Guy Vidal
J’ai interviewé M’sieur Vidal dans son bureau de chez Dargaud en avril 98. Je devais faire un papier pour une revue (Regards, un mensuel d’infos politiques et culturelles dans la mouvance du PC). Je n’ai pas utilisé le dixième de l’interview (et je ne sais même pas quand le papier passera …), alors je me suis dit que c’était dommage de laisser ce papier dormir dans mes disquettes, et que le plus simple, c’était encore le ouèbe. Voilà donc le texte, brut, de l’entretien.
Il est plein de défauts (mes questions sont mal posées, souvent plates, je parle beaucoup trop et je n’écoute pas assez, c’est clair), mais j’ai préféré ne pas le réécrire — de toutes façons, à six mois d’intervalle, ce serait à la fois malhonnête et idiot).
Un dernier truc : cette interview s’est très bien passée. Guy Vidal est un type accueillant, souriant, sympa. Il fume comme un pompier en se balançant sur son fauteuil, dans un bureau plein de dessins, de planches, d’affiches. Je le remercie de m’avoir consacré deux heures de son temps, et je remercie aussi Hélène Werlé, l’attachée de presse de Dargaud, d’avoir joué les entremetteuses en ma faveur pour cet entretien.
[Loleck|signature]
Loleck : depuis Angoulême, on entend beaucoup dire que le marché de la BD est en pleine expansion, tant en ce qui concerne les chiffres de vente que la diversité des collections, des formats. Vous qui avez une vision de ce marché sur le long terme, est-ce que c’est une tendance que vous constatez aussi, ou bien n’est-ce qu’un effet de perspective ?
Guy Vidal : Non, moi, sachant qu’on se voyait ce matin, j’ai mis quelques papiers de côté, notamment celui de la Tribune, qui est un vrai chant triomphal : on disait que la BD était frappée de sinistrose dans les années 80, depuis deux trois ans elle semble connaître une seconde jeunesse … C’est plein de chiffres, plus ou moins vrais, mais bon … le jugement est exact !
Non, il n’y a pas de doute, moi qui pratique la BD depuis un bail, il y a eu toute une période où on la disait sinistrée, et c’est vrai depuis deux ans, les chiffres — bon, les chiffres, quelque peu fiables qu’ils puissent être, ils restent dans une fourchette de crédibilité — c’est vrai que la BD aligne des scores impressionants, qui ont impressionné les libraires, les journalistes, les lecteurs : ça se mord la queue, si j’ose dire.
Bon, on peut dire que la bande dessinée, les best-sellers, ça va bien, mais que c’est un peu comme ce qui se passe en littérature : y’a de très très gros tirages avec de très très grosses ventes, et puis pour les jeunes auteurs c’est plus difficile, passque, passque … C’est plus difficile et pour les jeunes auteurs, et pour les éditeurs qui veulent installer de jeunes auteurs, parce que l’effet de masse, comme au cinéma … on se précipite vers le best-seller, parce qu’on en parle beaucoup, et on se titille peut-être pas assez la curiosité pour aller voir du côté des jeunes auteurs … On va pas beaucoup chercher, quoi.
Loleck : Est-ce que vous avez l’impression que, après des années (Pilote, Métal, Fluide) où la BD se faisait dans les revues et la presse avant de passer en albums, période révolue, encore plus avec la mort de (A Suivre), ce sont maintenant de petites structures expérimentales ou associatives (L’Association, Ego Comme X, Frigobox) qui peuvent jouer le rôle que jouaient à l’époque les revues : servir de laboratoires, créer des genres que les structures plus lourdes peuvent après récupérer (je pense à Trondheim qui commence dans Lapin et puis qui fait ensuite une série de Lapinot chez Dargaud) ?
Guy Vidal : Oui. Euh … Peut-être pas de la même manière. Moi je me souviens de Pilote ; il m’arrivait de voir de jeunes auteurs ou de jeunes dessinateurs quand j’étais à Pilote : un dessin, une page, deux pages m’intéressaient, je prenais et je publiais.
A l’époque Pilote était mensuel, il y avait une souplesse que même ces petites structures n’ont pas. L’époque était plus riche et permettait davantage de choses, oui. Mais les jeunes éditeurs accomplissent effectivement le travail que vous décrivez.
Loleck : Ça commence comment, aujourd’hui, un dessinateur de BD ? Il faut passer par un fanzine créé avec un groupe de copains, ou bien il y a encore, chez Dargaud, des gens qui arrivent avec un carton sous le bras en venant montrer leurs planches ?
Guy Vidal : Ah oui, oui. C’est vrai que la manière fanzine, petit groupe de copains, petite revue, etc., aidé par le CNL, parce que le CNL aide, est une bonne manière, ne serait-ce que pour se fabriquer un coup de pinceau. Mais il est vrai aussi que presque tous les jours on reçoit des dossiers, des propositions, de jeunes auteurs qui frappent à la porte de Dargaud, de Casterman ou de Dupuis.
Loleck : Et ça peut marcher comme ça ? Il y a des gens, actuellement, dans le catalogue de Dargaud, que vous avez découverts comme ça ?
Guy Vidal : J’ai un couple d’auteurs, pour lesquels je me suis battu à l’intérieur de Dargaud pour qu’on les édite, Anne Ploy, qui est scénariste, qui travaille pour Delcourt, et un jeune dessinateur qui s’appelle Frédéric Sorrentino, qui m’ont envoyé un projet par la poste, et je me suis empoigné pendant six mois, huit mois, avec les structures Dargaud, avec l’appui de Didier Christmann pour que ça passe. Bon, ça passe, mais … c’est dur.
Loleck : On a l’impression que la multiplication de ces petites structures, ces revues, ça a modifié aussi le format des collections. Depuis Lapin, peut-être, qui a été le pilote, il y a une diversification des formats, des formats qu’on retrouve chez Delcourt, chez Dargaud aussi avec la collection Roman-BD. On a l’impression que les éditeurs font tout pour que les auteurs aient la plus grande liberté formelle d’expression. Ça correspond à une nécessité ancienne, ça, ou c’est récent ?
Guy Vidal : Oui, on peut rajouter les Humanos, aussi, qui viennent de lancer [la collection] Tohu-Bohu. En ce qui concerne Dargaud, que je connais le mieux, ça correspond à un désir des auteurs, et à un accompagnement de l’éditeur, sur des chemins difficiles, parce que l’univers de la bande dessinée est un univers où, même du côté des libraires — pas de façon délibérée, je ne pense pas, mais par commodité — le format classique, le format à la Astérix, les libraires en ont l’habitude.
Et les petits formats, les formats à l’italienne, enfin tout ce qui sort de la norme du grand format, se heurte d’entrée de jeu à une difficulté pratique : on ne sait pas où les mettre.
Loleck : Mais on a l’impression qu’il a fallu que ces petites revues, comme Lapin, proposent de nouveaux formats, essayent une réhabilitation du noir et blanc (mais là il y a peut-être des antécédents chez Futuropolis dans les années 80) pour que les éditeurs plus « institutionnels » (Dargaud, Dupuis, Casterman) se mettent eux aussi à se dire « effectivement ça serait bien qu’on offre cette liberté formelle aux auteurs ».
L’impression que ça donne, c’est qu’aujourd’hui un éditeur ne doit plus seulement se battre pour garder ses lecteurs, il faut aussi qu’il se batte pour garder ses auteurs.
Guy Vidal : Moi j’ai toujours connu ça, de la part des éditeurs, un sentiment qui est à la fois un sentiment économique et un sentiment affectif, à l’égard de « ses » auteurs. Ils n’aiment pas les voir gambader ailleurs. Alors bon, quand il s’agit d’un best-seller, l’économique joue peut-être plus fort, mais ça joue aussi sur des auteurs moins connus … ça fait partie de … demeure quand même, surtout pour moi qui suis un vieux de la vieille, demeure quand même quelque chose d’affectif.
Loleck : Il y a une grande mobilité des auteurs d’un éditeur à l’autre.
Guy Vidal : Ben, les auteurs, légitimement, pensent qu’il vaut mieux ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Les éditeurs ont une pensée inverse, dans la mesure où ils font des efforts de promotion, d’accompagnement, etc., parce qu’ils aiment bien que l’oeuf reste dans leur panier, parce que si un jour ça devient un oeuf en or …
Loleck : C’est étonnant, avec cette diversité des formats, des styles, des offres graphiques faites aux lecteurs, que la bande dessinée ait toujours aussi peu de place dans la presse. La place laissée à la BD est toujours ultra minoritaire par rapport à sa diffusion réelle.
Guy Vidal : Oui. Moi, dans les années 70, comme d’autres, j’ai cru que la bande dessinée était partie pour s’installer comme une partie du paysage culturel. Moi, je viens d’une époque où la bande dessinée était carrément méprisée. A l’heure actuelle, ce que je pensais dans les années 70 ne s’est pas vérifié, et demeure toujours l’extraordinaire pesanteur des clichés, de la facilité du maniement des étiquettes.
Quand sous la plume d’un journaliste on lira « c’est de la bande dessinée », c’est demeuré toujours un peu péjoratif, mais ça, ça vient surtout peut-être de l’ignorance. Parce que pour qui connaît la bande dessinée, en trente ans elle est devenue, à mes yeux, d’une surprenante richesse, d’une surprenante variété, etc.
Mais pour qui la voit de très loin et ne la connaît pas, c’est toujours commode d’avoir un lieu commun, et la presse classique est quand même d’une grande paresse. Parce que l’importance d’une Claire Brétécher, l’importance d’un Bilal, l’importance d’un Moebius, importance entre guillemets mais importance quand même, ça ne mérite pas cette espèce de condescendance qui demeure. Condescendance qui a dû, peut-être, se teinter d’un peu d’envie de la part des éditeurs classiques.
Loleck : Évidemment, quand on voit XIII ou Joe Bar Team dépasser les 350 000 exemplaires, et se classer en tête du box-office tous types d’édition confondus, ça devrait modifier l’image dans le public et dans le monde éditorial. Et pourtant, on a l’impression que la BD n’arrive pas à se dégager de l’étiquette « art populaire », et là populaire redevient péjoratif. La paresse suffit à expliquer ça ?
Guy Vidal : C’est Goscinny qui disait « quand on me demande mon métier, je réponds scénariste de bandes dessinées, et la plupart du temps on me dit bon d’accord, mais à part ça qu’est-ce que vous faites comme métier sérieux ? ». Ça, ça date des années 60-70.
Aujourd’hui on n’en est plus là, et on peut dire « je suis scénariste de bandes dessinées » sans que la question posée à Goscinny revienne, mais enfin ça demeure. Moi j’ai tendance à penser que de la part de ceux qui ne connaissent la BD c’est lié à une certaine forme de paresse, de non-curiosité. Le cinéma au moment de sa création, ça a été un peu la même chose : on considérait ça comme un divertissement sans grande importance.
Loleck : Comment faire pour changer ça ? Est-ce que c’est aux éditeurs, aux libraires, aux auteurs de changer ?
Guy Vidal : Moi j’ai tendance à penser, par rapport au temps écoulé, que quand même des progrès ont été fait, dans la perception de la bande dessinée, et je pense que auteurs et éditeurs s’activent, chacun à leur manière, à la fois par le contenu et par la manière dont on projette le contenu, et je pense que si ça doit se modifier, ça se modifiera, ne serait-ce qu’avec l’arrivée de générations pour qui la bande dessinée est un vecteur familier, évident.
Tant qu’on verra un … comment il s’appelle, le rédacteur en chef du Figaro, là … Franz-Olivier Giesbert … jeter la journaliste qui prétend parler de bande dessinée dans son émission … Faut espérer qu’un jour Franz-Olivier Giesbert sera à l’Académie Française, et qu’un type un peu plus ouvert acceptera qu’on parle de bande dessinée dans son émission.
Loleck : Avec le boom du multimédia, les éditeurs cherchent à utiliser ces nouveaux moyens pour promouvoir les travaux et les auteurs qu’ils publient. Vous pensez que cette voie, le site internet Dargaud, ça peut aider à modifier l’image de la BD ?
Guy Vidal : Je n’ai pas les connaissances qui me permettraient d’avoir une réponse fondée réellement. Je pense en tous cas que la bande dessinée ne peut pas se tenir à l’écart de ces nouveaux outils. Donc toutes les tentatives, que ce soit Dargaud, Dupuis, les Humanos, c’est de l’exploration.
On ne peut pas laisser ces nouvelles techniques se développer en disant « ça n’existe pas, je ne m’en occupe pas », quand ces média rendent justement l’image omniprésente … Oui, les éditeurs et les auteurs ont raison de s’intéresser à ça.
Loleck : Ça peut rencontrer d’autres formes artistiques, la BD ? Ça peut aller voir du côté du cinéma, de la littérature ? Quand Futuropolis avait essayé de faire illustrer de grands romans classiques par des auteurs de BD, ce genre de choses-là est d’après vous un moyen d’aider la BD à se dépouiller de son étiquette péjorative « populaire » ?
Guy Vidal : J’ai le souvenir de Tardi illustrant Céline, et j’ai trouvé ça formidable. Je me revois tournant les pages du Céline de Tardi, époustouflé par le style de Céline, et réussissant à être ébahi par l’invention et l’imaginaire de Tardi.
Donc là, oui, mais oui parce que c’est exceptionnel, parce que Tardi me semble-t-il donnait sa dimension supplémentaire. Dans d’autres cas, si c’est uniquement … Je me souviens chez Dargaud de tentatives de mixage des Trois Mousquetaires ou du Capitaine Fracasse, qui est un bouquin formidable, illustrés par des gens avec moins de souffle, moins d’intérêt pour ce qu’ils faisaient … Ça n’avait pas grand intérêt.
La bande dessinée n’a pas besoin de falsifier ses papiers pour exister.
Loleck : A vous entendre on a vraiment l’impression que ce qui est propre à la BD, pour vous, c’est vraiment qu’il n’y a pas de règles. C’est qu’il y a des rencontres qui se font, et des rencontres qui ne se font pas. On ne peut pas calculer, on ne peut pas « stratégiser » : il peut toujours arriver des choses pas prévues, et inversement on peut calculer les choses très finement, et elles se cassent la gueule.
Guy Vidal : Les éditeurs en ce moment calculent beaucoup, et essayent de prévoir beaucoup. Mais moi je suis très admiratif devant leurs efforts, mais disons, je prétends qu’il restera toujours une part d’imprévisible absolu, et je n’en suis pas mécontent.
On a l’impression qu’un producteur, ou un éditeur de littérature, peut calculer le marché et essayer de lancer un produit, alors que ça a l’air beaucoup plus difficile en BD de lancer un produit, de « faire marcher » quelque chose. C’est peut-être ça aussi qui fait qu’elle a du mal à s’imposer : c’est qu’elle n’est pas fiable.
Guy Vidal : Elle est toujours en liberté, tant mieux, mais je trouve que les éditeurs actuels, par rapport à ceux d’avant, ont quand même grandement affiné leur manière d’appréhender le marché. Le marketing, la gestion commerciale, ont fait en bande dessinée de grands progrès par rapport à mes souvenirs, même s’ils ne sont pas encore parvenus à rationaliser complètement. Heureusement, c’est toujours une activité libre.
Loleck : Ça me fait une magnifique transition pour ma deuxième série de questions. La BD art populaire, un peu hérétique, marginal, difficile à calculer. Est-ce que ça fait de la BD un art de marginaux, donc de francs-tireurs, donc de libertaires et de révolutionnaires (c’est caricatural, mais volontairement) ?
Guy Vidal : Oui, mais je ne crois pas que ce soit une exclusivité de la bande dessinée. Je crois, j’espère, que ce que vous décrivez doit demeurer chez tous les créateurs, et que naturellement on le retrouve chez les auteurs de bande dessinée. Y’a une spécificité [de la BD] : ça coûte cher, mais ça coûte moins cher qu’un film, toutes ces grosses machines … et disons que les enjeux n’étant pas tout à fait les mêmes, c’est une voie peut-être encore un tout petit moins écrasée par les contraintes financières, économiques, etc …
Il y a des espaces possibles, même s’ils se sont rétrécis par rapports aux décennies précédentes, des espaces de liberté qui demeurent envisageables. Demeurent chez Dargaud, même si c’est infiniment plus difficile qu’à une époque de vaches grasses, des chemins de création libre.
Loleck : Il y a eu une évolution dans le rapport politique-BD, depuis la crise de 68 ? Est-ce que la bande dessinée s’est appropriée la représentation du monde ?
Guy Vidal : Bien sûr, oui. Moi qui ai connu la bande dessinée en tant que lecteur dans les années 50-60 et en tant que participant à partir des années 60, le remue-ménage provoqué par Pilote, en schématisant, par Charlie Hebdo, par 68, a quand même formidablement ouvert le champ du possible pour les auteurs de bande dessinée. Moi je me souviens d’une époque où la bande dessinée c’était l’aventure, l’humour, des choses comme ça, et grâce à ce bouillonnement des années 70, et grâce aux créateurs qui ont participé à ce bouillonnement, il est possible de faire de la science-fiction, de l’heroic fantasy, de l’érotisme … La palette s’est formidablement ouverte.
C’est pour ça que, à l’heure actuelle, on parle de triomphe de la bande dessinée, mais quand on me disait « la crise de la bande dessinée », « la stagnation de la bande dessinée », moi qui ai la chance d’avoir parcouru toutes ces années et toutes ces pages, ben la bande dessinée me semble-t-il n’a pas cessé de s’embellir, et de devenir de plus en plus riche.
Au point même que pour les lecteurs c’est de plus en plus difficile de s’y repérer — bon, pour les bouquins « classiques » c’est la même chose, pour les films c’est la même chose.
Loleck : Il y a encore un cloisonnement : les gens de Fluide Glacial ne sont pas les gens de Charlie Hebdo, c’est pas le même travail. Il y a des passerelles formelles ? Riss, Charb, Luz, pour vous ce sont des dessinateurs de BD ? C’est le même métier ?
Guy Vidal : C’est deux métiers proches, mais c’est pas le même métier. L’auteur de bandes dessinées est un … Je pense à Fred, à d’autres … Leurs réactions sont moins instantanées. Un auteur de bande dessinée est peut-être quelqu’un qui doit digérer plus longtemps l’air du temps, la qualité des jours, puis en sortira une oeuvre, tandis qu’un dessinateur de presse réagit au coup par coup, à chaud, c’est plutôt une humeur, une phrase, un cri … L’auteur de bande dessinée élabore davantage, me semble-t-il, ce qu’il va nous donner par rapport à l’air du temps. Donc il y a une différence.
Loleck : Les Mégrets gèrent la ville de Luz, là c’est de la BD sous la forme la plus traditionnelle. Case, bulle, planche : on est vraiment à la frontière.
Guy Vidal : Oui, là, on est vraiment à la frontière.
Loleck : La volonté de Tardi de travailler sur de la bande dessinée historique, mais pas n’importe laquelle, avec une mémoire engagée, et la volonté d’un Luz de faire de la BD engagée, ça vous semble aller dans la même direction ?
Guy Vidal : Non, ça me semble bien illustrer l’enrichissement de ce médium. Enfin bon, moi je suis ni un puriste ni un historien de la bande dessinée. Ce qui m’a toujours intéressé dans la bande dessinée, et c’est aussi ce qui m’a toujours intéressé dans la littérature ou dans le cinéma, c’est à travers des moyens matériels (pellicule, papier, etc …) entendre quelqu’un qui dit quelque chose.
Alors après c’est ma sensibilité qui réagit, et je réagit peut-être davantage à Tardi qu’à un pamphlet sous forme de bande dessinée, mais je suis bien content que le pamphlet existe et se serve de la bande dessinée. C’est une position personnelle.
Mais ce qui me paraît primordial, c’est l’auteur inimitable. Tardi, c’est Tardi, Baru c’est Baru, Christin, Bilal, ce sont des voix qui me parlent, que je vais intégrer ou pas. J’intègre assez mal, bien que j’aie de la sympathie pour lui, Vuillemin.
Loleck : Dans le même ordre d’idées, l’article de la Tribune en parle, ça fait quelques années maintenant que le monde enseignant s’est emparé de la BD, en concevant que ce pouvait être un outil pédagogique. Est-ce que là il n’y a pas un engagement de la BD, dans la volonté de devenir un moyen d’enseignement et pas seulement un moyen de distraction et de loisir ?
Guy Vidal : Ma première réaction, classique, c’est de me souvenir de l’époque où je me faisais virer de classe parce que je lisais des illustrés. Maintenant les auteurs de bande dessinée sont dans les manuels scolaires. Je trouve ça plutôt sympathique, en gardant en tête une réflexion de Gotlib qui s’inquiétait un jour de ça, en disant « est-ce que à force de se faire récupérer – ça rejoint la question précédente – par l’établissement, est-ce qu’on ne risque pas de perdre de la liberté, de l’anarchie … ».
Là j’ai pas … J’ai reçu hier ou avant-hier une bande dessinée traitant d’éducation civique. J’ai trouvé ça un peu rébarbatif au niveau du texte, mais pourquoi pas ?
Loleck : Vous avez le moyen de savoir actuellement qui lit la BD ? Vous pouvez dire, chez Dargaud, que votre lectorat a tel ou tel âge ?
Guy Vidal : Non, non. Pas précisément. Le lectorat est masculin, toujours, plus que féminin. Peut-être parce que les éditeurs n’ont pas creusé de ce côté-là. Là aussi, peut-être, un jour un jeune éditeur va lancer une collection qui s’adressera particulièrement aux femmes, aux filles, et puis il y aura des éditeurs qui brusquement pencheront du côté de la parité … Allons-y !
On a eu peur, parce qu’à un moment donné, chez les libraires, on entendait « oui mais les gens qui viennent ont 35-40 ans ou plus, etc … », « le lectorat ne se renouvelle pas ». Il semblerait qu’à l’heure actuelle, si, il se renouvelle, même si c’est à travers le manga.
Je me souviens de Jacques Diament, ancien patron de Fluide Glacial, qui disait « ouh là là, notre lectorat rajeunit de plus en plus, ça m’inquiète ». Moi je ne trouve pas ça inquiétant.
Loleck : « On a eu peur », c’est quelle époque ?
Guy Vidal : C’était les années 80.
Loleck : Il y a eu un creux général ?
Guy Vidal : Il y avait cette impression, de moins de lectorat jeune, et puis il y a eu une période au début des années 80 où peut-être les éditeurs sortaient un peu n’importe quoi, parce que, parce qu’on avait découvert que les albums pouvaient se vendre très bien.
Moi je viens d’une époque où il y avait peu d’albums, beaucoup de journaux. Après il y a eu la période avec beaucoup d’albums, et les journaux pâlissant un peu. A l’heure actuelle, on est hélas, du côté de la presse, sans plus beaucoup de presse, il reste Fluide Glacial, et puis quelques revues, fanzines, etc … mais pas mal d’albums. La bande dessinée est devenue « classique », en se mettant à ressembler à l’édition en général.
Loleck : Tout le monde note que c’est quelque chose qui est typiquement français, cette logique de l’album. Ça ne s’acclimate ni en Allemagne, ni aux États-Unis, ni au Japon, qui sont de grands consommateurs de BD. Vous avez une explication pour ce phénomène ?
Guy Vidal : Non. Un souvenir me vient en vous écoutant : je me souviens d’auteurs américains débarquant à Bologne, il y a des années, hein, et s’extasiant devant nos albums, devant la qualité, le carton, la couleur, le papier ? et pourtant, là aussi ça devait être dans les années 70, le papier était inférieur à ce qu’il est à l’heure actuelle.
Je ne sais pas, je disais que je n’étais pas un historien de la BD, je ne sais pas, les habitudes de consommation … Mais je crois que là aussi on en revient à ce qu’on a pu dire à un moment donné : ce particularisme, c’est une bonne chose, qui résiste à l’uniformisation dont certains doivent rêver parce que ce serait plus pratique de pouvoir inonder la planète.
Là encore, seul résiste un petit village gaulois ? gaulois, italien, allemand, espagnol …
Loleck : Est-ce qu’un grand village européen qui résiste ce serait idéal ?
Guy Vidal : Oui, je suis assez européen, alors bon je souhaite que oui. Ben le petit gaulois … C’est Uderzo qui disait que par habitant, la Finlande consomme plus d’Astérix que la France, en Allemagne Astérix est un succès. Le petit gaulois a fait l’Europe, espérons que ce soit de bon augure.
Loleck : L’impression d’ensemble, c’est l’impression de résistance : ce côté « franc-tireur » de la BD, qui en fait quelque chose de relativement indépendant. En même temps, vous disiez tout à l’heure que le marketing de la bande dessinée, la finance la bande dessinée, sont en plein progrès.
La restructuration industrielle qui fait que de grands groupes d’investissement, chez Dargaud aussi d’ailleurs, est-ce qu’il n’y a pas de craintes à avoir ? Est-ce que la bande dessinée ne risque pas de devenir, sous l’influence des grands groupes qui la tiennent et la soutiennent financièrement, un produit obligé de se conformer à des règles de rentabilité, qui tueraient sa créativité ?
Guy Vidal : Y’a un risque, mais la vie est une recherche d’équilibre, à mes yeux. Donc, c’est vrai. Mais reste la marmite où se concocte … je ne sais pas, ce qui après est accompagné par les gens du marketing, de la gestion, etc … Mais, on citait XIII : je connais peu Van Hamme, mais lorsqu’il a créé XIII, intelligent comme je le pense, il a dû rechercher effectivement tous les ingrédients, tout le dosage, etc …
Mais les premiers XIII, je crois que XIII a failli être arrêté par l’éditeur, parce que le 1, le 2, le 3, ça marchait très moyennement, et puis, et puis, qu’est-ce qui s’est passé ? A l’époque, y’a pas eu de gros truc de promotion, de machins comme ça, l’étincelle s’est produite et ça a décollé.
Alors, malgré tout, les éditeurs sont condamnés à regarder avec attention presque tout ce qui leur est présenté, parce qu’on ne sait jamais, il y a peut être la pépite à l’intérieur de Pierre ou Paul, qui passent. Comme pour Astérix, l’invention par Goscinny et Uderzo de leur petit personnage, à l’époque, chez les éditeurs, un héros petit, rabougri, avec un mauvais caractère, je crois pas que c’était le prototype du truc dont on pensait « oh ça va faire un malheur ». Ils ont créé leur journal pour pouvoir faire ce qu’ils avaient envie de faire.
Et ça reste vrai aujourd’hui : je suppose que les gens de l’Association ou d’autres continuent à faire ce qu’ils croient. Y’a peut-être là, je le souhaite, [des pépites], vous évoquiez Lewis Trondheim, Dargaud, moi, on croit absolument à Lewis Trondheim, et pour l’instant Lewis Trondheim ne rivalise pas avec XIII.
Loleck : En gros, ça veut dire qu’un éditeur de BD ne pourra jamais décider a priori « maintenant on ne fait plus que ce qui marche ».
Guy Vidal : Ça n’existe pas, « a priori », ce qui marche. A moins de faire comme dans le football, on débauche à coups de centaines de milliers de francs untel ou untel … C’est vrai que le métier est devenu beaucoup plus difficile pour les jeunes qui le pratiquent, pour les auteurs.
Mais heureusement, il y a toujours cette incertitude, qui demeure, et qui donne une chance ? moins que jadis, mais toujours ? au jeune auteur. Parce que l’éditeur ne sait pas tout.
Loleck : « Plus difficile », parce qu’il n’y a plus cette souplesse dont vous parliez tout à l’heure, qui permet de publier deux dessins ou une planche d’un auteur sans prendre trop de risques ?
Guy Vidal : Oui, et puis parce que lancer une nouvelle série, c’est 150 000 francs de fabrication, plus les avances sur droits, l’éditeur se doit d’être aussi prudent, dans la mesure où ce sont des investissements lourds, en plus on sait qu’il faut attendre X numéros d’une série pour que ça se mette éventuellement à bouger, donc c’est un investissement lourd pour une assez longue durée parce que la bande dessinée c’est encore, dans sa réalisation, une chose très artisanale, longue. Donc les chances pour le jeune auteur d’être publié sont plus rares et le parcours est à mes yeux plus difficiles. A l’époque des journaux, on testait, on piquait, voilà, ça n’engageait pas aussitôt tout le bataclan de la finance.
Loleck : Justement, je reviens à ce danger potentiel que représentent les impératifs financiers. On a l’impression que fonctionne en BD, plus qu’il y a quelques années, le réflexe qui consiste à dire « tel type de travail marche, imitons-le ». Une série qui marche, comme Aquablue chez Delcourt, va engendrer un nombre infini de répliques. Il n’y a pas un risque d’appauvrissement, là ?
Guy Vidal : Si. Si, mais bon, on a déjà connu ça : à une époque, Dupuis, c’était énormément de simili-Franquin. Donc le risque existe, la tentation a toujours existé, et peut-être un peu plus à l’heure actuelle, davantage à l’heure actuelle, oui.
Loleck : Mais vous n’avez pas l’impression que la bande dessinée est « en danger » pour autant ?
Guy Vidal : Je crois qu’ily a cet éterneldialogueentre la créativité et la rentabilité. Des époques plus riches et plus faciles permettaient à la créativité de mieux s’épanouir, des époques comme celle-ci, plus raides, plus difficiles, rétrécissent le champ de la créativité, parce que la [question de la] rentabilité ? qui n’est en rien à mes yeux méprisable ? se pose avec plus d’acuité.
Moi j’ai connu Dargaud en danger parce que la rentabilité était un tout petit peu perdue de vue. Il faut trouver, j’en reviens toujours à mon maître-mot, sauf quand je suis saôul : « équilibre ».
Loleck : C’est paradoxal [comme paysage] : en même temps, multiplicité des possibilités créatives ? au niveau formel il y a plein d’auteurs qui font plein de choses différentes ; et en même temps, impératif de rentabilité renforcé qui a tendance au contraire à restreindre la palette. Il y a un double mouvement qui est contradictoire.
Guy Vidal : Oui, mais qui me paraît lié à l’époque où nous sommes et aux jours où nous sommes. Je ne crois pas, et même parmi les jeunes éditeurs, que le souci de la rentabilité puisse être oublié, parce que c’est se condamner au mur assez rapidement.
Loleck : Sans parler d’oublier, est-ce que la bande dessinée, l’exception française, justement parce qu’elle ne s’impose pas comme art majeur, ne risque pas de céder à des impératifs de rentabilité rapide qui sont ceux du monde de l’entreprise ?
Guy Vidal : Sans parler en général, pour ce que je vois de ma fenêtre, il me semble que la bande dessinée est davantage à l’abri de ce que vous décrivez que pas mal de secteurs dans l’édition classique. C’est peut-être parce que Dargaud va plutôt bien que j’ai cette impression-là, mais c’est vrai que le danger que vous décrivez me paraît réel mais ne me paraît pas imminent, en tout cas en ce qui concerne la bande dessinée.
Même si la bande dessinée, comme tout ce qui vit, subit des restructurations, des … elle le subit comme le reste. Peut-être un petit peu moins fortement que tel ou tel grand groupe, à l’heure actuelle, dans l’édition. Si je pense à ce qui se passe pour Havas, la CGE, etc …, je suis content de ne pas être dans un de ces mastodontes.
Loleck : Il y a le risque de voir un jour Dupuis, Dargaud, Casterman tomber sous la coupe de ces énormes investisseurs qui …
Guy Vidal : Là, dieu seul le sait … Possible … Est-ce que l’édition représente un intérêt suffisant … ?
Loleck : La BD serait paradoxalement protégée par son statut un petit peu marginal ?
Guy Vidal : Oui.
Loleck : Je change de sujet. On disait tout à l’heure qu’en presse BD y’a pas grand chose. Il y a Fluide, qui est une comète, il y a des choses comme BoDoï, comme le Psikopat …
Guy Vidal : … il y a peut-être encore un peu de BD dans l’Écho des Savanes …
Loleck : … dans l’Écho des Savanes …
Guy Vidal : … mais ça fait longtemps que je ne l’ai pas lu ! !
Loleck : Moi non plus. Il y a des revues qui sont pratiquement des bouquins tellement elles sont soignées, type Lapin. Et on voit apparaâitre, depuis trois ou quatre ans, des revues quasiment à usage interne, Planète Delcourt, La Lettre de Dargaud, qui sont, même au niveau éditorial, d’une qualité équivalente à celle d’un périodique de bandes dessinées.
Vous croyez que ça peut évoluer vers de la publication de planches, vers de vrais mensuels ou bimensuels, comblant les vides laissés par la disparition de revues comme (A Suivre) ou comme Métal, tenant un discours sur la BD, et publiant ? Ou bien ça n’est pas leur boulot ?
Guy Vidal : Non, je ne crois pas. Je crois que ce que vous venez de décrire existe, a sa raison d’être, la manière dont vous le décrivez me paraît juste, mais j’ai tendance à penser ? mais là je me réfère aux gens qui ont fait Pilote ? j’ai tendance à penser que tant que des gens, des individus, n’accoucheront pas d’une idée actuelle, en 2001, correspondant à la période, avec la nouveauté, le ton, la manière, n’inventeront pas quelque chose de différent et de nouveau, non, je n’en vois pas l’utilité …
Loleck : Je pensais à une chose très simple : ce que vous disiez tout à l’heure de la souplesse de votre travail à Pilote, ça ne vous manque pas ? De pouvoir, dans la Lettre, dire « ben voilà, on se garde toujours quatre ou cinq planches qui nous permettent de sortir un strip, une planche, quelques dessins d’un auteur qu’on ne veut pas se lancer à publier tout de suite, mais qu’on aimerait bien montrer à un public de gens qui sont, a priori, plutôt des aficionados » ?
Guy Vidal : … des connaisseurs, oui. Oui, si je prends la Lettre de Dargaud, je crois que c’est une lettre d’informations, c’est une lettre tout à fait intéressante, c’est vrai que si elle pouvait s’enrichir de, de quelques tentatives mettant en valeur certains graphismes, servant un peu de ballons d’essais, oui, pourquoi pas, au contraire, oui.
Loleck : Je retiens quand même ce que vous avez dit à l’instant : en bande dessinée, il faut qu’il y ait des singularités, qui émergent, qui imposent quelque chose de nouveau … Il faut de temps en temps que quelqu’un débarque, et change les règles du jeu, ça tient à l’imprévisibilité d’un type avec …
Guy Vidal : Oui, avec parallèlement le suivi de ceux qui cherchent à baliser le chemin. A mes yeux, il y a encore cet éternel mouvement entre ceux qui posent des lampadaires et puis ceux qui bifurquent … C’est ce qui fait l’intérêt et la vie de cet univers. Les deux étant tout à fait nécessaires, à mes yeux. Sinon, sans les premiers, qui balisent le chemin … il faut qu’il y ait ceux qui assurent la pérennité du truc, et puis les inventeurs, les inventeurs, ce sont les auteurs.
Loleck : Le personnage de Goscinny montre que ce sont les auteurs, et puis, parfois, la capacité à réunir des gens …
Guy Vidal : C’est vrai que Goscinny, Charlier, bon, chacun a ses héros, eh ben Goscinny et Charlier, pour moi, dans cet univers, sont les deux noms très importants, parce qu’à la fois ils ont su être auteurs, et Goscinny comme Jean-Michel Charlier ont su mettre leur poids d’auteur au service d’un univers dont ils faisaient partie et ils ont ouvert la voie à des Druillet, à des Moebius, à des Mézières …
Et je pense que cet état d’esprit demeure, je vois le rédacteur en chef de Spirou, je crois qu’il s’appelle Thierry Tinlot, il publie des jeunes mecs, etc … Bon, il essaie de tenir là aussi la balance équilibrée entre des vétérans, des auteurs à succès, etc., et puis des jeunes mecs qu’il teste.
Et bon, il sait, et Casterman sait, qu’on fait ce même métier qui est un métier d’explorateur en essayant de ne pas se foutre la gueule dans le mur.
Loleck : Pour conclure, vous qui voyez les choses sur le long terme …
Guy Vidal : …je la trouve formidable ! J’étais lecteur de bande dessinée dans les années 50, je lisais Charlier dans Spirou, après j’ai travaillé avec Charlier et Goscinny, grâce à toute cette bande de jeunes gens, géniaux, vivants, emmerdants, j’ai fait trente ans de ce métier.
On m’a demandé comment j’avais pu faire pour rester trente ans dans ce métier. Je suis resté trente ans dans ce métier grâce aux livres qui ont été publiés, et grâce aux gens … vous employiez le mot de comète tout à l’heure … C’est F’murr qui me vient, ou Régis Franc devenu idole des lectrices de Elle, des univers totalement différents, le petit père F’loch, Druillet, Mézières, Cabanes, Bilal … J’ai fait ce métier pendant trente ans, oui … Gibrat, etc …
Loleck : Au moment d’Angoulême, on a beaucoup vu des sélections des meilleurs BD … Y’a eu des oubliés ?
Guy Vidal : Moi j’ai participé à la sélection du Monde, et quand j’ai vu dans la sélection du Monde qu’il n’y avait pas Claire Brétécher, j’étais fâché. C’est Florence Cestac qui m’a dit « c’est une faute professionnelle », et oui, bien sûr, mais après tous les classements sont arbitraires.
Loleck : Bien. Eh bien, merci beaucoup, Monsieur Vidal.
Guy Vidal : De rien, moi ça m’a permis de réfléchir.
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