avec cette question centrale : qu’est-ce que cela fait d’être une femme dans la bande dessinée ? Puis en 2014, elle organise lors du Festival International de la Bande Dessinée (FIBD), à Angoulême, une table ronde intitulée « Les hommes et la BD ». Y participent les auteurs Florent Ruppert, Bastien Vivès, Franky Baloney et Jérôme Daviau[16]. Cet événement parodique a été l’un des éléments préexistants de la matrice du Collectif.
Mais tout se cristallise et s’accélère en 2015. Au printemps, le Centre Belge de la Bande Dessinée (CBBD) souhaite organiser une exposition. Jean-Claude de la Royère contacte et sollicite primitivement Jul Maroh, puis très rapidement Jeanne Puchol, le 10 avril. Il mentionne à cette dernière, en première intention, la conception d’un événement patrimonial de bande dessinée pour les filles. Ce mobile se transforme vite en une matière et un prétexte, plus explicites : « La BD des filles ».

« L’expo « La BD des filles » sera centré sur le thème des BD destinées aux filles, une vieille obsession des éditeurs de BD. Je compte diviser l’expo en trois parties : d’abord un historique des BD pour filles depuis Bécassine ou Rose Candide aux BD féministes militantes du mensuel « Ah ! Nana « , en passant par les magazines Line ou Girls ou les pockets « pour dames » des années 60-70. Ensuite, le corps central sera constitué des collections « girlies » actuelles, parfois très futiles, avec les blogueuses et les auteures en mal de maternité, très éloignées du féminisme militant des années 70-80. Et enfin, une dernière partie consacrée aux BD « tous genres » mais particulièrement plébiscitées par le public féminin. »
Jean-Claude de la Royère commissaire de la proposition d’exposition, prévue en juin 2016.

Perplexité. Ce court texte doit être envisagé ici, afin de recontextualiser et relire près d’une décennie plus tard, d’où nous partions. Il est la preuve formelle qui nous permet de mesurer à quel point, malgré la lenteur des luttes et des victoires, nous avons avancé et progressé.
Jul Maroh et Jeanne Puchol décident de contacter leur réseau de collègues autrices, toutes scandalisées et mortifiées. Lisa Mandel, Tanxxx, ainsi que Johanna Schipper ou encore Anne Baraou forment un premier noyau.
Le 20 avril 2015, 54 créatrices contactées les unes par les autres, se mobilisent pour la première fois de leur histoire — qu’elles sont donc en train d’écrire sans le savoir — et signent en commun un courriel envoyé au CBBD. De ce mouvement impulsé par Jul Maroh, naît l’idée de la création d’un Collectif. En effet, cette lettre soulève de nombreux points sur le réel systémique du sexisme en bande dessinée et, par voie de conséquence directe, ne peut rester isolée.
La première réunion IRL d’autrices du proto-Collectif a lieu à Paris le 21 avril. S’y retrouvent Jul Maroh, Lisa Mandel, Jeanne Puchol, Capucine, Sibylline Desmazières, Anne Teuf, Fanny Dalle-Rive, Claire Bouilhac, Virginie Augustin, Audrey Spiry, Anne Rouquette et Anne Baraou. Une autre entrevue s’opère en région, sous l’impulsion d’autrices de Nouvelle Aquitaine dynamiques dans les luttes féministes et en réseau déjà pré-existant. Laureline Matiussi convie chez elle Anne Baraou, Sandrine Revel, Marion Duclos, Johanna Schipper, Sarah Ayadi, Elise Dupeyrat, Marie Bardiaux-Vaïente et Jul Maroh. Cette après-midi-là, le nom du Collectif est choisi avant d’être proposé pour validation sur le forum en ligne, à toutes les participantes de ce mouvement.
C’est donc à Bordeaux, le 26 mai 2015, qu’a éclos le Collectif des Créatrices de Bande Dessinée Contre le Sexisme.

Des mails sont échangés au cours de l’été entre le CBBD et le Collectif, lequel en outre s’architecture : conception d’un site dédié (bdégalité.org[17]), élaboré par Jul Maroh secondé par Tanxxx et Mathilde Ramadier, mais aussi organisation libre par le refus majoritaire de se structurer en association, établissement d’une adresse mail dont Jul Maroh, Jeanne Puchol, Christelle Pécout et Marie Bardiaux-Vaïente deviennent les « factrices », écriture collective d’une Charte mobilisant de nombreuses autrices, qui par ailleurs continuent d’affluer en nombre.
Le mardi 8 septembre 2015, le site et la Charte sont mis en ligne, deux pages Facebook dédiées sont créées afin de promouvoir publiquement le Collectif tout en assurant un groupe privé sur cooptation, et dans lequel ne peuvent être invitées que les signataires de ladite Charte.
Des collègues auteurs commencent à faire entendre leurs voix choquées : et nous et nous et nous ?
Un débat interne au Collectif au cours du printemps était advenu, assez virulent, sur la présence ou l’absence des hommes. Bien que le sujet ait vite trouvé sa résolution, trois positions avaient été évoquées : la non-mixité ne devrait même pas être un débat ; l’inquiétude à ne pas être relayées et prise au sérieux si le Collectif ne s’associait pas des hommes ; enfin, pour certaines, la crainte d’une stigmatisation engendrée par la non-mixité[18]. Or, l’absence des hommes n’a rien freiné. C’est ainsi que dès le 9 septembre les médias s’emparent du sujet. Johanna Schipper intervient en direct sur France Info, pendant que Tanxxx est interviewée par Les Inrocks, alors qu’Anne Baraou donne la voix du Collectif au Figaro. Puis c’est au tour du magazine Elle ou encore de L’Huma de mettre en lumière cette interpellation des autrices françaises de bande dessinée. Il n’est plus envisageable de nier leur existence, d’autant que certaines bénéficient de positions médiatiques dont elles parviennent alors à tirer les fils. Suite à cet appel d’air sur les ondes et autres titres de Presse, le CBBD annule le projet d’exposition le 10 septembre. C’est la première victoire du Collectif parvenu à faire plier une institution.

Bruxelles, 09 09 2015
Communiqué de Jean Auquier, directeur général du Centre Belge de la Bande Dessinée.
Pour 2016, Le Centre Belge de la BD avait programmé une exposition sur la bande dessinée proposée aux filles. Cette exposition, baptisée d’une manière sans doute trop caricaturale « La BD des filles », voulait donner un aperçu de la bande dessinée créée spécifiquement pour le public féminin, de Bécassine jusqu’à ces dernières années. L’évolution de la bande dessinée et celle des mentalités y auraient été traitées côte à côte pour aboutir à l’art plus accompli d’aujourd’hui. Une sociologue spécialisée dans les études liées au genre avait été désignée comme co-commissaire, à côté de notre commissaire permanent, JC De La Royère. Le Centre Belge de la Bande Dessinée ignorait d’autant moins que ce sujet était sensible qu’il avait apporté son soutien inconditionnel aux propos tenus dans une tribune offerte en 1998 à Annie Pilloy, intitulée « Créatrice de BD, le péché originel ? Autopsie d’un malaise » (Préambulle n°34, p 3). On l’aura donc compris, avec « La BD des filles », jamais il ne s’est agi de faire un amalgame des sujets qui concernent la BD au féminin, ni côté création, ni côté lectrices, pas plus que nous ne souhaitions imposer un regard sur les auteures et auteurs exposés. Cependant, face à la mobilisation d’un certain nombre d’auteures et de l’incompréhension engendrée par la communication de notre projet, nous avons décidé de postposer cette exposition, afin de mieux en définir le propos, les objectifs… et le titre. Au CBBD nous croyons toujours qu’il s’agit d’un sujet passionnant, susceptible de toucher un public très large qui, grâce à notre exposition et aux œuvres qu’elle présentera, permettra de briser quelques barrières et de sensibiliser aux thèmes et problématiques relevés par les auteures actuelles. Les nouvelles dates de cette exposition repensée seront communiquées ultérieurement.
Jean Auquier,
Directeur général du Centre Belge de la Bande Dessinée.

Cette exposition ne verra jamais le jour, son report valut annulation.

La confirmation : le Collectif se consolide et devient un acteur incontournable dans le paysage de la BD francophone

Pendant ce temps, en interne, de vives discussions se donnent lieu sur le terme Autrice, « un des mots les plus laids que j’ai entendus[19] » …. La déconstruction devait commencer au sein même du groupe concerné, avant d’être en capacité de convaincre à l’extérieur… Le vocable gagne du terrain par l’usage, et Audrey Alwett[20] enfonce le clou par la publication d’un article, diffusant pour le médium BD des travaux qui fleurissent par ailleurs :

« Ce mot allait à l’encontre de l’histoire littéraire telle qu’on nous l’avait enseignée. Avec autrice, remontait à la surface une longue généalogie littéraire de femmes qui l’avaient porté, de lointaines devancières en qui puiser notre autorité et notre légitimité de créatrices. » stipule Aurore Evain[21], alors que Pierre Nocerino plus spécifiquement fait état d’une assimilation, d’un rapprochement de toutes, de la parole posée par une terminologie qu’elles s’associent : « La progressive affirmation du terme même « d’autrice » peut être vue comme un signe de l’affirmation d’un problème spécifique à ces professionnelles.[22] »

C’est une période de très grande activité[23] pour le Collectif. Les créatrices réalisent un tract sous forme de flyer, distribué par chacune, lors des festivals auxquels elles sont invitées à participer.

« Les tracts rédigés par les membres du Collectif BD-Égalité constituent des ressources matérielles dans ses tentatives d’information de tiers. Ces tracts deviennent alors des appuis à la victimisation (sic) : ils permettent d’exposer un problème (en l’occurrence le caractère sexiste de nombre de contenus produits en BD) et les responsabilités de divers acteurs (ici tous les membres du milieu de la BD qui encouragent la circulation de clichés sexistes dans les contenus des BD). Toutefois, […] ces supports matériels ne se suffisent pas en eux-mêmes : il est nécessaire, pour les auteurs et les autrices qui les distribuent, d’en accompagner la lecture et, éventuellement, d’essuyer des désaccords sur l’interprétation proposée par le tract.[24] »

Des liens de solidarité — de sororité — se développent, ainsi qu’un réseau professionnel considérable initié par les autrices. Après avoir éteint le feu de l’affaire du CBBD, la mobilisation au long cours, se construit. Elles inventent des outils, se contactent aussi par affinité, pour du travail. Elles se nourrissent les unes les autres tant au niveau professionnel, que sur les questions féministes avec de nombreux débats au sein du Collectif. Certaines quittent le regroupement, mais elles sont très minoritaires.
Le 3 novembre 2015, 180 autrices sont signataires de la Charte. Le 15 décembre, une délégation représentée par Jul Maroh, Florence Cestac, Marie Moinard, et Marie Bardiaux-Vaïente est reçue par Pascale Boistard[25], alors Secrétaire d’État des Droits des Femmes, afin de réfléchir à une aide institutionnelle.

Mais l’événement qui va marquer durablement l’ensemble de la profession et sortir l’influence du Collectif du petit milieu de la Bande Dessinée, reste encore à venir.

Le FIBD 2016 et le Grand Prix sans autrice : le couronnement du Collectif

Le 5 janvier 2016, tous les auteurs et toutes les autrices professionnelles reçoivent un mail afin de voter pour 3 de leurs pairs dans une liste préétablie par l’association 9e Art+. Il s’agit du vote pour le Grand Prix d’Angoulême — un des plus prestigieux au monde — et consacrant un auteur ou une autrice pour l’ensemble de sa carrière. Stupéfaction : aucune femme n’apparaît dans cette liste de noms internationaux. Un appel au boycott[26] est lancé le jour même par le Collectif. Mais cette mobilisation n’est possible que par la force d’un outil déjà construit au cours des mois précédents. L’affaire du CBBD a été le galop d’essai. Suite à diverses péripéties dont notre article ne peut rendre compte en détails[27], un programme est établi dans le cadre d’une participation active du Collectif pendant les festivités[28] : déjeuner avec la Secrétaire d’État, présentation publique et interactive d’une exposition très remarquée dans le grand auditorium où la foule s’est massée jusqu’à l’extérieur Trait féminin, trait masculin : venez deviner qui a dessiné quoi ![29], ou enfin lecture publique du Cahier de Doléances[30] écrit en commun lors de la très attendue audience des États Généraux de la Bande Dessinée (EGBD)[31].

QUI SOMMES NOUS ?
Nous sommes un Collectif non mixte de créatrices de bande dessinée qui a vu le jour officiellement le 8 septembre 2015 afin de lutter contre le sexisme dans notre profession. Parmi ces créatrices, on trouve à ce jour 179 autrices de bande dessinée signataires d’une charte qui commence ainsi : « Notre travail étant perpétuellement l’objet de questions sexuées auxquelles ne font pas face nos collègues masculins, nous créatrices de bande dessinée avons décidé de nous rassembler pour dénoncer les formes que prend le sexisme dans ce champ littéraire, tout en avançant des façons de le combattre. » Comme il est également rappelé sur le site : « ce Collectif de femmes est nécessaire car notre travail et notre identité sont encore et toujours biaisés par des stéréotypes de genre. Par la rédaction et la diffusion de notre charte nous voulons dénoncer les aspects du sexisme dans l’industrie littéraire où nous évoluons, tout en énonçant des méthodes pour le combattre. Notre site internet regroupe une longue liste de témoignages qui mettent en lumière la nécessité d’un combat concret et intergénérationnel. Nous appelons tous les acteurs de la chaîne du livre à prendre conscience de leur responsabilité dans la diffusion de supports narratifs à caractère sexiste et nous interviendrons à chaque fois qu’une situation attirera notre attention. »  C’est donc dans la droite ligne des objectifs énoncés par le Collectif qu’est née l’idée de ce cahier de doléances.[32]

Il n’y a plus à tergiverser. Les autrices se nomment comme groupe professionnel, social mais aussi comme groupe en lutte contre un système qu’elles subissent toutes : le sexisme dans la bande dessinée. Elles se portent en regard, solidaires entre elles, de vécus parallèles à défaut d’être similaires.

Néanmoins, le FIBD est aussi le réceptacle de lourdes déceptions dans les rangs des autrices. Lors du déjeuner gouvernemental, des promesses sont données mais rien d’officiel n’est affirmé et le remaniement ministériel du 11 février 2016 les rend caduques. Rien n’est suivi d’effets, aux oubliettes le rapport des autrices ! Sous ces auspices, Tanxxx, Jul Maroh, Aurélie Neyret et Chloé Cruchaudet[33] refusent leur nomination au titre de Chevalières des Arts et des Lettres : pas de colifichets pour nous faire taire !

Toutefois, les actions menées ont eu des conséquences directes à ne pas négliger.
La sélection du vote du Grand Prix qui était devenue l’apanage d’une association et dont les autrices et les auteurs se demandaient, à juste titre, qui pouvait ainsi s’arroger le pouvoir de prescription à leur groupe professionnel, leur est restituée. Concrètement il n’y a plus, depuis janvier 2016, de liste imposée de 30 noms[34]. Après quelques années nous pouvons faire état d’une réussite avec une plus grande diversité de genres, de styles de BD, dans les carrières primées. Le panel est enrichi et élargi et quoi qu’en pensent quelques esprits chagrins qui ne manquent pas de se manifester tous les ans tout en se targuant de ne pas voter… le résultat annuel des nominations est le fruit unique de la démocratie retrouvée. Les critiques qui se multiplient, définissant le Collectif dans son acceptation péjorative comme un lobby lors des votes pour les Grands Prix du FIBD, sont ineptes. Alors que le Collectif a réussi le tour de force de rendre la démocratie réclamée, les collègues hommes n’ont qu’à en faire usage en votant pour faire élire qui ils souhaitent. Cela leur serait simple, puisqu’ils restent numériquement majoritaires. Le poids considéré comme démesuré des autrices lors des élections du GP, n’est que leur capacité à se mobiliser autour de quelques noms. Il est à croire que cela ne relève pas de la compétence du groupe dominant…
En outre — dans la droite lignée du Cahier de doléances — le 28 septembre 2016, lors des rencontres nationales de la Bande dessinée à l’initiative de la Cité de la Bd, Benoît Peeters, Denis Bajram et Valérie Mangin (elle-même membre et signataire de la Charte), invitent une autrice du Collectif à se joindre à leur laboratoire d’observation, durant le temps de présentation imparti aux résultats des EGBD. Cette délégation est présente pour faire entendre les revendications spécifiques des autrices. Il s’agit ici d’une estimable reconnaissance. Le Collectif est de facto institutionnalisé par ses pairs dans un programme de réflexions autour des avancées en cours et à venir. Il l’est d’autant plus, puisqu’intégré dans le cadre général de la défense des droits des auteurs et des autrices, alors que non-mixte et faisant part de sa singularité et de ses demandes particulières[35]. C’est le tournant de la légitimité. Les autrices existent dorénavant en tant que force collective. Une expression marquante commence d’ailleurs à se faire jour depuis l’extérieur : Le Collectif des Autrices. Le chemin parcouru en une année est considérable.
Le Collectif, force de frappe des luttes du 9e Art est ainsi matériellement nommé, caractérisé, validé. Il n’est plus possible de compter sans lui.

Le Collectif des Créatrices de Bande Dessinée Contre le Sexisme : l’explosion d’un pré-metoo

Alors que :

2 octobre 2015, les pilotes du SNAC-BD échangent par courriels.
[Les prénoms ont été changés dans la source, que nous citons en l’état.]
Marc, 12h05 : Et puis c’est pas vrai, on est pas misogyne. J’ai jamais vu d’auteur lourd avec des secrétaires d’édition ou des éditrices, ou des auteurs femmes. Des éditeurs lourds avec des filles, encore moins et certainement pas quand tout ce monde-là est bourré, ouh la la, que nenni ! ! Jamais vu un directeur éditorial recruter sur physique, non plus. Ça n’est jamais arrivé. Non, franchement, je sais pas de quoi tu parles, je ne comprends pas.[36]

En 2017, au retour du FIBD, c’est un cataclysme. Une autrice exprime qu’elle a été agressée à deux reprises par des professionnels de la bande dessinée pendant ce festival, et son premier témoignage libère la parole sur le groupe privé que les créatrices fréquentent pour la plupart. Quelques témoignages avaient été publiés lors de la création du site en 2015, mais advient ici un déferlement : la moitié des autrices font état de comportements sexistes ou d’abus de pouvoir à leur encontre, jusqu’à des cas qui pourraient relever d’un tribunal correctionnel ou des assises si les faits étaient suivis de dépôts de plaintes[37]. Les témoignages anonymes sont mis en ligne début février 2017[38] et c’est un ouragan. #MeToo n’a pas eu lieu. Les auteurs et éditeurs, soit récusent, soit tombent naïvement des nues et sont sidérés (à raison). Enfin, certains prennent la mesure de l’ampleur du phénomène. La réflexion de fond — que faire pour que ces comportements cessent — ne trouve pas sa résolution, mais le milieu professionnel est alerté.
À ce jour, rien d’officiel n’a été mis en place, aucune structure, malgré plusieurs tentatives de rapprochements avec des instances idoines, n’a pu aider les autrices dans leur démarche face aux Violences Sexistes et Sexuelles (VSS).

Conclusion

Le Collectif est féministe car il a permis à celles qui le souhaitaient de s’approprier par transmission, des armes et des moyens de luttes. Mais tout à la fois, nous pouvons affirmer que les créatrices de bande dessinée sont parvenues à créer un groupe professionnel, impliquant au moins deux générations d’autrices. Elles se sont massivement mises en réseaux, et ceux constitués depuis une décennie semblent pérennes. Il s’agit des autrices aujourd’hui professionnalisées : les autrices publiées, qui se rendent en festivals. Bien sûr, cette résolution doit prendre en considération les très grandes disparités de carrières, de notoriétés, de succès, etc., qui existent entre chacune. Néanmoins, professionnelles insérées dans le monde de la bande dessinée, elles le sont toutes. Et elles sont en capacité à se mettre dorénavant en liens pour se partager du travail, faire appel les unes aux autres, trouver une information professionnelle. Elles sont aussi en mesure de monter des projets en commun, de faire front en masse, de dire stop à des attitudes éditoriales sexistes. Enfin, elles tentent de se mettre en garde contre des abus sexuels de collègues identifiés comme agresseurs. Une vigilance constante est de mise sur tous les sujets : rien n’est jamais acquis puisqu’à l’évidence personne n’a à gagner de partager sa place et les auteurs l’ont bien compris. Les problèmes systémiques perdurent une décennie plus tard, mais des avancées certaines (parité dans les jurys des prix, meilleure visibilité des autrices, maisons d’éditions attentives aux sujets des VSS, etc.) ont été installées.
Le Collectif a été un outil révolutionnaire dans le paysage de la bande dessinée française, et ce quelles qu’en soient ses limites. Certaines peuvent le croire dépassé. Or, raconter sa naissance ici, est un marqueur d’historicisation de sa portée. Aujourd’hui, le Collectif veille, continue de proposer des actions de fond afin de stabiliser la visibilité gagnée des autrices, tente de renouveler ses membres par l’apport de plus jeunes générations. D’autres dynamiques ont vu les jour, qu’il s’agisse du mouvement des Raisons de la Colère ou de #MeTooBD, ouvrant de nouveaux fronts de luttes.
L’ensemble de ces points d’effervescence permet une transfiguration en profondeur sur le réel des autrices de bande dessinée et sur la représentation des femmes et des minorités dans le 9e Art.
Restons vigilantes afin de conserver ce qui est conquis, et continuons à battre le fer pour pérenniser une position novatrice et moderne.

Notes

  1. Le choix de ce mot sera explicité, d’autant qu’il relève des débats et des enjeux qui s’opérèrent au sein du Collectif.
  2. Elles étaient souvent ignorantes de l’existence et des travaux des unes des autres, le plus grand mérite du Collectif restant à ce jour leur mise en réseau avec toutes les conséquences que cela implique en termes professionnels.
  3. Le Collectif est encore aujourd’hui le regroupement d’auteurices le plus conséquent en nombre, dans la bande dessinée française.
  4. Cette désignation — le Collectif — sera préférée dans le corps de notre article, après une première mention de son titre complet : Collectif des Créatrices de Bande Dessinée Contre le Sexisme.
  5. https ://bdegalite.org/
  6. Nicole Claveloux, Florence Cestac, Chantal Montellier, Jeanne Puchol, « Navrant », Le Monde, 28 janvier 1985.
  7. «  »La publication de ce manifeste est remarquable », comme le constate Jeanne Puchol, « notamment du fait d’être l’une des premières prises de position collectives des créatrices dans un espace médiatique qui les considérait comme un sujet de société. Mais, cela est aussi remarquable, car ce sujet de société alertait sur le contexte dans lequel évoluent ces femmes, faisant aussi une mise en lumière de leurs contraintes et de leur critique du champ de la bande dessinée. » » dans Marys Renné HERTIMAN, Faire corps : Collectifs et fédérations des femmes dans la bande dessinée — Entretiens avec Christelle Pécout, Jeanne Puchol et Johanna Schipper, dans Construire un Matrimoine de la BD — Créations, mobilisations et transmissions des femmes dans le neuvième art, en Europe et en Amérique, Collectif sous la dir. de Marys Renné HERTIMAN et Camille DE SINGLY, Paris, Les Presses du Réel, 2024.
  8. Blanche DELABORDE, « ah nana ! les femmes humanoïdes », Neuvième Art, 2006.
    https ://www.citebd.org/neuvieme-art/ah-nana-les-femmes-humanoides
  9. DELABORDE, 2006.
  10. DELABORDE, 2006.
  11. Les dessinatrices oubliées
    Dans leur double page intitulée 25 ans de BD en 25 albums (Le Monde du 21 janvier), Yves-Marie Labé et Christophe Quillien nous préviennent : « Sélectionner les 25 meilleures œuvres parues depuis la création du Festival de la BD d’Angoulême, en janvier 1974, relève de la gageure. Ou de la subjectivité la plus absolue. » Le Monde, après avoir réuni un jury d’une dizaine de « spécialistes » et de « directeurs », tous du sexe dit fort, propose « sa propre liste », qui va de Goscinny à Trondheim en passant non par la Lorraine et ses sabots, mais par les États-Unis, avec Spiegelman, Eisner et Watterson, dont l’album retenu s’intitule : Adieu monde cruel ! Dans cette BD, un petit garçon de cinq ou six ans vit des « aventures » imaginaires (safari, Far West, etc.) « avec la complicité de sa peluche, le tigre Hobbes, qu’il est seul à voir vivre et s’exprimer ». Peut-être qu’un jour nos deux journalistes, ainsi que les « spécialistes » et « directeurs » consultés pour cette « sélection » si subjective (mais consacrant tout de même les réussites commerciales les plus évidentes), oubliant un instant safari, Far West et conquête de l’espace, s’apercevront qu’il n’y a pas que les tigres en peluche pour vivre et s’exprimer dans le « neuvième art », mais aussi une espèce également menacée : les dessinatrices de bande dessinée. Espérons que ce soit avant que celles-ci aient dit adieu au monde innocent mais cruel des petits garçons.
    Catherine Beaunez, Nicole Clavenoux, Jeanne Puchol
  12. HERTIMAN, 2024.
  13. Constitution en 2007 du premier jury (non-mixte) du Prix Artémisia.
  14. Chantal Montellier, « Artémisia, la place des femmes dans le 9e art. », La Revue du Projet, 23 avril 2015.
  15. HERTIMAN, 2024.
  16. https ://vimeo.com/145717861
  17. https ://bdegalite.org/
  18. https ://bdegalite.org/non-mixite-et-auto-emancipation/
  19. Autrice de BD anonyme, septembre 2015.
  20. Audrey ALWETT, « Auteur, auteure ou autrice ? », Alwett, 2016.
    http ://www.audreyalwett.com/auteur-auteure-ou-autrice/
  21. Aurore ÉVAIN, « Histoire d’Autrice, de l’époque latine à nos jours », SÊMÉION, Travaux de sémiologie n° 6, « Femmes et langues », février 2008, Université Paris Descartes (actualisé en nov. 2012) Réédité dans une version augmentée aux éditions iXe en 2019 : Aurore ÉVAIN « En compagnie. Histoire d’autrice de l’époque latine à nos jours », suivie de Presqu’illes par Sarah Pèpe. https ://www.editions-ixe.fr/catalogue/en-compagnie/
  22. Pierre NOCERINO, « Les Auteurs et autrices de bande dessinée. La formation contrariée d’un groupe social », Thèse de doctorat en Sociologie, soutenue le 27 novembre 2020, sous la direction de Cyril Lemieux, école doctorale de l’EHESS, P. 352.
    https ://theses.fr/2020EHES0127
  23. https ://bdegalite.org/we-do-badges-too/
  24. NOCERINO, 2020, P.266.
  25. Pascale Boistard qui réagira quelques semaines plus tard en lien avec le scandale du Grand Prix.
  26. https ://bdegalite.org/fibd-femmes-interdites-de-bande-dessinee/
  27. De très nombreux articles de presse ont été écrits à ce sujet, il est très simple de trouver de quoi nourrir les interrogations, le lectorat pourra aussi se référer aux papiers du Blog du Collectif : https ://bdegalite.org/le-fibd-dit-ne-pas-pouvoir-refaire-lhistoire-de-la-bd-et-na-clairement-pas-lintention-de-la-moderniser/, ainsi que https ://bdegalite.org/boire-la-coupe-jusqua-la-lie/
  28. https ://bdegalite.org/programme-du-Collectif-au-fibd-2016/
  29. Présentation de l’événement très populaire lors de cette édition du FIBD par Aurélia Aurita, Mathilde Domecq, Gaëlle Hersent, Mirion Malle, Lisa Mandel, Jul Maroh, Emilie Plateau et Natacha Sicaud.
  30. Johanna, Oriane, Xaël et Valérie en furent les principales contributrices, même si en exergue du Cahier, sont tenus ces mots : « Le Collectif a décidé de communiquer anonymement, il estime que cela lui permet d’agir avec plus de force. Tous les textes publiés par le Collectif font l’objet de relectures au sein d’un forum, ce qui permet de travailler collectivement avec efficacité. » Johanna Schipper et Marie Bardiaux-Vaïente sont diligentées pour le présenter en public le 31 janvier.
  31. http ://www.etatsgenerauxbd.org/
  32. http ://www.etatsgenerauxbd.org/2016/01/31/cahier-de-doleances-des-autrices/
  33. https ://www.deuxiemepage.fr/2016/02/05/dessin-autrices-de-bd-refusent-medaille-de-chevalier-des-arts-et-des-lettres/
  34. Liste qui avait remplacé le collège des anciens Grand Prix, collège qui décidait en interne et de façon tout aussi opaque, qui était apte à être coopté au sein de leur cénacle.
  35. https ://www.youtube.com/watch ?v=vG520CGU7iY&ab_channel=lacitebd
  36. NOCERINO, 2020, P. 331.
  37. Les autrices ont d’ailleurs pris la décision de ne pas publier certains témoignages au vu du risque de reconnaissance des auteurs des faits — et ce malgré l’anonymat — afin d’éviter toute attaque en diffamation.
  38. https ://bdegalite.org/temoignages/
Dossier de en septembre 2024