Andi Watson

par

Depuis ses débuts dans les pages de sa série Skeleton Key, l’Anglais Andi Watson a fait son petit bout de chemin dans le monde de la bande dessinée indépendante américaine, voyant son trait évoluer jusqu’à prendre une élégance toute «Dupuy & Berberian»-esque. Depuis, deux de ses œuvres ont été publiées en France (Breakfast After Noon chez Casterman et Slow News Day chez çà et là) et d’autres devraient suivre cette année.
De Skeleton Key à Little Star, retour sur une éducation à l’anglaise.

XaV : Comment débute-t’on dans la bande dessinée US lorsque l’on est anglais ?

Andi Watson : J’avais fait quelques comics auto-publiés, tu vois, plutôt frustres, faits à la main. Et je les ai envoyés à des éditeurs américains — en achetant leurs livres pour trouver leur adresse. Ce n’est qu’après avoir fait trois mini-comics que j’avais envoyés à tous les éditeurs que j’avais pu trouver que Slave Labor m’a contacté après environ six mois, en me disant : «Oui, nous aimerions publier Samurai Jam» — c’était comme ça que s’appelait mon mini-comic. J’en ai fait quatre numéros, puis il a été annulé. (rires) C’était mes débuts — glorieux !

X. : Ton style a subi une importante évolution depuis les premières pages de Skeleton Key (très sombres, très précises, très fouillées) jusqu’à l’approche plus «Dupuy & Berberian» de tes travaux plus récents. Comment expliques-tu cette évolution, et quelles ont été tes influences ?

A.W. : Je pense qu’une bonne partie de Skeleton Key, surtout au départ, n’était pas clair. La narration n’était pas bonne, et je me suis senti très gêné ensuite quand je me suis rendu compte que j’étais mauvais, que je n’étais pas professionnel, que je m’en remettais aux lecteurs … tu sais, la première des priorités, c’est la lisibilité. Les lecteurs doivent pouvoir lire et comprendre — même si l’on fait une bande dessinée avant-garde où il se passe des choses inhabituelles, on doit toujours raconter une histoire, être capable de distinguer les personnages du décor, ne pas être trop brouillon.
Cela fait vraiment partie du processus d’apprentissage du dessin. Je travaillais sur du A3 à l’époque, et c’était ensuite réduit au format comic, et il m’a fallu comprendre comment fonctionnait la reproduction, combien de détails je pouvais mettre et ce qu’il en sortirait au final sur la page, quelle surface de blanc je pouvais utiliser …
Ca a été une longue période — un peu comme un sculpteur, tu as ce gros bloc et progressivement, tu retires des petits morceaux jusqu’à ce que tu trouves la forme qui dormait à l’intérieur. Mais je ne le savais pas, je débutais tout juste, c’était instinctif, rien de réfléchi … il m’a fallu me dire, «okay, il faut retirer ça, enlever les hachures, les petits détails si je veux que les lecteurs comprennent et puissent suivre l’histoire». Et ça a été une part importante dans l’apprentissage de comment faire de la bande dessinée.
Clarifier, apprendre à simplifier. Et je continue à procéder comme ça, en enlevant autant que possible, en ne laissant que ce qui est absolument essentiel pour raconter l’histoire. Les jolis décors, est-ce que c’est important pour dire des choses sur mes personnages ? Si ça l’est, je le laisse, sinon, on l’enlève. L’important, c’est le dessin au service de l’histoire autant que possible … et que ça reste esthétique.

X. : Tu as travaillé un peu dans les jeux vidéo — tu as fait de l’animation ?

A.W. : Non, pas d’animation. Enfin, j’ai touché à l’animation dans le cadre de Skeleton Key, mais très brièvement. Quand Skeleton Key a été publié, une companie a posé une option pour en faire une série animée, et j’ai travaillé avec les animateurs pour le design des personnages, ce genre de chose. Donc je ne suis pas vraiment un animateur, j’ai simplement participé au design de la série.
Pour ce qui est des jeux vidéo, j’y ai travaillé six semaines en sortant de l’Université. Donc je ne suis pas un vétéran du jeu vidéo, mais c’était il y a très longtemps, à l’époque de la Super Nintendo et des 8 bits, on n’avait que des pixels et pas de 3D … ça a sans doute eu une influence, quand on travaille avec une grille de 16×16 et qu’il faut faire un personnage et le faire bouger. Oui, ça a dû avoir une influence, sur le fait de simplifier et de créer des personnages iconiques avec si peu de lignes et de détails.

X. : J’ai mentionné Dupuy et Berbérian, y-a-t’il eu des auteurs qui t’ont influencé en te montrant qu’on pouvait raconter une histoire avec un dessin simple, ou est-ce quelque chose qui s’est imposé à toi naturellement ?

A.W. : Il y a un peu de ça. Mais l’une de mes premières influences, et l’un des premiers artistes que j’ai admirés, c’est Jaime Hernandez, pour Love & Rockets. Je veux dire, il est le maître quand il s’agit de poser peu de lignes et aucune inutile, c’est sans doute l’un des meilleurs artistes dans la bande dessinée. J’ai toujours admiré ça.
Je pense que l’abondance de détails était une manière de dissimuler mes faiblesses, mon manque de technique. Jaime Hernandez, il fait trois lignes, et c’est fantastique, elles sont toutes là où il faut. Mais quand on commence, on manque d’assurance alors on rajoute beaucoup de hachures et de détails pour essayer de cacher ses erreurs.
Les influences qui m’ont poussé à simplifier, à purifier, il y a donc eu lui, profondément, et puis ensuite j’ai regardé autour de moi, comme Seth qui travaille au pinceau. Seth m’a beaucoup influencé — je veux dire, je n’avais jamais utilisé de pinceau de ma vie, et puis j’ai vu ce qu’il faisait et j’ai trouvé ça superbe, beau et élégant. Alors j’ai essayé moi aussi, et j’ai utilisé le pinceau pour Skeleton Key, et puis ensuite Geisha. Je crois que Seth m’a cueilli à un moment très important, je cherchais à alléger mon dessin, et son style m’a beaucoup attiré.
Et puis plus tard, Dupuy et Berbérian ont suivi. J’utilisais déjà le pinceau, mais eux l’utilisaient d’un manière beaucoup plus expressive — je crois qu’ils utilisent un feutre-pinceau, avec un papier à deux textures … j’ai toujours admiré leur volonté d’être plus libres, quand on regarde le dessin de Seth, même si c’est très élégant, il y a quelque chose de … euh …

X. : … très contrôlé.

A.W. : Oui, très contrôlé. Et Dupuy et Berberian n’étaient pas complètement sans contrôle, mais ils avaient plus d’expressivité, et c’est quelque chose qui m’intéressait beaucoup. C’est toujours difficile de faire cohabiter le fait de raconter une histoire clairement, avec l’envie d’avoir un trait expressif et vivant. J’essaie de trouver un équilibre, et je trouve toujours mon travail un peu trop contrôlé, mais j’y travaille.

X. : Comment as-tu découvert Love & Rockets et le travail de Seth ?

A.M. : Les boutiques de bandes dessinées, tout simplement. Quand j’ai débuté, je n’y connaissais absolument rien, je n’avais pas lu de bandes dessinées depuis dix ans, et puis j’ai commencé à fréquenter ces boutiques. Et au départ, c’était très mauvais — enfin, pas très mauvais, mais des trucs comme les Teenage Mutant Ninja Turtles ou Judge Dredd dans 2000 A.D.. J’essayais de trouver ma voie, d’apprendre autant que possible et voir quels genres de livres me plaisaient … et puis je suis tombé sur Love & Rockets. Et ce n’était pas seulement le dessin, c’était les relations humaines, le détail accordé aux petites choses de la vie, le langage corporel — il y avait tant de choses là-dedans, que ça m’a ouvert les yeux. On pouvait raconter des histoires où les gens se détestaient, mais aussi des gens qui tombaient amoureux, ou qui se lassaient, et qui vaquaient à leur quotidien. Avec du recul, oui, c’est vraiment Love & Rockets qui m’a mis sur le chemin. Et c’est le cas pour beaucoup d’artistes de ma génération.

X. : Est-ce que c’est ça qui t’a poussé à essayer d’être publié aux US, ou bien était-ce le manque de structures en Angleterre ?

A.W. : Il n’y a pas de … je veux dire, à part 2000 A.D. il n’y a rien en Angleterre pour se faire publier. Il n’y a personne. Il y a ce comic book qui s’appelle Viz, avec beaucoup de blagues débiles et un dessin très vulgaire, mais c’est tout — deux possibilités, et je ne correspondais à aucune. Donc je me suis tourné vers les US où le marché est plus développé, et on peut trouver sa place pour pouvoir raconter ses histoires.

X. : Tu as eu également une évolution importante au niveau de tes thèmes, commençant avec l’Asie et son fantastique, et j’ai l’impression qu’à un moment tu t’es senti suffisamment sûr de toi pour affirmer que tu étais Anglais, et il y a eu Slow News Day et Breakfast After Noon qui rappelle beaucoup les films de Ken Loach, avec même un petit glossaire pour expliquer les expressions typiquement anglaises. Comment en es-tu venu à ces histoires plus intimes ?

A.W. : Même dans Skeleton Key, les relations humaines étaient au centre de l’histoire. C’était déjà présent, mais comme tu l’as dit, j’avais besoin de … j’avais besoin d’arriver au point où je ne pouvais plus aller plus loin avec le récit de genre, ce qui m’est arrivé avec Geisha. Skeleton Key était une série, il y a eu une trentaine de numéros, et j’étais en train de découvrir la narration, la structure, les personnages, les thèmes, et comment tout fonctionnait ensemble. Et c’est vraiment un foutoir — un joyeux foutoir, je veux dire, mais rien n’était pensé , et …

X. : C’étaient tes premiers pas …

A.W. : Tout à fait. Il y avait beaucoup d’enhousiasme mais pas de vraie réflexion sur le déroulement de l’histoire ou sur la narration. Je veux dire, quand j’ai commencé, je n’avais jamais raconté d’histoire … enfin, si, il y a toujours les histoires qu’on s’imagine, mais je ne m’étais jamais assis devant une feuille pour écrire. Et c’est ce qui est le plus important dans une bande dessinée, c’est comprendre la narration, les thèmes, les personnages.
Et après Geisha, c’était vraiment «ça passe ou ça casse», j’avais vraiment besoin de faire un livre sur l’Angleterre, avec les choses qui m’intéressaient, des choses concrètes. Pour Breakfast After Noon, j’avais été au chômage, je connaissais des gens qui étaient au chômage, et je trouvais que les autres médias n’avaient pas sû montrer avec précision — que ce ne sont pas des gens au chômage parce qu’ils ont la flemme, c’est plutôt comment le chômage peut détruire ta vie. J’avais connu ça, et je voulais coucher sur papier quelque chose qui me touchait très profondément. Et également, comme il n’y a pas vraiment d’industrie de la bande dessinée en Angleterre, je pensais qu’il était important que je puisse parler de mon pays et des gens que je connaissais.
C’était comme si — je faisais des récits de genre, mais ce n’était pas des choses que j’avais vécues, alors que là c’était le premier livre qui venait directement de ma propre expérience. J’avais vraiment besoin de faire ça, c’était ce que j’avais toujours voulu faire sans avoir suffisamment de confiance en moi pour le faire. Et puis j’ai fait le grand saut, et je suis content du résultat.

X. : Comme tu l’as souligné, Skeleton Key était une série, depuis tu as plutôt fait des mini-séries avec un nombre limité de numéros. Est-ce que c’est une évolution naturelle, si l’on considère la nature des thèmes que tu veux traiter maintenant ?

A.W. : Oui. En fait, mes influences principales ne viennent pas de la bande dessinée, mais de romans, de films, etc., avec un début, un milieu et une fin. L’industrie de la bande dessinée aux US est véritablement basée, principalement, pour le mainstream, sur quelque chose de sans fin …

X. : … un statu quo.

A.W. : Exactement. Tout change, et puis on revient à la case départ. Je ne pense pas que l’on puisse avoir une narration dramatique qui ait de la valeur sans évolution. Il faut pouvoir poursuivre des personnages qui prennent des décisions et qui ne peuvent plus revenir en arrière, sinon il n’y a pas de drame, ce n’est pas intéressant, il n’y a rien. Alors que quand tu fais une histoire unique, ton personnage va d’un point A à un point B, et sa vie en est transformée pour toujours. Tu racontes une histoire dramatique, et elle a un sens.

X. : J’ai trouvé Love Fights intéressant, dans le sens où lorsque l’on voit des auteurs indépendants américains tenter de traiter un autre genre à leur manière, c’est généralement soit du porno, soit des super-héros. Tu as fait ton récit de super-héros, qu’est-ce qui t’a motivé à faire ça ? Et penses-tu faire du porno, pour compléter le tableau ?

A.W. : (rires) Non, je ne suis pas tenté par le porno, j’en ai peur. Hm, je pourrais devenir riche, mais … Le récit de super-héros n’était … Love Fights n’est pas venu de mon intérêt pour le genre, je n’aime pas les super-héros. C’étaient plus les aspects de l’industrie qui m’intéressait — à l’époque, cela faisait peut-être dix ans que je travaillais sur le marché américain. Un de mes thèmes récurrents depuis Geisha, c’est le conflit entre l’art et le commerce — et on le retrouve beaucoup dans l’industrie du comic book américain. Si tu veux trouver du drame, il y a en plein, entre les gens qui cherchent à s’exprimer, et les besoins des companies de préserver leur copyright.
Et j’ai un personnage, Jack, qui se retrouve pris là-dedans. Et dans l’histoire, les super-héros sont réels, et les comics de super-héros sont seulement un reflet de la réalité, et il se retrouve coincé par les éditeurs et la censure, etc. C’était vraiment de ma part un commentaire sur l’industrie américaine du comic book plutôt que sur les super-héros. Même s’ils se trouvent dans le livre.

X. : Oui, ils sont là, mais le centre de l’histoire, c’est la relation entre les deux personnages principaux, avec les combats entre super-héros seulement en toile de fond. C’est effectivement plus les problèmes avec les exigences des éditeurs et les histoires de licensing avec les figurines qui ressortent, c’est ce que tu voulais mettre en avant ?

A.W. : Je n’ai rien contre, mais aux US le comic book c’est une partie, et le merchandizing c’est beaucoup plus important, c’est vraiment déséquilibré. Quand tu regardes le catalogue, le Previews aux US, il y a tellement de … on ne parle plus vraiment de bande dessinée, mais c’est ce qui rapporte le plus d’argent. Je n’ai rien contre tout ça, simplement ça ne m’intéresse pas et c’est pourtant l’un des moteurs de l’industrie qui cherche à rentabiliser et protéger ses copyrights. Love Fights était une sorte de réflexion de ma part, en tant qu’auteur travaillant pour le marché américain. Tu vois, tu es à la merci de ce que Marvel et DC décident, si ils sortent dix titres cette semaine, ton comic book n’ira même pas en magasin. Et de la même manière, Jack et Nora réalisent qu’ils sont à la merci des super-héros dans l’histoire, ce qui a un grand impact sur leurs vies, de la même manière que les grands éditeurs ont eu de l’impact sur la mienne.

X. : Tu as parlé de Love & Rockets, y-a-t’il des auteurs que tu suis régulièrement actuellement ?

A.W. : J’ai un peu honte de le dire, mais je ne lis rien en bande dessinée en ce moment.

X. : Des films, des romans qui seraient des influences ?

A.W. : Jaime Hernandez, bien sûr, mais aussi beaucoup de manga-ka, Watase Seizô, Adachi Mitsuru, Tezuka Osamu, j’aime beaucoup. Et puis au Canada, des gens comme Seth, et puis des romans, romans du 19e siècle, Henry James, Jane Austen … Jane Austen est parfaite, la comédie sociale, les romances, la satire sociale … Et puis les films, Woody Allen — beaucoup de dialogue, j’aime le dialogue. Et puis Raymond Chandler, Dashiell Hammet. J’admire également quelqu’un comme Eric Rohmer, qui fait les choses librement, sans être lié par une quelconque structure même s’il y en a une, au fond. Ou bien Raymond Chandler, qui structure jusqu’à un certain niveau. J’aime bien les deux, et j’aime bien combiner les deux approches.

X. : Tu as fait quelques courtes histoires pour des anthologies, comme Four Letter Worlds, est-ce que c’est un format qui te convient, ou te faut-il plus de pages ? Tu t’es stabilisé autour de quatre à six numéros, est-ce que c’est ton format ?

A.W. : J’ai fait Dumped qui doit faire 56 pages, et je pense que c’est mon œuvre la mieux structurée, parce que j’ai réussi à tout y mettre et c’est vraiment compact. C’est vrai que j’ai une tendance … j’aime avoir un peu plus d’espace, afin de pouvoir ouvrir des moments calmes durant lesquels rien ne se passe. Et le «quatre à six numéros» est plus un reflet de ce que le marché américain est plus susceptible d’accepter. Si c’est plus long, les lecteurs risquent de ne pas être intéressés …
Tout dépend de la narration, je ne vais pas me tourner exclusivement vers les «graphic novels», je ne vais pas non plus tout mettre en séries, mais … les histoires courtes ne sont vraiment pas mon point fort, mais j’essaye. C’est un très bon exercice de discipline, d’essayer de tout faire rentrer dans si peu d’espace … mais naturellement, j’ai tendance à être plus bavard, je préfère les histoires plus longues.

X. : As-tu l’impression qu’il y ait une scène anglaise de la bande dessinée, ou les choses sont-elles restées dans l’état où elles étaient quand tu t’es tourné vers les US ?

A.W. : C’est petit mais ça grossit, avec des gens comme Jonathan Cape qui republie des auteurs américains comme Joe Sacco et Chris Ware, et qui a commencé à publier Posy Simmons, qui est une artiste anglaise qui est fantastique. Et il y a la possibilité de voir si le marché du «graphic novel» continue à progresser, et si c’est le cas, d’autres éditeurs anglais viendront s’y intéresser, mais c’est encore trop tôt pour se prononcer.
En Angleterre, le manga est énorme, et il y a beaucoup de fanzines, avec beaucoup d’enthousiasme, mais là encore ce sont les premiers pas. Et dans dix ans, quand ces gens-là voudront faire leurs propres bandes dessinées, ce sera intéressant de voir s’ils voudront reproduire un style japonais ou s’ils voudront affirmer leur propre style d’expression. Je pense que c’est une époque intéressante en Angleterre, et on verra comment ça se concrétise dans le futur.

X. : L’influence de l’Asie est très présente dans tes premiers travaux. Comment cela se fait-il ? Es-tu allé au Japon, lis-tu le Japonais ?

A.W. : J’aimerais bien. (rires) Je pense que c’était l’aspect unique. J’ai découvert les manga lorsque Marvel publiait Akira, et ça m’a mis par terre. Je n’avais rien vu de tel, c’était excitant, c’était une manière complètement nouvelle de raconter une histoire, en utilisant les images, vraiment, et j’ai pensé «wow». Et je m’y suis vraiment intéressé, et je suis allé dans les magasins japonais acheter des tankôbon en Japonais, je n’y comprenais rien mais je pouvais lire, lire les images, et c’est ce qui m’a beaucoup marqué. La manière dont ils s’affranchissaient de tout, la manière dont ils s’accordaient beaucoup plus d’espace, l’importance du rythme. Et bien sûr, la narration visuelle qui est très importante dans le manga.
C’était très intéressant, à côté des indépendants américains, et j’ai essayé de les combiner de diverses manières. Même si Little Star n’a rien d’un manga en apparence, la manière dont l’histoire est rythmée et dont les scènes s’articulent est très influencée par le manga sous la surface.

X. : Quels sont tes projets maintenant que tu viens de terminer Little Star ?

A.W. : Un peu plus tard cette année, j’ai une «graphic novel» pour Vertigo, le label de DC Comics, c’est une sorte de livre de genre. J’en suis assez content, c’est la première fois que que je sors un livre d’un coup sans le publier en numéros. Pour quelque chose comme Little Star, par exemple, je planifie, mais je ne fais pas tout d’un coup. C’était vraiment bien, un peu comme d’écrire un roman, tout est là, devant toi, et tu peux te concentrer sur le dialogue ou la structure, des choses sur lesquelles j’ai vraiment besoin de travailler. Ca sort plus tard dans l’année.
Sinon, j’ai aussi dessiné une cinquantaine de pages d’un livre, un peu comme les vieux livres de contes de fées, et ça sera publié dans une anthologie anglaise qui s’intitule Best New Manga, mais ça ne sortira pas avant Octobre. Et puis ensuite, je ferais peut-être une suite au livre Vertigo mais rien n’est encore décidé. Et j’essaie de trouver un peu de temps pour travailler sur mes propres livres …
J’espère qu’en Septembre je pourrais me remettre au travail à fond, cela fait quatre ans que je travaille presque à mi-temps, je suis papa et j’essaie de mener les deux de front. Mais ma fille va aller à l’école à partir de Septembre, et j’espère que … ç’a vraiment été difficile de se concentrer durant ces quatre dernières années, et la bande dessinée demande toute ton attention … ça va être intéressant de voir ce ça va donner.
Sinon, je vais être encore publié en Français, ce qui m’excite beaucoup. Il y a bien sûr Slow News Day chez çà et là, c’est un très beau livre, bien produit et imprimé et j’en suis très content. Mais il y a encore d’autres choses à venir, comme Dumped en Mai, et — (se tournant vers Serge, de çà et là) c’est quoi le titre, en français ?

Serge Ewenczyk : Ruptures.

A.W. : Ah oui, c’est ça, et puis en Septembre ce sera Little Star, ce devrait être … Petit Etoile ?

S.E. : Non, je pense qu’on gardera le titre original, Little Star.

A.W. : Et je devrais revenir en Mai, peut-être, à Lyon chez Expérience. C’est vraiment bien pour moi, de pouvoir rencontrer des lecteurs français. J’étais déjà venu à un salon à Paris et je n’avais encore rien de traduit, et pourtant j’ai été bien reçu — ça me fait très plaisir que les lecteurs français apprécient mon travail.

X. : Oui, les américains en particulier trouvent que la France est un marché très dynamique pour ce qui est des indépendants. En fait, les tirages sont équivalents, mais pour une population qui est tout juste le tiers. D’une certaine manière, la France a une scène indépendante très active, mais les gens se plaignent toujours …

A.W. : Je pense que c’est ce que font tous les fans de bande dessinée, se plaindre. Mais je trouve que c’est important, l’arrivée du «graphic novel» aux US, les volumes en noir et blanc d’une centaine de pages, et c’est en train de décoller. Et c’est aussi le cas en Allemagne, en Italie, en Espagne, et pour quelqu’un comme moi, qui suis plutôt un marginal avec un lectorat réduit, quand on les additionne tous ça devient plus facile de sortir quelque chose et que ce soit rentable économiquement parlant. Et je peux alors me concentrer sur mon travail plutôt que de chercher des petits boulots ici ou là.

Entretien réalisé le 28 Janvier 2006, durant le Festival d’Angoulême.

Site officiel de Andi Watson
Entretien par en février 2006