Michel Plessix

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On lui avait dit qu’adapter un roman était un pari de fou. Le vent dans les Saules est au final une vision habitée qui a rencontré le succès mérité que l’on sait. Michel Plessix a décidé de ne plus lâcher les personnages de Kenneth Grahame pour les emmener un peu plus loin… Là où le roman n’est jamais allé. Le vent dans les Sables ouvre un nouveau cycle, une balade que l’on meurt d’envie de partager. La finesse du trait de Michel Plessix se ressent jusque dans les hommages discrets ou non qui sont autant de confidences avouées au lecteur. C’est un équilibre difficile que de ne pas tomber dans la caricature, le clin d’œil grossier, de ne pas forcer le trait d’une référence. La tendresse manifeste qui émane de ces planches efface le moindre doute quand à l’intention de leur auteur. Ce rat marin qui tient compagnie à Rat sur la couverture, est manifestement l’alter égo de Corto. C’est lui qui incite au voyage et provoque le départ. Un peu plus loin, on distingue nettement le Karaboudjian discrètement ancré dans le fond d’un port, et, jusqu’à l’hommage, pour connaisseur, que Michel Plessix rend dans un décors à ce dessinateur qui a peint la Bretagne voilà un siècle à peu près, Henri Rivière. Délicate attention.

Ronan : Comment avez-vous travaillé sur cet album ?

Michel Plessix : Je ne sais pas encrer, donc je travaille uniquement au crayon, ensuite, des « gris » sont imprimés, qui me permettent de réaliser les couleurs dessus comme je l’entends. Je viens de les terminer d’ailleurs, et j’y ai passé plus de quatre mois.
En ce qui concerne la documentation, je me suis rendu compte que cela ne servait à rien et que ce qui était important, c’était de donner l’illusion de la réalité. Je travaille beaucoup d’après mes souvenirs de ce qu’est la campagne, soit de chez mes grands-parents dans le sud de la Manche, soit de diverses balades en Bretagne. Je ne cherche pas l’exactitude et je n’ai pas les connaissances d’un Pellerin par exemple, mais le bateau qui emporte nos héros vers de nouvelles aventures est très inspiré du Pourquoi Pas de Charcot. C’est un clin d’œil à mon père qui a eu, gamin, un chien né sur le Pourquoi Pas. Mon grand-père, marin breton, connaissait Charcot.

R. : Que pouvez-vous nous raconter sur ce nouveau cycle ?

M.P. : Je ne veux pas en dire trop si ce n’est que cela va tourner autour du voyage, et j’ai envie de me laisser porter un peu en suivant le fil rouge que je me suis fixé, le tout en trois ou quatre albums. J’ai la structure, mais je me laisse porter comme dans Le Vent dans les Saules où l’intrigue n’est pas forcément primordiale. Ce qui me passionne, ce sont plutôt les à-coté et les chemins de traverses.

R. : Comment vous est venue l’idée de poursuivre avec ces personnages ?

M.P. : Cela fait un bon moment que cela me trottait dans la tête. Dans le roman, il y a des passages qui laissent justement la place à la rêverie. Un peu comme dans le chapitre de l’heure bleue dans le tome trois du Vent dans les Saules dans lequel les personnages rencontrent le Dieu Pan… Cela me permettait de matérialiser le temps écoulé depuis l’arrestation de Crapaud jusqu’au moment ou on le retrouve en prison. Et puis en plein dans l’évasion de Crapaud j’avais été obligé d’écarter une coupure qui venait tuer le peu d’action qui se déroulait. Je l’ai mise de coté en me disant que cela pourrait faire un très bon départ pour autre chose. Dans la foulée, j’en avais noté les grandes lignes dès 1996, et de la même manière, j’ai aussi pris des notes pour un éventuel troisième cycle !

R. : Ce n’est pas trop effrayant de prévoir à si long terme ?

M.P. : Je ne suis pas certain du tout de faire ces albums ! Si je m’amuse encore à ce moment là, alors j’aurais de la matière pour continuer. On commence déjà à me dire que c’est une idée saugrenue de poursuivre avec ces personnages, de quitter le roman, mais je suis avant tout un breton tétu. Quand j’ai une idée, je m’y accroche.

R. : Rat, Crapaud, Belette… On sent que vous les aimez ces personnages…

M.P. : Ils sont devenus complètement miens. Quand j’ai découvert le roman il y a 15 ans, j’y ai rencontré tout ce que j’avais envie de raconter. J’ai senti une empathie totale avec les personnages. Ce qui me plait le plus dans la bande dessinée, c’est de faire vivre des personnages, j’ai donc effectué tout un travail préparatoire pour savoir qui ils étaient réellement, avant le roman, pendant et après ! Je me suis posé toutes ces questions pour pouvoir bien les investir.

R. : Maintenant que ce premier volume est terminé, vous enchaînez directement ?

M.P. : J’ai commencé à prendre des notes sur les premiers chapitres du tome deux, mais il faut que je règle ma paperasse en retard, que je souffle un peu et prenne un peu de recul avant de m’y remettre. De toute façon, ma tête y travaille déjà !

Entretien réalisé le 20 janvier 2005.

Entretien par en mars 2006