Polystyrène

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Fondées au début des années 2010, les éditions Polystyrène ont depuis construit un catalogue restreint, mais indéniablement singulier, questionnant à chaque nouvelle sortie la forme même du livre (et la manière d'en aborder la lecture).

Xavier Guilbert : Comment sont nées les éditions Polystyrène ? J’ai cru comprendre que c’était un projet de copains qui s’étaient rencontrés à l’EESI[1]

Pierre Jeanneau : Ouais. Alors, à la base, il y avait la volonté de faire pas mal d’expérimentations formelles sur la bande dessinée, et notamment la bande dessinée abstraite. De là est née une espèce de revue qu’on faisait à un seul exemplaire, pendant le cursus, au fil des années, et qu’on avait appelée « Polystyrène » un peu par hasard. Après, on a eu des petites envies de développer le truc, et de se dire : la fin de la promo approche, on va se séparer et partir à droite à gauche, on aimerait bien garder une structure pour continuer à bosser ensemble et garder la dynamique. On a eu Guillaume Trouillard, de La Cerise, en workshop, qui nous a parlé de son travail et de la double-casquette qu’il avait [auteur-éditeur], et que c’était très difficile, et que c’était super risqué et qu’il ne fallait pas le faire, que c’était beaucoup de boulot…

Alex Chauvel : Alors par exemple, il disait : « Je suis tous les week-ends sur les routes pour des festivals », mais en même temps, tu sentais que le type était épanoui, qu’il savait pourquoi il se battait. En fait, il pouvait dire tous les trucs négatifs qu’il voulait, par derrière, il y avait l’énergie qui transpirait.

Pierre Jeanneau : Et du coup, il nous a donné, en fait, une espèce de boîte à outils, avec — à cette époque-là, il y avait encore le concours « Jeunes Talents ». C’était ça ?

Alex Chauvel : « Défi jeune », tu veux dire ? C’était la direction départementale de la jeunesse et des populations… enfin, bon, qui organisait des aides pour les moins de trente ans, je crois ? Où en fait, tu montais ton projet, ils t’apprenaient à aller voir des partenaires publics, privés, monter un projet, faire des budgets. Et on a appris ça, et malheureusement, ça a été supprimé sous Hollande, je crois. Déjà bien abattu par Sarkozy, et Hollande a achevé le travail. Donc, maintenant, ça a disparu, et c’est dommage, parce que ça aidait de nouvelles idées à émerger et à se concrétiser. Ils avaient un budget, par session, qu’ils partageaient entre les projets, et nous, c’est comme ça qu’on a récupéré 5 000€, et avec ça, on a pu imprimer les premiers livres. Au-delà de l’argent, ça nous a aussi donné des rudiments de méthodologie pour monter une structure d’un point de vue paperasse et compagnie.

Xavier Guilbert : Cette structure, quand vous la mettez en place, vous êtes encore à l’école, ou vous venez de la quitter ?

Pierre Jeanneau : On était encore à l’école, on était en troisième année. On avait eu l’idée en cours de deuxième année, à la suite du workshop. On a passé tout un été à s’échanger cinquante mails par jour pour savoir ce que ça allait être — parce que l’idée du livre-objet n’était pas encore définie.

Alex Chauvel : On voulait bosser ensemble, c’était l’idée de base.

Pierre Jeanneau : A un moment-donné, on s’est rendu compte que c’était le truc qui de toute façon nous liait un peu. C’était vers là que tendaient nos boulots et nos questionnements du moment, en tant qu’auteurs. Après, on a monté tout le dossier de septembre à décembre 2010, et fin 2010 on a eu les sous.

Alex Chauvel : 2011, on avait juste des petits livres, des fanzines, qu’on faisait à la main dans les apparts des uns et des autres. Beaucoup de « do-it-yourself ». A partir de mai-juin 2011, on était en fin de troisième année, on a les premiers livres imprimés en offset qui sont sortis. Donc Layers et Alcide. Ensuite, Pierre est parti faire son tour du monde, Adrien [Thiot-Rader] et moi on est partis à Hambourg en Erasmus, Florian [Huet] est parti à Bruxelles… Ludovic [Rio] est parti à Amiens, et on a intégré à partir de là la dynamique de travail à distance. Le mail centralisait, et il y avait beaucoup de conversations où « éditions Polystyrène » envoyait un mail à « éditions Polystyrène »… et puis du Skype, des réunions Skype.

Xavier Guilbert : Et vous avez conservé cette idée d’une forme de fonctionnement collégial ? « Y a pas d’chef » ?

Pierre Jeanneau : Comme parfait exemple — mais on s’est posé la question plusieurs fois, quand même. Mais systématiquement, on s’est retournés sur le truc, qui était qu’on aimait bien toucher un peu à tout. Là, par exemple, pour les derniers bouquins de la collection Façades, les trois qu’on a faits à la fin de l’année, c’était assez rigolo : les tâches se sont réparties en deux-trois coups de cuillère à pot, et en une semaine-quinze jours c’était fait, c’était plié. Sans faire de jeu de mots (rire). Du coup, chaque jour, il y avait une étape qui était faite.

Xavier Guilbert : C’est un peu paradoxal quand même, de travailler sur le livre-objet, qui est quelque chose de très concret, avec un dispositif d’échange qui est essentiellement virtuel.

Alex Chauvel : Mouais. C’est une contradiction…

Xavier Guilbert : Ça ne pose pas de problème, à certains moments, quand il s’agit de voir des choses, de montrer ?

Alex Chauvel : On s’envoie des maquettes par la poste.

Pierre Jeanneau : Là, maintenant il n’y a qu’Alex qui est sur Berlin, Adrien et moi on est dans la même ville ce qui permet de faciliter les échanges à ce niveau. Mais bon, l’année a été…

Alex Chauvel : … compliquée.

Pierre Jeanneau : Oui, compliquée. On est passés, grosso modo, de cinq dans la structure, à trois.

Xavier Guilbert : Les raisons de cette réduction des effectifs, c’est dû à quoi ? Un manque d’implication, le fait qu’ils ne ressentent plus le besoin de… ?

Alex Chauvel : Non.

Pierre Jeanneau : On n’est peut-être pas obligés d’épiloguer là-dessus…

Alex Chauvel : Non, mais rapidement. Déjà à l’origine on était cinq, ensuite on a été six[2], et il y en a un [Ludovic] qui est parti il y a deux-trois ans parce qu’il ne se retrouvait plus dedans, tout simplement. Sur le fonctionnement collégial, ça par contre, c’était vraiment son impulsion à lui, parce qu’il était très militant NPA, encarté. Maintenant il bosse pour Fakir.

Pierre Jeanneau : Mais il n’a jamais été encarté.

Alex Chauvel : A l’époque, il l’était, en tous cas. Maintenant, je ne sais pas, et puis il a bossé sur Merci patron ! après coup, il a monté un journal[3], donc très… On avait tous un background différent, ce qui fait que lui amenait vraiment, aussi, une méthodologie de débat interne, qui était hyper saine. C’était très important pour l’élaboration des idées. Donc lui est parti il y a déjà deux-trois ans parce qu’il ne se retrouvait plus dans ce qu’on faisait. Il était plus attiré par la bande dessinée un peu plus « classique », on va dire.
Quant aux deux qui sont partis cette année, ils n’étaient plus dans le bain, ils ne se retrouvaient plus dans le travail de groupe. Ils n’avaient plus envie, ils ne répondaient plus aux mails, et c’était compliqué de prendre des décisions.

Pierre Jeanneau : Il y a aussi le fait que c’est une association, donc ce n’est que du travail bénévole. Ça empiète sur du temps personnel, et on a également tous la volonté d’être aussi auteur.

Xavier Guilbert : Je vois deux questions qui sont liées à cela. Il y a d’une part la cohérence du catalogue — une cohérence formelle dans les expérimentations autour du livre-objet, avec des recherches qui tournent autour de l’aléatoire, d’essayer de voir jusqu’où la narration créée par le lecteur peut tenir. Mais, dans ce que j’ai pu voir, il y a en termes d’approche esthétique des choses qui sont très variées, et qui posent la question du long terme. On a généralement tendance à associer le fond et la forme, et là, la forme peut être très…

Alex Chauvel : … très malléable.

Xavier Guilbert : Il y a des choses très variées, mais entre Alcide, Lignes Noires, Heavy Toast

Pierre Jeanneau : Mais ça, c’était vraiment une force. On a vu qu’on venait tous d’origines différentes, et d’influences différentes — même si on avait quand même une grosse influence commune qui était l’OuBaPo, l’Asso et Marc-Antoine Mathieu.

Alex Chauvel : C’est vrai, on était ici, à Angoulême, il y a quelques années, en face, là. Et il y avait une présentation, une table ronde où il y avait Poincelet, Gerner et Viscogliosi. C’était l’époque où il a sorti son…

Xavier Guilbert : … son pavé[4].

Alex Chauvel : Chacun, on y est allé, et on s’est rendu compte qu’on était tous dans la salle. On s’est dit : « oh, mais attends… » C’est là qu’on a pris conscience du fait qu’on avait des problématiques communes. C’est marrant, on n’était que cinq ou six de notre promo, mais on était tous là. Il y avait tout Polystyrène en gestation. On s’est rendu compte qu’on avait des choses qui nous liaient, malgré les divergences de graphisme.

Pierre Jeanneau : Oui, il y a un goût pour la contrainte qui est commun. Après, graphiquement, au niveau de ce que l’on avait envie de raconter, sur des origines complètement différentes — je pense qu’on l’a vraiment vu comme une force dès le départ, de se dire qu’en fait, cela mettait vachement en avant ce goût pour la forme qui allait faire l’identité de la structure.

Alex Chauvel : C’est vrai aussi qu’on avait envie de travailler ensemble, et qu’en même temps… Au début, on avait pensé faire un atelier, mais on savait qu’on allait partir. On a donc parlé de maison d’édition, mais on s’est dit : « des maisons d’édition, il y en a des pelletées, ça ne sert à rien d’en rajouter une si c’est juste pour présenter nos boulots. On arrivera toujours à trouver des éditeurs, chacun de son côté. » On était jeunes et présomptueux (rire).

Xavier Guilbert : Ceci dit, c’est vrai. Tu viens de sortir un album — enfin, plutôt un petit cube chez Hoochie Coochie[5].

Alex Chauvel : Un 48CC (rires).

Xavier Guilbert : Et toi, Pierre, ce que tu fais avec Connexions, ça ne sort pas chez Polystyrène.

Pierre Jeanneau : Oui, mais ça c’est de la publication de fanzine.

Alex Chauvel : Ça finira par être publié quelque part.

Xavier Guilbert : Il y a quand même ce choix d’être auteur à côté de Polystyrène. Mais de ce que j’entends sur Polystyrène et ce fait de travailler ensemble, il y a quand même un fonctionnement ou quelqu’un « fait l’auteur », et les autres vont plutôt prendre le rôle d’éditeurs. Donc un travail ensemble très différent de la manière dont on travaille ensemble dans la bande dessinée habituellement. Que ce soit le duo scénariste-dessinateur, ou bien des collaborations du genre Ruppert & Mulot ou Dupuy-Berbérian. Il n’y a pas de frustration qui en ressort, du fait de ces univers graphiques très différents ?

Alex Chauvel : A quel niveau ?

Xavier Guilbert : Par exemple, porter un projet dont tu estimes que dans la forme et dans l’aspect ludique, il est intéressant, mais qui le serait moins dans sa réalisation finale.

Alex Chauvel : (une pause) Joker.

Pierre Jeanneau : En fait, on n’a pas un fonctionnement où on se montre les projets quand ils sont finis. Aussi, dans notre activité d’auteur, quand on commence à bosser sur quelque chose, on demande les avis des uns et des autres. En fait, l’influence des uns et des autres est déjà là, dès les premiers embryons du projet. Ce qui évite aussi les mauvaises surprises.

Xavier Guilbert : Si vous êtes d’accord sur un principe de livre-objet, à quel moment se décide la responsabilité de celui qui va en faire l’habillage ?

Pierre Jeanneau : Généralement, c’est l’auteur qui s’en occupe, avec les suggestions des autres.

Alex Chauvel : Du coup, ça demandait d’être à la fois auteur et un peu graphiste, en fait. La partie éditoriale était un peu partagée. Les autres se contentaient de relationnel avec l’imprimeur, selon les cas… Ça n’a jamais été extrêmement conscientisé, je crois. On a fait les choses comme ça venait, chaque bouquin était différent, il n’y a pas vraiment eu de règle. Après, il y a quand même des tempéraments qui font que certains étaient plus à même d’occuper tel poste, parfois pour leur livre, parfois pour le livre des autres, et d’autres qui avaient tendance à se mettre en retrait.

Xavier Guilbert : Vous arriviez à garder une bonne dynamique ? Pour éviter que justement, des gens se sclérosent un petit peu sur certains postes, et que cela reste dans cette idée où tout le monde aide tout le monde, sans spécialisation ? Ce qui m’y fait penser, c’est la manière dont JC Menu décrit la crise de l’Association, et le fait qu’il se soit retrouvé obligé de devenir éditeur à part entière, en mettant de côté sa propre carrière d’auteur. Au début, on est jeune et plein d’enthousiasme, mais au bout d’un moment, on se rend compte qu’il faut quand même gérer des choses rébarbatives comme la compta, et qu’il peut émerger des difficultés à fonctionner autour de tout ça.

Alex Chauvel : C’est une des raisons, je pense, du clash de cette année. C’est encore un peu trop frais pour qu’on en saisisse tous les mécanismes profonds et les racines, mais il y a de ça dans la crise qu’on a traversée là, cet été. Clairement, l’investissement était mal partagé, et il y avait une incompatibilité entre cette volonté absolument démocratique et collégiale, et le fait que certains se désengagent progressivement. Si t’en as un qui ne répond pas aux mails et qui ne donne pas son avis, c’est difficile de… enfin, la démocratie, ça marche quand t’as envie de t’impliquer. Ça, c’était une contradiction qui, je pense, a explosé cette année. (une longue pause) Enfin, ce n’est peut-être pas la seule raison, il y en a d’autres, c’est multi-causal.

Pierre Jeanneau : Oui, c’est multi-causal. De toute façon, puisque aussi on n’en est plus au même point qu’il y a huit ans. Donc forcément, on a eu des gamins, on a déménagé, on a eu des expériences. On a eu aussi une construction dans notre production personnelle, et des envies… des crises de la trentaine où on se dit : « argh, j’ai rien fait de toute ma vie. » Et des moments où ça pète un peu.

Alex Chauvel : Ce serait intéressant de poser la question à Ludo, parce que lui est parti de la structure, il y a deux-trois ans, parce qu’il ne se retrouvait plus dedans. Si ça se trouve, il aurait des réponses plus précises à ces questions-là, parce que je pense que ce sont des questions qu’il s’est posé : la frustration par rapport à un catalogue, ses problématiques qui changeaient, un catalogue dans lequel il ne se retrouvait plus… Il n’a pas voulu venir cette année, ce cochon.

Xavier Guilbert : Je ne fais pas beaucoup de festivals, mais je vous vois ici tous les ans, et chaque année il y a de nouveaux trucs. Tu parlais de la vie quotidienne qui prenait parfois le dessus, c’est parfois difficile de faire vivre quelque chose de périphérique, comme ça, sur la durée. Est-ce que le fait d’amener quelque chose à Angoulême (ou pour un autre festival) a pu jouer le rôle de moteur pour continuer à faire vivre la structure ?

Alex Chauvel : Complètement.

Xavier Guilbert : L’année dernière, c’était…

Alex Chauvel : … c’était Façades.

Xavier Guilbert : Il y a deux ans, c’était Toutes les mers par temps calme, l’année d’avant c’était Thomas et Manon. C’est un peu comme une sorte de rendez-vous.

Alex Chauvel : Angoulême était la deadline, et plus d’une fois on s’est fait livrer les bouquins la semaine du festival. Genre lundi, mardi, à ne pas savoir ce qu’on allait trouver dans les cartons.

Xavier Guilbert : Puis, comme vous disiez, vous êtes maintenant éclatés un peu partout.

Pierre Jeanneau : Déjà, oui, il y a le plaisir de se retrouver, qui était un peu à l’origine de la création de la structure. Continuer à garder le contact, et à rester ensemble. Déjà, ça, ça met toujours du baume au cœur, ça vaut tous les efforts de se dire qu’on réussit à se retrouver à Angoulême pour boire des coups. Ça vaut le coup, quoi.
Après, l’édition, je pense qu’il y a quelque chose de super gratifiant de voir un projet aboutir, de le voir imprimé, de le voir enfin « en solide ». Et puis là, le fait de pouvoir s’éditer nous-même, et en plus éditer d’autres personnes, je trouve ça hyper agréable. On est vraiment super fiers — le rapport  avec Pedro [Stoïchita], qui est génial, et qui a fait Le Trésor Mathématique de Polybius. C’est un projet de longue haleine, il a été ultra-patient durant les trois ans que cela a pris… vraiment très patient, pour le coup (rire). Et de le voir aboutir, de le voir content…

Xavier Guilbert : Là, j’entends vraiment un positionnement en tant que maison d’édition, dans un sens plus traditionnel. Avec d’un côté des éditeurs, de l’autre un auteur. Le premier ouvrage qui vous vient de l’extérieur, ce ne serait pas le Carré x carré x carré, de LL de Mars et Benoît Preteseille ?

Alex Chauvel & Pierre Jeanneau : Oui oui.

Xavier Guilbert : J’avais assisté à la résidence Pierre Feuille Ciseaux où ils l’avaient élaboré. Comment avez-vous abordé ce projet quand on vous l’a amené ? Ou est-ce que ça a été facile à traiter ?

Pierre Jeanneau : C’était un peu un défi, en fait. C’est-à-dire que Benoît nous a montré le truc, en nous disant : « allez, pas chiche de le faire, » grosso modo (rire).

Alex Chauvel : C’est plutôt Laurent. Benoît, il a dit « vous voulez éditer ce truc ? » (rires)

Pierre Jeanneau : Je ne l’avais pas vu à cette époque-là, j’étais plus en contact avec Benoît.

Alex Chauvel :Finalement, on a fait un petit tirage. Cinquante exemplaires, c’est rien. Tout sérigraphié. En fait, le truc, c’est que dès le début, à Polystyrène, on a trouvé cette idée de livre-objet, et ça c’est important, parce qu’il y a beaucoup de collectifs qui se structurent autour d’une revue, pour mettre en avant le boulot des gens. Nous, on est partis d’une ligne, ou d’une philosophie, et il a fallu adapter les travaux dedans. Du coup, ça a décentré le truc, et à partir de cette ligne, dès le début, c’était assez évident dans nos têtes que d’une part : si on avait envie de faire des bouquins qui n’étaient pas « manipulables », il fallait les faire ailleurs, il n’y avait pas de problème ; et d’autre part, on n’avait pas le monopole, d’autres auteurs et autrices pouvaient proposer d’autres formes. Le truc, c’est qu’au début, quand on parlait de Polystyrène il y a sept-huit ans, personne ne comprenait. Il y avait aussi cette image de l’auteur qui fait ses planches, dans le meilleur des cas il est un peu éditeur et il fait des livres. Mais nous, on demandait de pré-penser la manipulation, de faire ses pages, d’être graphiste… donc plein de tâches, et c’est vrai que vu de dehors, c’était incompréhensible, ce que l’on voulait faire. On a fait les premiers bouquins en auto-édition, mais pas parce qu’on voulait faire nos bouquins nous-mêmes. Polystyrène ce n’était pas : « on va faire nos livres », mais le constat était de toute façon : personne ne propose rien, personne ne comprend rien. On a fait les premiers livres, c’était nous, et petit à petit les gens ont commencé à comprendre.
C’est vrai que le Carré x carré x carré, c’était la première fois que quelqu’un arrivait avec un boulot et qu’on s’est dit : « oui, effectivement, ça, on peut le faire, ça passe. » Et on l’a fait. Mais un petit tirage, c’est vrai. Il y a eu plusieurs étapes. Il y a eu Polychromie, où ça a été bien, parce qu’on a fait appel à des personnes extérieures, aussi. Donc c’était un travail de coordination très intéressant. Mais c’est vraiment avec les Façades et avec Polybius

Xavier Guilbert : Polychromie, c’est aussi le livre chez vous qui se rapproche le plus d’un livre traditionnel.

Alex Chauvel : Oui, mais c’est notre best-seller. Ça dit beaucoup de choses. C’est vraiment le livre tradi, avec le bonus filtre. De ce point de vue-là, ce sont les Façades et Polybius, maintenant, où on est vraiment dans un rapport d’éditeur. Il y a des gens qui viennent de l’extérieur avec des idées. Il y a un truc qu’on a prévu de faire avec Victor Lejeune. On est en train de se casser la tête sur une forme nouvelle et compliquée : il a fait une espèce de leporello en spirale. Et donc nous, on essaye de trouver des idées pour que ça nous coûte le moins cher possible, sans rien perdre de ses idées. Ça, c’est passionnant, parce que petit à petit, on a acquis un savoir-faire très particulier d’éditeur un peu bizarre, et on peut mettre ce savoir au service d’autres personnes.
Naturellement, tu passes toujours un peu par les mêmes chemins, dans tes réflexions, et donc les formes qu’on portait au début, on les a faites, ça y est. Il est temps que d’autres personnes arrivent et nous disent : « moi, j’ai cet objet-là. » Putain, j’ai jamais pensé à faire ça, c’est génial. C’est là que la maison d’édition se renouvelle. Ça nous semble assez naturel, une fois qu’on a fait des formes étranges, de passer la main, et juste de continuer à gérer la structure d’un point de vue purement éditorial.

Pierre Jeanneau : Oui, mais pas que. On a quand même ce truc-là — tu vois, pour le bouquin de Pedro, la forme qu’il a actuellement ne vient pas d’elle-même. Elle est passée par plusieurs maquettes, plusieurs idées. Il y avait à la fois cette démarche de : « la mécanique elle est là, voilà ce que ça doit impliquer en tant que lecture. »

Alex Chauvel : Il ne faut rien perdre de ce qu’il propose, mais il faut essayer de trouver une forme intelligente.

Pierre Jeanneau : Voilà. Déjà, le travail était intéressant, parce qu’on était vraiment dans une démarche : quelle forme correspond ? faire des recherches, retomber dans des maquettes, et ça, c’était assez stimulant pour le coup. C’était plus que du graphisme, de l’habillage et de la compta. Il y avait ce côté-là où à la fois, la forme était pensée, la mécanique était pensée, mais il y avait aussi besoin… d’huile pour mettre tous les rouages ensemble.

Xavier Guilbert : Comment gérez-vous cette transition ? Quand on est un collectif qui publie des livres qui sont produits dans le collectif, c’est une chose, et ça n’encourage pas les gens à venir vous proposer des projets. Mais pour cette ouverture à des projets extérieurs, il faut qu’il y ait des propositions. Vous recevez beaucoup de projets ? Ou est-ce que vous faites des démarches actives de votre côté ? Ou est-ce que c’est trop tôt encore pour en parler ?

Pierre Jeanneau : En mettant la collection Façades de côté, puisque c’est un projet spécial basé sur un format standard, les gros bouquins bien compliqués, on est sur un rythme de un par an. Ce qui fait, si on a trois projets qui nous arrivent dans les pattes, ça va nous durer trois ans.

Xavier Guilbert : Quels sont ces propositions ?

Pierre Jeanneau : Il y a le truc de Victor Lejeune, par exemple. Le truc de Tony…

Alex Chauvel : … Tony Rageul.

Pierre Jeanneau : Qui nous avait contactés, fin 2015 ? Il nous a proposé un truc, une fois qu’on était tous les deux en Normandie, et il nous a fait : « ah, au fait, j’ai ça. » Grosso modo,  ça se passe comme ça : ce sont des gens qu’on connaît, qu’on a déjà rencontrés et qu’on a déjà identifiés comme étant des gens qui se posent les mêmes questions, et qui viennent un peu vers nous en disant : « j’ai fais ça, j’ai pensé à vous. » Et puis ensuite, ça part, ou ça ne part pas.

Alex Chauvel : Dans la majorité des cas, on reçoit des projets qui n’ont rien à voir. Une fois, c’était un truc de photos sur le port du Havre (rires). J’ai halluciné. Déjà, c’est rare qu’on reçoive des livres-objets, et il arrive aussi parfois que ce ne soit vraiment pas abouti ou un peu gadget. Le truc, c’est que c’est tellement précis, ce qu’on demande, que ça fait vraiment entonnoir. Et on est sur un rythme de publication qui est tellement lent, que ça va, on n’a pas encore épuisé… Il arrive de temps en temps un projet, et on se dit : « c’est cool, ça va nous occuper un an. » Ce qui permet de désamorcer ça, petit à petit, c’est la collection Façades. Là, par contre, on sollicite beaucoup.

Pierre Jeanneau : Après, je ne sais pas si c’est parce qu’aussi, notre éventail de connaissances s’élargit, ou si c’est parce que c’est une question qui commence à faire des émules, mais l’interaction est une question qui se pose de plus en plus. Ce n’est pas rare de tomber sur quelqu’un qui fait : « ah, j’ai commencé à penser à telle forme, etc. » Que ce soit pour Polystyrène ou à côté — et même sur les tables à Angoulême, ça peut se voir. Il y a des formes un peu bizarres, qui sont plus présentes qu’il y a une dizaine d’années.

Alex Chauvel : Ça se développe pas mal, c’est vrai.

Pierre Jeanneau : C’est aussi une dynamique qui n’est pas négligeable en soi.

Xavier Guilbert : Il y a Rutabaga qui fait des choses qui se rapprochent un petit peu, avec des jeux combinatoires, des découpes particulières.

Alex Chauvel : Et là, sur le Off, il y a toujours plein de choses, aussi. Oui, c’est… peut-être une évolution de la perception du livre, je ne sais pas. Maintenant qu’avec Internet et les tablettes, le livre est en train de devenir autre chose. Une fois, on a fait une table ronde avec The Hoochie Coochie et 2024, et le thème était « les livres-objet ». C’était intéressant, parce qu’il y avait plusieurs conceptions du mot « objet », mais en même temps, le fait qu’on soit tous dans cette même table ronde, ça voulait dire quelque chose. Dans le cas de 2024 — ils étaient là pour Jim Curious, je crois, mais je ne suis pas sûr. The Hoochie Coochie, c’était pour Détective Rollmops, et nous, ça devait être Lignes Noires. Donc nous, on était vraiment dans un truc d’objet, « objet » : vraiment physique, on le manipule. Alors que 2024, c’étaient de « beaux objets », et Hoochie Coochie c’était un peu entre les deux : c’étaient aussi des objets particuliers, pas forcément des livres d’art, mais des livres qui se revendiquaient comme « autres ».
Donc il y avait quand même un truc — tu vois, c’est vraiment à l’opposé de la politique du 48CC, où il s’agit de faire oublier l’objet, en fait. Tu as vraiment un récit (presque « de gare »), et puis hop ! ils ont des reliures, des paginations qui sont toutes hyper calibrées. Là, il y a le positionnement inverse : le livre… je ne sais pas, comme maintenant il y a plein d’informations qui passent par Internet, le livre n’est peut-être plus la norme, ce qui fait que les gens le regardent différemment, et le voient plus comme un objet.

Xavier Guilbert : J’exprimerais les choses de manière différente. Effectivement, 2024 (avec, notamment, les rééditions de Gustave Doré qui sont de beaux livres) fait preuve d’une forme de bibliophilie, comme un retour en arrière en faisant des livres un peu exceptionnels. Alors que je me demande si, dans votre démarche, le développement d’Internet ne serait pas une sorte d’aiguillon. Internet remet beaucoup en question la manière dont on lit : les hyperliens viennent remplacer une page par une autre, il y a des menus qui se déplient, des choses qui s’affichent devant d’autres, ce qui fait que le rapport à la page s’en trouve transformé — d’une manière que le livre ne peut pas reproduire. Quand on rajoute du combinatoire et de la manipulation, on s’en approche un peu, sans tomber dans le côté parfois gadget du pop-up[6]. Donc cette volonté d’avoir une lecture multimodale, sur un objet qui reste un objet de papier. Ce qui est un peu ce que vous avez : il y a beaucoup de choses qui relèvent de la combinatoire, comme ce que tu avais fait, Alex, avec Lorsque nous étions dix mille en Europe ; Heavy Toast est en plein dedans, même chose pour Thomas et Manon

Alex Chauvel : C’est vrai que Heavy Toast, avant que tu le fasses, tu en avais fait ton écran de veille d’ordinateur…

Pierre Jeanneau : Ça venait de là.

Alex Chauvel : C’était une galerie d’images aléatoires. C’était le même principe, mais c’était son écran de veille.

Pierre Jeanneau : C’était fait pour ça, à la base (rires). C’était fait pour être mon économiseur d’écran.

Alex Chauvel : Le peu de contact qu’on a avec les gens qui font de la bande dessinée numérique — on s’est toujours super bien entendus avec eux (rire).

Pierre Jeanneau : Même, ce sont des trucs qu’on a travaillés en parallèle, quand on bossait sur la revue. On avait des blogs, on expérimentait, on faisait des formats en scrolling, en flash…

Alex Chauvel : Oui, c’est vrai.

Pierre Jeanneau : On était dedans aussi.

Alex Chauvel : Et puis ce n’est pas anodin que Tony Rageul vienne vers nous avec un projet. Non, c’est vrai, il y aussi, je pense, peut-être un rapport avec Internet.

Pierre Jeanneau : Mine de rien, il y a le fait qu’on est une génération qui a grandi avec des jeux vidéo, et que ce sont des interactions… c’est l’argument un peu basique, mais ça a eu une influence directe. Vraiment, le media « jeu vidéo » a une influence sur nos travaux.

Xavier Guilbert : Il y a aussi un autre rapport à l’histoire. Le côté « histoire dont vous être le héros », soit une histoire que l’on peut vivre de différentes manières. Thomas et Manon en est un exemple, mais Lignes Noires et Heavy Toast aussi. Il y a une multiplicité de manières de découvrir et d’explorer une histoire. Même lorsque tu fais Toutes les mers par temps calme, il y a une grammaire de pictogrammes qui se rapproche du jeu vidéo, doublée de la fascination pour la carte.

Alex Chauvel : Oui, mais moi, de toute façon, j’ai beaucoup joué au jeu Anno 1602 quand j’étais gosse (rire).

Xavier Guilbert : C’est ton côté germanique, par anticipation[7].

Alex Chauvel : Et à l’époque, je ne savais pas, comme quoi, tout est connecté (rires). Mais c’est vrai, j’aime beaucoup : tu as ton écran, tu joues, et puis tu as plein d’infos autour, et tout ça ça circule. Ton cerveau passe de l’un à l’autre, il ne lit pas de la même façon les images — parce que tu ne lis pas un strip de bande dessinée comme un schéma scientifique, que tu ne liras pas comme tu lis une illustration… C’est assez fascinant de pouvoir tout faire cohabiter. Toutes les mers, c’était vraiment ce constat-là : j’avais envie de voir si c’était possible de le faire sur un livre.

Xavier Guilbert : Vous parliez de la manière dont certains projets prennent du temps. Est-ce que vous avez eu des projets qui sont arrivés à un point de blocage, qui les a empêchés d’exister ? En dehors des livres de photos sur le port du Havre…

Pierre Jeanneau : Il y a eu Adrien Houillère, qui avait fait un premier bouquin, c’était son premier manuscrit. C’était June, de PFC, qui nous avait mis en contact. C’était L’envers du Valchev et ça nous a vraiment posé une grosse question, qui a amené aussi un questionnement sur ce qu’était Polystyrène, parce que c’était de l’OuBaPo, pur et dur. C’était un gaufrier de neuf cases, avec toujours une case vide au centre, et on allait lire en fait en suivant les déplacements du cavalier aux échecs. Du coup, une position des pages qui était hyper riche, pas du tout gratuit, qui touchait la narration, etc. Le projet en soi était génial, mais c’était de l’OuBaPo : cela restait un livre classique. Pendant facile, trois-quatre mois, on s’est posé la question. Qu’est-ce qu’on en fait ?

Alex Chauvel : On a tranché en se disant qu’il y avait un côté très « exercice de style », mais dans la narration, il manquait un truc. Ça ne dépassait pas l’exercice. On était hyper intrigués et intéressés, mais en même temps il y avait un truc qui ne semblait pas abouti, et on a fini par dire : « non, mais par contre, on va faire Polychromie, on aimerait bien que tu en fasses partie. » Finalement, en plus, il nous a fait une Façade. Le projet en soi n’a pas existé parce qu’il manquait un peu de maturité, mais ça été une étape importante dans la formation d’Adrien, et même maintenant, il le dit lui-même qu’en fait, il n’est pas mécontent, parce qu’effectivement il a fait du chemin depuis, et il s’en rend compte. Mais nous, ça nous a permis de redéfinir notre ligne, avec plus de précision. Je lui en ai reparlé l’an dernier, en lui disant : « quand même, c’était intéressant, ton système, mais il faudrait que tu le reprennes avec plus de bouteille. » Mais c’est le seul cas où on a vraiment dû aller réfléchir aussi loin, oui, où ça n’allait pas. Et pourtant on avait pris le truc très au sérieux.

Xavier Guilbert : Là, vous avez évoqué plusieurs fois l’OuBaPo, en mettant un peu de distance avec ce que vous faites. Il y a pourtant toujours l’idée de contrainte, mais chez vous elle porte sur la forme, plutôt que sur la bande dessinée elle-même, j’ai l’impression — même si les deux se répondent.

Pierre Jeanneau : Chacun de nous trois a un peu des positions différentes et plus ou moins fermées là-dessus.

Alex Chauvel : C’est vrai que là, il n’y a pas vraiment d’harmonie.

Pierre Jeanneau : Donc le dialogue se fait toujours, et il n’est pas exclu qu’un jour une collection « OuBaPo » se fasse chez Polystyrène. Mais personnellement, je trouve qu’il faut qu’il y ait ce travail de la forme, qui rentre en dialogue avec la narration. C’est primordial. L’OuBaPo, c’est génial, mais c’est l’OuBaPo, c’est l’Asso

Xavier Guilbert : Ce n’est pas uniquement l’Asso.

Pierre Jeanneau : Non, certes. Mais… disons que c’est… c’est un exercice sur un format de livre plus classique, et c’est un exercice sur une narration en 2D.

Alex Chauvel : Je trouve qu’ils ont ouvert des portes, mais souvent, c’est resté un peu dans le cadre de l’exercice pour l’exercice. J’ai une formation très classique, très littéraire, et j’aime bien les bons récits, bien lourds. Par contre, c’est un truc que j’apprécie beaucoup chez Pérec, par exemple. Chez lui, okay, il y avait les exercices, mais derrière, il y avait un propos qui est quand même plutôt dense. Il ne se contente pas d’ouvrir la porte, il y va à fond, il explore tout le terrain, et il nous en ramène un récit-monde. Je trouve que parfois, l’OuBaPo s’est arrêtée au seuil : « Oh, regardez, on a ouvert ça, » et puis finalement, ils ne sont pas toujours allés plus loin. C’est un peu méchant — si ils lisent ça, ils vont nous…

Xavier Guilbert : Je te rejoins sur ce point. Je suis assez admiratif d’une partie du travail d’Etienne Lecroart, mais je regrette parfois que ça se limite au registre de la blague vaguement égrillarde. Parfois, j’aimerais que ça aille un peu plus loin que ça, d’aller chercher un autre ton. Par ailleurs, dans l’OuBaPo, lorsque l’on commence à explorer des choses relevant de la combinatoire, il y a une sorte de tour de passe-passe qui fait qu’on ne te présente au final que les meilleures combinaisons. Je pense à l’OuPus 4, qui est construit autour d’un mélange de strips réalisés à Bastia et Lucerne. Mais il n’y a qu’une sélection, alors qu’il faudrait accepter qu’il y ait des choses qui sont moins intéressantes, comme c’est le cas dans les Cent mille milliards de poèmes de Queneau, où certains sont brillants, et d’autres totalement inutiles.

Pierre Jeanneau : Après, ça dépend de la volonté qu’ils avaient pour l’objet, je ne sais pas.

Alex Chauvel : Oh, je pense qu’ils voulaient se marrer, aussi.

Pierre Jeanneau : Je ne pense pas qu’ils étaient dans une démarche scientifique, ou thématique, de mettre un système en place et de montrer ce que ça fait quand tu suis la règle à la lettre. Je pense que l’idée, c’était de faire un truc agréable et rigolo, loufoque à lire…

Xavier Guilbert : Mais tu peux aussi t’amuser à sortir de tes habitudes, et à essayer de voir si tu ne peux pas tordre ton truc. Tu parles de Pérec — les contraintes, par exemple dans La Disparition, amènent des passages qui ont une vrai qualité littéraire et poétique, même s’il y en a d’autres qui fonctionnent moins bien. C’est là que la contrainte devient véritablement génératrice, pas quand on est, comme tu dis, dans la contrainte pour la contrainte. Il s’agit de se sortir de sa zone de confort. Et d’ailleurs, pour sortir de votre zone de confort, comment faites-vous ? Pour ne pas rester dans le ronron…

Alex Chauvel : Ça rejoint le fait de travailler avec de nouveaux auteurs et de nouvelles autrices.

Pierre Jeanneau : Oui, et puis de se mettre des petits défis, aussi. Je crois qu’on est un peu maso là-dessus.

Alex Chauvel : On s’ennuie assez vite, aussi (rires).

Xavier Guilbert : Ne pas faire deux fois le même bouquin ?

Alex Chauvel : Ouais, parce que c’est ennuyeux, quoi. Ou alors, tu le refais, mais parce que tu sais que tu as plein de nouvelles choses à raconter.

Pierre Jeanneau : Et puis il y a le jeu. C’est vraiment un jeu. A écrire.

Alex Chauvel : (rire) On vient de dire que l’OuBaPo, ils voulaient juste se marrer, et maintenant on est en train de dire que nous, c’est un jeu aussi.

Pierre Jeanneau : Oui, mais c’est aussi une approche ludique de l’écriture. Je pense que ma manière d’écrire est vachement soumise à des contraintes qu’on se pose. Même sur des trucs beaucoup plus linéaires, de se dire : « tiens, à tel moment, il faut qu’il se passe ça. » La manière d’interpréter, ne serait-ce que la construction d’un récit, de se poser des guides, de savoir quand est-ce que tu vas les rompre et pourquoi… et du coup, de respecter un certain set de règles que tu vas te mettre, et comment tu vas les contourner et jouer avec.

Xavier Guilbert : Quand je vous entends parler, le ludique ne se limite pas à l’écriture, mais toujours aussi la fabrication. Vous parlez de comment vous allez réussir à traiter tel ou tel aspect, la question de la manipulation reste toujours très présente. Ce n’est pas que de l’écriture, justement.

Alex Chauvel : Non, c’est ce côté hyper-technique et qui n’intéresse que nous (rires).

Xavier Guilbert : Je parlais tout à l’heure de la répartition des rôles entre scénariste et dessinateur. Jusqu’à maintenant, on a aussi une répartition des rôles entre auteur et éditeur, dans le sens : la personne qui écrit / la personne qui fabrique le livre. C’est là-dessus aussi que vous jouez, en bougeant les choses.

Pierre Jeanneau : On n’a pas apporté le fait d’être à la fois auteur et éditeur, pas du tout…

Xavier Guilbert : Non, je veux dire, dans l’abord des questions techniques de comment réussir à fabriquer ces livres non-standard, avec des découpes, des montages, etc. Voire même la simple question de l’huile de coude — vous m’aviez raconté que quand vous aviez reçu Thomas et Manon, il avait fallu trier les cartes à la main, et qu’il y avait deux mille exemplaires, c’est ça ?

Pierre Jeanneau : Oui…

Alex Chauvel : Il y avait deux mille exemplaires, avec deux cent cartes chacun. 400 000 cartes à trier, oui.

Pierre Jeanneau : Et les boîtes étaient à plat.

Alex Chauvel : Oui, mais là, on a payé les mecs qui ont fait ça, parce que sinon, c’est de l’esclavage. Ça a coûté un fric monstre.

Xavier Guilbert : Ça me fait penser à B.ü.L.b. Comix, avec ses petites boîtes qu’ils pliaient, également. Justement, par rapport à ça, quels sont les projets que vous avez pu voir chez d’autres, que vous auriez bien aimé faire ?

Pierre Jeanneau : Moi, j’adorerai faire du pop-up. Il y a un truc dans l’espace, avec de la narration dans l’espace.

Alex Chauvel : Oui mais chez les autres… (une longue pause) Là, évidemment, il n’y a rien qui va arriver comme ça (rire).

Pierre Jeanneau : Il y a toute la série des Pyjamarama [aux éditions du Rouergue]. Tu as envie de voir ce système-là adapté vraiment à une narration, où tu découvres quelque chose qui a du sens plus que l’effet « waouh » de l’animation. Ce côté décryptage par filtre, aussi, et en même temps travailler l’animation qui titille… même des livres à tirette dans le livre animé. Des carrousels, plein de trucs, en fait (rires).

Alex Chauvel : Il y a le livre de Wieland [Bosma] et Le Croqueforme, qu’ils ont fait l’an dernier [P.C.R., relecture du Petit Chaperon Rouge].

Pierre Jeanneau : C’est un livre dont vous êtes le héros.

Alex Chauvel : Avec un système de carte, et ils ont fait ça bien.

Pierre Jeanneau : C’est très calqué sur les RPG, c’est génial, ça marche vachement bien. Avec un inventaire et tout.

Alex Chauvel : Là, je me suis dit — ah, c’est le truc, ils nous l’auraient montré, je pense qu’on aurait pu réfléchir dessus. Il y avait peut-être des trucs graphiquement qui manquaient un peu de maturité, mais…

Pierre Jeanneau : En même temps, c’est aussi grâce à ça que ça nous a fait le déclic, comme pour l’Envers du Valchev avec Adrien Houillère. On est sur la même longueur d’onde, bossons ensemble[8].

Alex Chauvel : Hm, d’autres trucs ? Je cherche quand même…

Pierre Jeanneau : Les systèmes de découpe ? Quand tu regardes, il y a déjà plein de formes qui existent. On était tombés sur une exposition de livres d’artistes, livres-objets animés en Pologne, à Wroclaw, qui était géniale. C’était rempli de de découpes, mais du XVIIIe siècle ! Début XIXe… ce sont des mines d’or. C’est ça, tu as une forme, et tu te demandes : comment peut-on cacher de la narration et du sens ? Oui, c’est joli, ça forme une sorte de diorama, mais en même temps, quand tu vas tourner la page, tu vas cacher une information, puis quand tu la révèles, ça amène quelque chose d’autre dans le récit…

Xavier Guilbert : Hélium a fait un petit peu ça avec des livres découpés, comme des leporellos. Il y a La Barbe bleue, par exemple, où il y a une forme de serrure qui permet de voir ce qui se situe derrière. Il y a des trucs très intéressants.

Pierre Jeanneau : C’est ça, les livres d’enfants sont des mines d’or. Il y a des petits trucs, des petites mécaniques — appliquer ça à des choses plus… un peu à la manière de Marc-Antoine Mathieu : on revient là-dessus.

Xavier Guilbert : Ce que je trouve quand même, avec Marc-Antoine Mathieu, c’est que quand tu découvres, c’est génial, mais les derniers tournent un peu au gimmick.

Pierre Jeanneau : Je suis complètement d’accord.

Xavier Guilbert : Au début, ça venait éclairer et compléter le récit, et maintenant, c’est plutôt le récit qui n’est plus qu’un prétexte au gimmick.

Alex Chauvel : J’avais un peu souffert sur le dernier, Le décalage, parce que j’avais bossé dessus pour Reprodukt. C’est un de mes boulots alimentaires, c’est que je fais de la mise en page : on me donne le texte, traduit et lettré, et je le fais rentrer dans les bulles. Donc quand les bulles sont trop petites, il faut jongler. Le décalage, c’est celui où il y a les découpes. Tu as le temps de lire le bouquin, pendant des heures et des heures, et c’est vrai que tu vois toutes ces blagues sur le rien, le vide, le rien, le vide… au bout d’un moment, d’accord, c’est une manière élégante de dire : « je n’ai rien à raconter, et du coup je vais raconter un truc sur le rien. » Là, pour le coup, on est un peu dans la zone de confort, et c’est ce qui me dérange aussi.

Pierre Jeanneau : Je faisais plutôt référence à Mémoire morte ou les débuts : l’application d’un procédé tout simple, en matière d’objet, et une exploitation vraiment dans le récit qui a du sens.

Alex Chauvel : Ils sont vraiment supers, les premiers.

Pierre Jeanneau : C’est plus ça — tu mets ça en parallèle avec des livres pour enfants, avec une mécanique super-simple, et du coup, qu’est-ce que tu peux en tirer qui fasse du sens, au niveau de la narration ou de la manipulation ?

Xavier Guilbert : Vous disiez que vous aviez eu une forme de crise l’année dernière. Aujourd’hui, vous êtes prêts à repartir, bon pied bon œil ?

Alex Chauvel : On est chauds, là.

Pierre Jeanneau : On est déjà repartis, en fait, depuis septembre, on n’a pas arrêté.

Xavier Guilbert : Il y a les nouvelles Façades qui sont sorties. Vous avez d’autres projets sur lesquels vous travaillez ?

Pierre Jeanneau : Cette année, c’est vrai qu’on est arrivés un peu relax au Festival, parce que c’est la première fois qu’on sortait notre « gros bouquin » en septembre, au moment de la rentrée littéraire. Du coup, ça nous a revu toute la trésorerie qui jusque-là était basée sur Angoulême. Là, on aborde Angoulême de manière hyper sereine. On peut commencer à se dire « tiens, on va faire plusieurs Façades« . Tel projet qu’on a dans les cartons, c’est le moment de le faire.

Alex Chauvel : On a cassé cette dynamique, où l’on avait toujours le bouquin prêt juste pour Angoulême, et on foutait toute la trésorerie en l’air — et puis il fallait après un an pour s’en remettre. Là, on a réussi à sortir de ça. On passait un mois de janvier à avoir la boule au ventre. On ne l’a pas eue cette année, c’est très agréable.

Pierre Jeanneau : Du coup, on a enlevé toute la pression (rire). On est beaucoup plus aptes à bosser sur des projets qu’on a enfin envie de sortir des cartons.

Alex Chauvel : On a des expos en Allemagne et aux Pays-Bas. On essaie de faire un peu plus ça, aussi, des expos. Parce que c’est bien. Il y a des choses qui ne sont pas développées dans les livres : par exemple, Toutes les mers par temps calme, la version imprimée est la deuxième version dessinée. Il y a eu une première version qui n’a jamais été publiée, parce qu’il s’est passé trop de temps, et moi je n’en étais plus content. C’est pour ça que je l’ai intégralement redessiné. Mais cette version-là, c’est quand même intéressant de la mettre sur un lieu d’expo, et de pouvoir comparer les deux. Chaque livre peut ainsi un peu se déplier, comme ça.

Xavier Guilbert : C’est un peu la stratégie qu’ont les éditions 2024.

Alex Chauvel : Oui, c’est complètement ça.

Xavier Guilbert : Penser le livre et l’exposition qui va avec, ce qui leur permet de trouver une économie, un fonctionnement, et de gagner aussi une certaine visibilité.

Pierre Jeanneau : C’est quand même hyper nouveau, qu’on s’investisse autant dans des expos. L’influence de Pedro n’y est pas étrangère — quand même, à la base de son bouquin, il y a une grosse machine qui fait deux mètres par trois. Mais je le vois plus comme étant quelque chose que l’on avait envie de faire et d’essayer, qu’on fait parce que ça nous amuse. Peut-être qu’à un moment ça nous fatiguera et on en fera moins. On ne base pas une économie dessus.

Xavier Guilbert : Sur un sujet complètement différent, je pense au travail de Richard McGuire avec Here

Alex Chauvel : Grosse influence de Polystyrène.

Xavier Guilbert : Il a fait une version numérique de la version livre. Ce n’est pas quelque chose qui vous aurait tenté, avec Thomas et Manon par exemple ? Quelque chose qui utiliserait la combinatoire…

Pierre Jeanneau : Peut-être pas combinatoire, mais de « réalité augmentée », oui.

Alex Chauvel : Scrolling infini, il y a plein de choses, mais on n’a pas le savoir-faire.

Pierre Jeanneau : Un truc qui joue sur ce que tu peux voir ou ne pas voir, avec un écran à côté… un peu, tu vois, dans l’idée de ce que font les éditions Volumiques. Ce sont des nouvelles contraintes, et construire une histoire avec ça, c’est génial. Une espèce de petite boîte à outils, comme ça, oui.

Alex Chauvel : Des envies, oui, mais moi je n’y connais rien en programmation. C’est un autre savoir-faire.

Pierre Jeanneau : Mais si on a envie de faire des projets comme ça, il y a Théo qui nous a mis en contact avec les éditions Volumiques de manière très concrète.

Alex Chauvel : De même que Pedro amène, comme ça, toute une dynamique par rapport aux expositions, on n’est pas à l’abri d’une personne qui va arriver, nous présenter un truc, et qui lui, serait à fond là-dedans — lui ou elle, ne soyons pas sexiste — et qui du coup va nous révéler tout un pan complètement inexploité du livre-objet, qu’on ne sait pas faire. C’est là que la maison d’édition peut se renouveler encore. Ce serait bien kiffant d’ailleurs, mais bon, il faut attendre que la rencontre se fasse. Peut-être qu’elle ne se fera jamais, et puis ce n’est pas grave.

Pierre Jeanneau : Et puis, à moment donné, quand ça nous travaillera pendant un certain temps, on le fera, on se donnera les moyens.

Alex Chauvel : C’est vrai que tu fonctionnes comme ça, toi.

Pierre Jeanneau : Oui, c’est vrai (rires).

Xavier Guilbert : Avez-vous des regrets sur ce que vous avez fait jusqu’à maintenant ? Ou ce que vous n’avez pas fait ?

Alex Chauvel : Sur des façonnages où on manquait d’expérience.

Pierre Jeanneau : C’est vrai.

Alex Chauvel : On a fait des erreurs, certaines ont été rattrapées, d’autres non. Donc là, il y a des petits regrets.

Xavier Guilbert : D’autant plus qu’au niveau de la fabrication de ces objets, leur complexité fait que souvent, vous n’avez pas la possibilité de vous rattraper par la suite, avec un retirage.

Alex Chauvel : Ben non (rire).

Pierre Jeanneau : C’est ça.

Alex Chauvel : Après, des regrets… pour l’instant, pas trop, je crois. Ou alors, je suis dans le déni.

Pierre Jeanneau : Non, à chaud, je ne vois pas non plus.

Alex Chauvel : Moi, le petit regret, c’est Layers 2.0, mais ça, il l’avait déjà décidé avant de quitter Polystyrène. Avec Flo, on voulait refaire un Layers, qu’il le redessine intégralement. On voulait faire une reliure plus adaptée, qui marcherait vraiment. Le problème de Layers, on s’en est rendu compte après, c’est qu’il marche parfaitement quand le livre est fermé, mais quand il est ouvert, ça décale.

Xavier Guilbert : Il continue de faire son effet. Je l’ai fait lire autour de moi…

Alex Chauvel : Oui, mais avec une reliure suisse, ce serait nickel. En plus, il voulait faire ça en couleur. J’avais vraiment l’espoir de faire ce bouquin, et puis il a décidé de le faire chez lui, à La Poinçonneuse. En même temps, ça fait un moment, donc je ne sais pas s’il bosse dessus. J’ai un peu le regret de ne pas avoir fait cette deuxième version. Ce qui n’est peut-être pas forcément partagé par tout le monde…

Pierre Jeanneau : Oh, un regret, après, je ne sais pas. C’est à lui, ce truc.

Alex Chauvel : Bien sûr, bien sûr.

Pierre Jeanneau : Ce n’est pas vraiment un regret. Il avait comme projet de monter sa structure à côté. C’était le premier bouquin de Polystyrène, je trouve ça limite symbolique et assez beau, le fait que…

Alex Chauvel : … qu’il refasse le même livre dans une autre structure ?

Pierre Jeanneau : … qu’il refasse ce bouquin-là pour monter sa propre structure. Mais de manière plus aboutie, je trouve que ça peut contenir une belle histoire.

Alex Chauvel : Mais je trouve que ça aurait été bien de refaire le livre, différemment d’une part, mais avec plus de bouteille. On fait plus de festivals, on passe par de la distribution maintenant — ce livre, il a eu la place qu’on a pu lui donner à l’époque, on lui donnerait une toute autre place maintenant, et ça, c’est un peu le petit regret.

Pierre Jeanneau : Si, des regrets sur quelques expos qu’on a pu faire, avec des ambitions qui étaient un petit peu — trop ambitieuses pour le coup (rire). Trop ambitieuses en matière de temps et des moyens qu’on avait. Des trucs qui pouvaient faire un peu cheapos sur la fin. Des petits regrets là-dessus. De se dire : « ça, on aurait dû mieux l’anticiper. » On fait avec, on apprend.

Alex Chauvel : C’est ça.

Pierre Jeanneau : Le regret des Caféines, quand même. Les Caféines, c’étaient ces tous petits bouquins qu’on avait faits tout au départ, c’est vrai que je suis vachement attaché à ce truc-là, et en même temps c’est le truc le plus débile, parce que c’est hyper chronophage, et on a tout sauf du temps. J’aimais bien, ce côté laboratoire.

Alex Chauvel : Ça, ça marchait quand on était tous à Angoulême. On se réunissait chez l’un, chez l’autre, et avec les cutters, les règles, les bières, et hop ! toute la soirée, tu coupes du papier.

Xavier Guilbert : Je repense à nouveau à B.ü.L.b. Comix et leur collection de boîtes. Ils avaient décidé dès le départ qu’ils feraient tout l’alphabet, mais une fois qu’ils sont arrivés à la fin de l’alphabet, ils ont fermé boutique et se contentent maintenant de vider les stocks. C’est assez surprenant.

Alex Chauvel : C’est hyper beau.

Xavier Guilbert : En termes de contrainte, il y a là un projet qui va jusqu’au bout. Vous n’avez pas de projet de ce genre-là ?

Alex Chauvel : Non. J’y ai pensé, mais plus cette année, maintenant qu’on est repartis du bon pied. Mais c’est vrai que quand il y avait la fatigue, je me demandais s’il ne fallait pas qu’on fasse un livre infaisable, et qu’on le vende à un prix complètement à perte, histoire de complètement cramer Polystyrène sur un beau livre.

Pierre Jeanneau : Ce serait vachement bien.

Alex Chauvel : Et là, vu que maintenant on est repartis…

Pierre Jeanneau : Après le problème, c’est que tu peux le faire, mais le bouquin ne vit pas tout seul non plus. Il faut suivre la diffusion, il y a du travail qui continue derrière.

Alex Chauvel : Après pendant un an, tu laisses la diffusion se faire, et avec le peu d’argent que tu as récolté, tu payes un restau, et puis Polystyrène c’est fini.

Pierre Jeanneau : C’est peut-être comme ça que ça finira. C’est une bonne idée. Ça me plait bien.

Alex Chauvel : On va chez Jaffar, au bout de la rue, hop !

Pierre Jeanneau : Retour aux origines…

Xavier Guilbert : Ça fait une bonne conclusion…

Alex Chauvel & Pierre Jeanneau : Oui (rires).

[Entretien réalisé à Angoulême, le 25 janvier 2018.]

Notes

  1. L’École Européenne Supérieure de l’Image, située à Angoulême.
  2. Adrien Thiot-Rader, Florian Huet, Ludovic Rio, Alex Chauvel, Pierre Jeanneau pour les fondateurs, Rémi Farnos en plus, d’après la page « équipe » du site.
  3. Le téléscope, un journal numérique sur le modèle de Médiapart, sur la région amiénoise.
  4. Da Capo, à l’Association.
  5. Todd le géant s’est fait voler son slip, récit improvisé de plus de mille pages, comptant 6001 cases, soit une de plus que le Lapinot et les carottes de Patagonie de Lewis Trondheim.
  6. Même si on trouve des utilisations du pop-up qui visent à produire quasiment du multimédia dans un support livre, comme par exemple dans la collection KidiDoc (Nathan).
  7. Anno 1602, sorti en 1998, est un jeu développé par le studio allemand Sunflowers Interactive.
  8. Wiedland Bosma a réalisé l’une des nouveautés 2018 de la collection Façades.
Entretien par en mai 2018