Le Guide de livres à lire absolument

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Comme vous l’avez certainement constaté avec l’été et les vacances venues, journaux et magazines ont multiplié les guides de livres à lire absolument. Une sorte de rattrapage pour tous ceux qui ne veulent pas être définitivement « has been » à la rentrée … Chaque genre a sa sélection (littérature française, lettres étrangères, classiques, policiers, science fiction, beaux arts, etc …). Certes, on vous conseille les meilleurs livres parus dans l’année, mais surtout on vous recommande les plus gros — au propre et au figuré — ! Le pavé étant le critère absolu en période estivale.

Bien entendu, il n’y a rien sur la bande dessinée, qui, comme vous le savez, n’a rien à voir avec les livres, c’est pas très épais, ça se lit vite, et puis c’est fait pour les analphabètes, les adultes libidineux frustrés ou pour les enfants. [1]
Ce sont peut-être des clichés mais des clichés qui, hélas, perdurent !
Si, par hasard, on trouve une sélection bande dessinée, on est vite affligé par les choix.
Dans le supplément du Monde daté du 24 juin consacré aux livres de poche, on trouve sélectionné, Scoopette de Wolinski et Litteul Kevin de Coyote ! Et on nous précise que cette réédition en poche donne « une bonne idée du talent de dessinateur de Coyotte » ! ! !

En résumé, ce choix du Monde se fixe sur l’humour (donc divertissement, donc ça vous fatiguera pas les neurones les mecs …), les valeurs consacrées (Wolinski (60 ans) = idéaux de gauche = B.D. adulte et libre = l’impression d’avant-garde pour le quidam de 95 …) et le format de poche (pas cher, jetable, « cachable » si on vous surprend avec …)

Ce n’est donc pas avec la presse ou la presse magazine que vous pourrez vous informer sur une bande dessinée vivante et créative. Presse qui est pourtant à l’origine de l’explosion du 9e art il y a 100 ans …[2]

Cette indifférence de la « médiasphère » est imputable non seulement aux journalistes, mais aussi aux amateurs (plus fans qu’amateurs) et aux créateurs de B.D. (respectivement) frileusement installés dans leur petite passion et leur petit métier. Les uns refusant la « prise de tête », les autres se comportant comme des artistes beaux arts frustrés résignés à vivre de « petits miquets » !

A du9, il n’y a pas ce sectarisme et on refuse une bande dessinée populiste ! Seule l’ouverture des sens et les voyages intérieurs nous motive !

Notes

  1. Ce n’est d’ailleurs pas sans paradoxe car tout ce qui se consacre à l’actualité du livre n’hésite plus depuis quelques années à en faire des tartines sur les livres pour enfants et à les conseiller aux adultes ! Des livres qui sont, en plus, souvent illustrés par des dessinateurs venant de la bande dessinée …
  2. Si la presse s’indiffère du neuvième art, elle n’en consomme pas moins ses dessinateurs avec avidité, tant qu’ils restent dans le cadre (étroit) de l’illustration ou de la caricature.
Humeur de en juillet 1995