Agent Secret X-9

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Considéré comme l’un des premiers grands maîtres du roman noir, l’œuvre la plus connue de Dashiell Hammett est sans aucun doute Le Faucon Maltais, adapté au cinéma en 1941 par John Huston et avec Humphrey Bogart. Curiosité donc que ce Secret Agent X-9, seule excursion de l’auteur dans l’expérience du strip quotidien, qu’il anima durant un peu plus d’une année en compagnie d’un autre nom fameux, Alex Raymond (le créateur du mythique Flash Gordon).
On y trouve toute un univers de personnages emblématiques : ici, les femmes sont éplorées ou fatales, les majordomes véreux, les journalistes fouineurs, les gamins débrouillards, et les cerveaux du crime se cachent tous derrière des surnoms hauts en couleur — du Dominateur à Big Hat en passant par le Masque. Le héros lui-même n’est pas en reste — l’élégance redoutable, la gachette facile, l’agent secret X-9 traverse ces histoires en frôlant la mort et en brisant les cœurs, sans succomber à quoi ou qui que ce soit.

Au-delà d’une ambiance délicieusement rétro estampillée «gangsters des années 30», l’ensemble donne par contre très vite une impression de répétition, et après l’histoire originelle X-9 contre le Dominateur, les trois autres récits du recueil font un peu redite — la faute sans doute au rythme imposé par le strip et ses exigences de «suspens» quotidien.
On sera ainsi parfois surpris des ellipses de la narration, se permettant de traiter quatre scènes en autant de cases, alors que d’autres séquences (plus tournées vers l’action) se verront accorder plusieurs pages avec leur lot de «cliffhangers». Combats échevelés et rebondissements inattendus, alliances d’intérêt et trahisons infâmes, tout cela s’enchaîne frénétiquement, à tel point que l’on finit par décrocher — victime du changement de support (du strip au recueil) et de rythme de lecture différents.

Alors que le strip continuera à paraître jusqu’en 1996 sous d’autres plumes, changeant de titre pour s’intituler Secret Agent Corrigan, l’intérêt principal de ce recueil est de constituer l’intégrale définitive en un volume carré[1] (et à la tranche joliment noire, de quoi s’en mettre plein les doigts) de la collaboration de deux talents. En quelques mots : daté, pas indispensable, mais historique.

Notes

  1. Volume carré, qui change des habituels formats à l’Italienne des recueils de strips, et qui en profite pour rappeller au passage que ces cases étaient pensées dans leur structure même pour être publiées soit en bandes (le «strip», justement), soit en carré, et ce afin de s’adapter aux différentes configurations des quotidiens.
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Chroniqué par en mai 2006