Vues Éphémères – Octobre 2020

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Disons-le tout de suite : la période actuelle ne se prête pas vraiment à cet exercice d’éditorial mensuel, à moins d’accepter de ressasser, mois après mois, la même morosité ambiante. Nous voilà donc reconfinés pour au moins un mois, et les ajustements effectués par le gouvernement font grincer des dents bien des acteurs de la chaîne du livre. Quelle que soit la nature première de la crise (ici sanitaire avant d’être économique), elle vient souvent raviver des tensions souterraines, soulignant cruellement combien tous ne sont pas égaux face à l’adversité.

Ainsi Fnac et grandes surfaces ayant été décrétées commerces essentiels (car proposant des produits informatiques[1] ou de l’alimentation) pouvaient dans un premier temps continuer à vendre aussi des livres, alors que les librairies étaient contraintes à la fermeture. A situation injuste, réaction ubuesque — et le gouvernement a choisi l’interdiction généralisée de vendre livres ou disques (en dehors des systèmes de « click-and-collect« ). Bien sûr, on ne manquera pas combien cela vient jouer en faveur de l’ogre Amazon, déjà monopolistique ou presque au niveau de la vente à distance[2]. En temps normal, ces trois modèles économiques (librairie indépendante, grande surface culturelle, e-commerce) mais aussi trois manières différentes d’envisager leur métier et le livre, seraient vus comme contribuant chacun à sa manière à la richesse de l’offre culturelle. En temps de COVID, ne subsiste que la réalité d’une concurrence sans pitié.

L’approche de la fin d’année, avec en ligne de mire les achats de Noël, vient compliquer les choses. Le premier confinement avait donné lieu à de nombreux reports et décalages, les éditeurs préférant attendre des jours meilleurs pour sortir les livres prévus. Si la reprise du mois d’août était encourageante, ce deuxième confinement fait planer bien des inquiétudes alors que les « locomotives » du segment devaient débarquer en librairie dans les semaines qui viennent. On sait en effet combien le mois de novembre est crucial, chacun cherchant à être le mieux placé sur la grille avant le top départ de la ruée sur les cadeaux. Les questions qui pèsent sur ces ouvrages à venir sont révélatrices de la fragilité de ce produit particulier qu’est le livre, alors que s’opposent son apparente pérennité (tant dans sa matérialité que dans son contenu) et la rotation élevée du marché dans lequel il existe, gouverné par la prime à la nouveauté.

Morale de l’histoire ? Fini de lire, il est temps de se remettre au (télé)travail.

Notes

  1. Indispensables dans un contexte où l’on veut encourager le télétravail.
  2. Au point que les panélistes (Ipsos et GfK, pour ne pas les nommer) ont cessé de proposer une catégorie « vente internet » dans leurs données à partir de 2012, tant celle-ci aurait été indicative du chiffre d’affaire du géant américain.
Humeur de en octobre 2020