[SoBD2021] Revue de Littérature
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Renaud Chavanne : Nous comptions dans la sélection du prix de cette année deux ouvrages dont la couverture affiche le nom de Thierry Groensteen, dont Le bouquin de la bande dessinée. Un ouvrage collectif, coédité par la CIBDI (Cité internationale de la bande dessinée et de l’image) et Robert Laffont, dans la collection « Bouquins », sous-titré sur les gardes « Dictionnaire esthétique et thématique ». Je propose à Manuel de nous en dire quelques mots…
Manuel Hirtz : C’est un ouvrage qui va faire date car qu’il s’agit d’une encyclopédie qui, pour la première fois, ne s’adresse pas aux gens qui savent déjà, mais à tous ceux qui s’intéressent à la bande dessinée souvent sans en savoir plus que ça et qui sûrement captera aussi l’attention des passionnés. Ce n’est pas un dictionnaire par auteurs, mais un ouvrage élaboré avec des entrées par concepts, par genres (la bande dessinée policière, la bande dessinée et les femmes, bande dessinée et publicité, etc.). Il n’y a pas d’illustration, si ce n’est les culs de lampe de Lewis Trondheim. C’est un résumé de ce qui a été écrit dans Les Cahiers de la BD période Groensteen, dans la revue 9e Art, dans une partie des études universitaires et dans celles émanant des chercheurs indépendants. On y retrouve à peu près tout le monde. Je l’ai lu avec un très vif plaisir. J’ai beaucoup de mal à lui trouver des défauts. Je n’ai trouvé qu’un seul article qui n’aurait pas dû être produit : celui sur les comics books, où l’auteur nous raconte que les comic books ce ne sont pas uniquement les super-héros, puis ne parle que de super-héros. On ignore donc qu’il y a eu des comics de Disney, des funny animals, des crime comics… c’est un article invraisemblable. On trouve aussi l’article du bien-pensant de service qui nous fait le numéro « gender » et autre. C’est quelqu’un, qui d’ailleurs ne connait rien à la bande dessinée, qui est juste venu là pour dire que tout ça était trop genré.
Harry Morgan : J’ai admiré…
Renaud Chavanne : Harry, ce n’est pas ton tour. Tu as écrit plusieurs articles dans ce livre, tu parleras plus tard…
Manuel Hirtz : Renaud va nous en dire un peu de mal…
Renaud Chavanne : Oui, je vais vous en dire un peu de mal, parce qu’Harry va ensuite en faire les louanges. C’est un livre de Thierry Groensteen, un dictionnaire esthétique, certes collectif, mais dont il a écrit la moitié des articles et qu’il a dirigé. Autrement dit les entrées sont celles choisies par Thierry Groensteen. Les têtes de chapitres sont des concepts proposés par Groensteen et par d’autres, mais on perçoit toujours la patte du directeur d’ouvrage. Cela se voit dès la couverture du livre, où ne figure qu’un seul nom, le sien, alors que de nombreux auteurs y ont contribué. Ce n’est donc pas un dictionnaire issu du travail d’un comité scientifique qui s’est réuni pour examiner, discuter et argumenter sur ce qu’il fallait faire et ne pas faire.
Cela étant, il y a beaucoup de bonnes choses dedans. On y trouve le meilleur, comme le moins bon ; mais je n’y ai pas trouvé le pire. Je précise que j’en ai fait une lecture assez attentive, mais qui n’est pas totalement achevée à ce jour. Le meilleur, ce sont les articles des spécialistes, comme par exemple l’entrée « Album » écrite par Sylvain Lesage. Nous avons déjà parlé du travail de Sylvain Lesage dans la Revue de littérature, notamment en 2018 et 2019. En l’occurrence, l’article en question est clair, ramassé, efficace, limpide et intelligent. Mais, a contrario, ce texte suit un article sur « Amateurisme » de Nicolas Idier, auquel je n’ai pas trouvé un grand intérêt. L’auteur n’arrive pas à définir ce qu’est l’amateurisme, ni à nous expliquer quelle est l’utilité d’avoir cette entrée dans le livre.
Je vais maintenant flatter un peu mon voisin de droite [Harry Morgan] avec l’article « Animaux », où l’on retrouve des concepts stimulants qu’il avait développé au préalable dans sa thèse, mais qui n’avaient jamais été édités auparavant. C’est assurément une bonne chose que ces propositions soient désormais facilement accessibles. Personnellement je regrettais qu’on ne puisse pas les lire, souci qui n’a plus lieu d’être.
Un autre très bon article est l’entrée « Colonialisme » de Gwendal Rannou, le frère de Maël Rannou, lequel édite la revue Gorgonzola. C’est un article clairvoyant, très bien informé où l’on revient sur des questions que j’ai évoquées plus tôt vis-à-vis de Jijé, c’est à dire le non-dit de la représentation. Ce texte emprunte une voie historique et met en évidence le parallélisme entre le début de la bande dessinée et le colonialisme, deux phénomènes qui sont contemporains. Gwendal Rannou n’hésite pas à faire une critique de la critique. Je cite, très content de cette occasion après la conversation que nous avons eue précédemment : « Sans être révisionnistes, quelques spécialistes de la bande dessinée ont cependant du mal à reconnaître le rôle joué par les auteurs qu’ils admirent dans la propagation de l’idéologie coloniale ». Et il ajoute : « Dominique Petitfaux minore ainsi le racisme d’Alain Saint-Ogan, Emmanuel Pollaud-Dulian celui de Gus Bofa, tandis que les Tribulations de Tintin au Congo de Phillippe Goddin, ouvrage officiel de la Fondation Hergé sur Tintin au Congo, est souvent gênant dans sa volonté d’absoudre Hergé au nom du contexte de l’époque. »
Harry Morgan : Thierry Groensteen est responsable de 40 % des notices, soit à peu près la même proportion de texte. Il a certes écrit une grande partie de l’ouvrage, mais cela n’atteint donc pas la moitié. Bien entendu, son influence se ressent dans les choix, l’architecture même de l’ouvrage et les renvois croisés, qu’il appelle « corrélats ». Pour ma part, voyant les choses un peu de l’intérieur en tant que contributeur, j’admire ce formidable sens de la synthèse de Thierry Groensteen, qui a su structurer, via l’organisation des corrélats, quarante ans de stripologie. Il a donné un agencement à ces quarante années de recherche, impliquant au moins deux générations, la sienne et la suivante, celle des jeunes tel Sylvain Lesage que tu as cité. Arriver à ordonner tout ça, d’abord dans son esprit, puis sur le papier et enfin en organisant le travail des auteurs, c’est une tâche que je serais personnellement incapable de mener à bien. Écrire quelques notices, ça je peux le faire, et encore, avec beaucoup de temps.
En ce qui concerne l’élaboration, tout le monde a procédé de la façon suivante : on a commencé par avaler un parapluie et ensuite on s’est donné des coups de marteaux sur les doigts, pour se rappeler qu’il ne fallait pas donner des coups de griffe. Autrement dit, chacun est sur son meilleur maintien ici. Nous avons mis un couvercle sur les petites lubies théoriques que nous pouvons entretenir, afin de tenir un propos moyen, de sorte à ce que l’ensemble s’agence correctement. Dans le contexte actuel des « guerres culturelles » que nous connaissons, où la moitié de la population souhaite bouffer l’autre moitié, il me semble que le ton est d’une grande modération sur la plupart des sujets qui sont sensibles. En particulier en ce qui concerne les sujets que tu as mentionnés, comme le racisme et le colonialisme. En comparaison avec le ton de la majorité des publications périodiques généralistes, on est loin de la commination, de la condamnation et de l’énervement.
Renaud Chavanne : Pourquoi devrait-on l’être ?
Harry Morgan : Parce qu’il y a des guerres culturelles, précisément. Thierry Groensteen, par exemple, s’est brûlé les doigts lors de certains débats sur la bande dessinée féministe, alors même qu’il voulait la défendre. Il s’est vu adresser de très vifs reproches de la part de dessinatrices. On aborde ici des sujets très sensibles, que moi-même j’évite soigneusement.
Renaud Chavanne : Ah bon, tu les évites ? Je n’avais pas remarqué…
Moi je voulais revenir sur un point qui m’ennuie, quoique je puisse en comprendre la raison. Mais enfin, nous avons entre les mains un livre nommé « Dictionnaire esthétique », qui porte sur une discipline artistique qui s’appelle « la bande dessinée »… et il n’y a pas d’image à l’intérieur. Ça me dérange. Plusieurs raisons peuvent s’entendre. Le livre fait déjà plus de 900 pages ; s’il avait fallu lui adjoindre des illustrations, un second volume aurait probablement été nécessaire. D’autre part, nous connaissons tous la problématique du droit de citation ; en l’occurrence, ce livre n’a pas été publié par un éditeur indépendant qui peut compter passer sous les écrans radars, mais par Robert Laffont, ce qui rend la situation plus ardue de ce point de vue. Cependant, il y a quand même un souci à faire un dictionnaire esthétique portant sur une discipline artistique visuelle sans pouvoir y mettre une image… La question mérite d’être posée globalement : il faudrait peut-être qu’on arrive à trouver une solution à ce genre de problème.
Harry Morgan : Il faut préciser qu’une grande partie des notices, la majorité même, est toujours en ligne sur le site de la revue 9e Art de la Cité Internationale de la bande dessinée et de l’Image. Les collaborateurs ayant rendu leurs copies au fil des années (l’ensemble du projet s’est étalé sur dix ans), ils fournissaient aussi l’iconographie qui a été reprise lors de la publication en ligne du dictionnaire. Et là les illustrations sont abondantes. Il faut donc lire le Bouquin de la bande dessinée tout en se reportant sur l’iconographie de la version en ligne.
Manuel Hirtz : Par ailleurs, de nombreux ouvrages sur le cinéma sont dépourvus d’illustrations, photos de plateau ou photogrammes. Le pré-requis de l’image ne tient-il pas à l’habitude plus qu’à une réelle nécessité ?
Renaud Chavanne : Je ne le crois pas. Quand on m’a demandé de collaborer à la revue Critix, il y a de nombreuses années de cela, nous avons eu la même conversation. À l’époque, nous avions estimé qu’une revue critique parlant de bande dessinée pouvait se passer d’illustrations. Rétrospectivement, quinze ans plus tard, je pense que c’était une erreur. Lorsque l’on engage une démonstration, un commentaire sur une image, si cette image n’est pas reproduite, le lecteur est incapable de vérifier si le développement est juste. Certes, il peut toujours aller chercher le livre dans sa bibliothèque, ou essayer de trouver l’illustration sur Internet. Mais il me semble que quand on fait une somme qui a vocation à clôturer son sujet, à faire le tour de la question, ces quarante années de recherche qu’évoquait Harry plus tôt, on voudrait que cette somme présente également les illustrations nécessaires. D’autre part, il n’est pas du tout certain que, dans vingt ans, on puisse encore consulter la revue en ligne 9ème Art 2.0. Tandis que cet objet, ce livre, si l’on en prend un peu soin, il sera toujours consultable dans cinquante ans.
Florian Rubis : Je suis d’accord avec cette remarque. C’est un point de désaccord pour moi également. Si l’essence de la bande dessinée réside dans la complémentarité entre le texte et l’image, cela pose un problème de supprimer l’image de l’étude de la bande dessinée.
Harry Morgan : Manuel estimait à juste titre que l’ouvrage à le mérite d’être accessible à quelqu’un qui ne connaît rien à la bande dessinée. Les autres encyclopédies existantes consistent en des listes d’auteurs et de personnages dont on ne peut rien tirer si on n’en a pas une connaissance préliminaire. Je pense qu’on peut concéder qu’un lecteur qui ne connaîtrait mal la bande dessinée ne peut pas se servir tel quel du Bouquin de la bande dessinée. Dans cette mesure, la complémentarité avec la version en ligne est indispensable. Et cela implique d’être branché sur 9ème Art 2.0 lorsqu’on lit le livre. Mais je crois que c’est ainsi que l’on fait aujourd’hui. De nos jours, les livres ont une extension dans l’univers numérique.
Renaud Chavanne : Restons avec Thierry Groensteen pour discuter à présent de ses mémoires, parues également cette année aux éditions PLG, dans la collection bien nommée « Mémoire vive » : Une vie dans les cases. Florian, veux-tu en dire un mot ?
Florian Rubis : Je voudrais surtout commenter deux chapitres. Je ne suis donc peut-être pas la bonne personne pour en parler dans son ensemble et ouvrir la conversation.
Renaud Chavanne : Nous sommes en présence d’une personne qui travaille sur la bande dessinée depuis plusieurs décennies et qui nous livre ici ses souvenirs. C’est un livre qui se lit fort bien ; d’ailleurs, Thierry Groensteen est un auteur dont la lecture est généralement plaisante. Ce sont des mémoires intéressantes, car on y croise des individus, on y est confronté à des situations et à des cadres institutionnels. Cela dit, il y a aussi la facette « Je te tape dans le dos ou je règle mes comptes ». L’ensemble est assez rigolo, pas foncièrement nécessaire, mais ça se lit bien et ça mérite le détour.
Manuel Hirtz : Moi, ce qui m’avait un peu frappé, c’est que quelqu’un qui a été si décisif dans l’entreprise qui consiste à faire de la bande dessinée un art ait été précarisé toute sa vie. Le type qui, dans un monde idéal qui n’existe pas, aurait dû être à la fois professeur d’université et critique au Monde ; mais qui en fait est allé de péripétie en péripétie. Quelqu’un qui malgré cela, et peut-être à cause de ça d’ailleurs, a fait avancer (parlons comme un militant) la cause de la bande dessinée. Et le résultat final de cet engagement, j’aurais dû le dire plus tôt, c’est le Bouquin de la bande dessinée chez Robert Laffont. Le Bouquin de la bande dessinée c’est un moment, peut-être même la fin d’un moment d’un travail sur la bande dessinée. Ce qu’on peut lui reprocher, c’est de ne pas anticiper sur la suite. Mais ce n’est pas nous qui allons faire l’avenir du discours sur la bande dessinée.
Renaud Chavanne : Ce que je lui reproche, c’est d’être trop le livre de Thierry Groensteen.
Florian Rubis : … comme c’est souvent le cas.
Manuel Hirtz : … oui, d’accord. J’avais cru comprendre.
Renaud Chavanne : Et c’est peut-être la réponse à la question que tu te poses. À savoir : comment se fait-il que cette personnalité ait été précarisée, alors qu’elle n’aurait pas dû l’être.
Florian Rubis : Mais, passez-moi l’expression, il n’est pas une Cendrillon…
Manuel Hirtz : Qui ça ? Qui n’est pas une Cendrillon ?
Florian Rubis : Je dis que Thierry Groensteen n’est pas Cendrillon… Il n’a pas tant de raisons que cela de se plaindre. Il faut relativiser les choses…
Manuel Hirtz : Nooooon, je n’ai pas dit ça. Je veux dire par précarisé que son statut n’est pas celui qu’il aurait dû avoir.
Harry Morgan : Je vais répéter ce que je disais à propos du Bouquin de la bande dessinée : il me semble que mes camarades sous-estiment l’aspect « pensée de groupe. »
Renaud Chavanne : J’ai été confronté de façon très directe à l’aspect de « pensée de groupe », puisqu’on m’a sollicité pour écrire un article sur la composition et la mise en page. J’ai répondu positivement, avant de me rendre compte que je ne devais pas écrire cet article en fonction de mon travail de recherche, mais plutôt en fonction des conceptions propres de Thierry Groensteen. Si j’avais accepté la proposition, j’aurais dû contredire mes travaux précédents au profit de ceux du directeur d’ouvrage. J’ai donc bien entendu décliné. Cette somme de la pensée sur la bande dessinée est en fait une somme de la pensée de Thierry Groensteen sur la bande dessinée. Les concepts qui ne lui conviennent pas ne sont pas présents dans ce livre, parce qu’il n’a pas souhaité que des choses avec lesquelles il n’est pas d’accord y figurent. Si ce livre prétend couvrir, comme tu le disais tout à l’heure, vingt ou cinquante ans de réflexion sur la bande dessinée, il ne remplit pas son rôle, il est trop exclusif. Il y a des champs de recherche qui ne sont pas représentés.
Harry Morgan : Je comprends ton irritation, mais on ne peut pas trop en demander aux gens non plus. Nous sommes confrontés à des contextes et à des parcours de vie longs et complexes. Thierry Groensteen a développé sa sémiologie via ses propres études, ainsi que dans le cadre d’équipes qui contribuaient à des revues. D’abord les Cahier de la bande dessinée à l’époque où Thierry les dirigeait, puis 9ème Art. Nous avons pensé ensemble à ce moment-là. Évidemment notre pensée a pris une certaine direction, et logiquement nous nous y sommes enfermés. Tout chemin pris implique a contrario d’autres chemins auxquels on renonce. Personne n’a une telle liberté d’esprit qu’il puisse dire « J’emprunte tous les chemins ».
Renaud Chavanne : C’est bien la raison pour laquelle il est utile de rassembler autour d’une table plusieurs personnes qui ne partagent pas le même avis, et qu’on permet à chacun d’exprimer sa propre position. Quand bien même il en résulterait des contradictions sur certains sujets. Chacun peut alors se faire son idée, voire en élaborer de nouvelles. Or, ce n’est pas ce qui se passe dans ce livre.
Cela dit, ça ne diminue pas l’intérêt du livre, dont je recommande la lecture. Mais je ne peux pas m’accorder avec la description que tu faisais du livre comme étant « la somme de la pensée d’une certaine époque ». Je redis que c’est la somme de la pensée d’une certaine époque à travers le prisme de Thierry Groensteen.
Manuel Hirtz : Je vais alors poser la question frontalement : qu’est-ce qui manque ?
Renaud Chavanne : Il manque les concepts qui ne sont pas les siens. Mais fait également défaut le questionnement suivant : est-ce qu’un concept proposé par Thierry Groensteen vaut la peine de constituer une entrée pour la seule raison que c’est un concept inventé par Thierry Groensteen ? Mettons, par exemple, l’entrée « Réflexivité ». C’est un concept inventé par le directeur de l’ouvrage. Est-ce que quelqu’un s’est posé la question de l’intérêt de ce concept, de sa vocation à produire une entrée dans le livre ? Je ne crois pas. Et ça manque.
Harry Morgan : Mais ce sont des strates historiques. On s’est tous pris la tête avec cette histoire de réflexivité, d’autant plus qu’elle était censée faire la spécificité du médium, mais aussi le tirer vers le haut, puisqu’une bande qui s’amuse à réfléchir est sensé être plus intelligente qu’une bande racontant une simple histoire. Nous sommes tributaires de notre propre histoire. Quand je dis que c’est la synthèse d’une époque, je ne dis pas ça dans un accent triomphaliste, mais au contraire avec beaucoup de modestie et en ayant conscience de notre propre mortalité. Quand nous existons, nous faisons des choses qui s’inscrivent dans un temps et un espace ; une fois qu’elles sont faites, le temps est passé et il reste d’autres choses qui ne pourront jamais être faites. Comme toute œuvre humaine, cet ouvrage est soumis à la contingence.
Renaud Chavanne : À propos du temps qui passe…
Harry Morgan : Pour conclure, je veux dire que l’argument que tu opposes est tout à fait valide, et que la plupart des dictionnaires de type scientifiques sont organisés comme tu l’as expliqué. Mais cela remet sur la table la question des institutions de la bande dessinée. J’ai chez moi un excellent dictionnaire de théologie édité aux PUF, un autre de la civilisation japonaise également aux PUF et un autre encore sur l’ethnologie toujours aux PUF. Ils sont faits, comme tu le dis, avec des comités scientifiques. Mais ces gens sont des universitaires, ils sont payés pour faire cela. Et dans la bande dessinée, ça n’existe pas.
Renaud Chavanne : Florian, deux mots sur les deux chapitres précédemment mentionnés d’Une vie dans les cases ?
Florian Rubis : Je voulais parler du chapitre qui traite, une nouvelle fois, des origines de la bande dessinée. Qu’on soit d’accord ou non avec les propositions de Thierry Groensteen, c’est toujours un sujet intéressant. Dans ses mémoires il en propose une nouvelle synthèse. Sans constamment m’accorder avec les analyses de certains spécialistes sur les origines de la bande dessinée, ou celles du roman graphique d’ailleurs, je trouve qu’il y avance des arguments intéressants.
Mais le chapitre qui m’a le plus attiré reste celui où il revient sur son travail en tant que commissaire d’exposition. Peut-être par déformation professionnelle, puisque je le suis également, son expérience à ce sujet ne pouvait que retenir mon attention. En outre, ceci était avivé par le fait que j’ai vu un grand nombre des expositions qu’il a réalisées, notamment à Angoulême.
Pour moi, ce sont ces deux aspects qui m’ont semblé les plus notables dans l’ouvrage.
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Super contenu ! Continuez votre bon travail!